« Ecrire est au contraire la plus sûre façon de ne rien rater de la vie, d'en débusquer les ressorts secrets, invisibles à l'oeil nu, de s'y ancrer… »
C'est cela, le moteur de
Lionel Duroy et ce livre fait éclater ce qui relie ces frères et soeurs.
La colère l'a miné, même laminé car c'est une vie familiale « en guerre » où les trêves sont rares.
Comme souvent chacun, dans la fratrie, le vit à sa façon, avec sa sensibilité. Paul n'a jamais eu honte de sa famille, il a été détruit par ses chaos successifs.
Sa mise au ban de sa famille, lors de la publication de son premier livre, le condamne mais condamne aussi ses enfants. C'est une blessure de plus, profonde.
Cette réconciliation qui arrive enfin, ne comblera pas les vides, des pans de vie resteront enfouis.
Chacun va livrer son point de vue, se délester, se délivrer.
La figure parentale surgit au fil des récits, entre cocasseries, drames et scènes ubuesques. Aucun n'a eu de références pour se construire avec ; ils se sont construits contre et parfois se surprennent à reproduire…
Ce livre est celui de l'apaisement, de la compréhension.
Lionel Duroy fait de son oeil la caméra qui révèle, dévoile mais il l'habille de tous les battements de coeur qui accompagnent chacun des membres présents.
Mille détails émaillent ces retrouvailles presque des épousailles, Paul est attentif à tous et à chacun par de petits gestes qui montre son attention extrême, l'intérêt qu'il porte à tous. Il les enveloppe.
Ce premier livre, qualifié de « saloperie », est sans cesse retravaillé, approfondi.
Dans la grande tradition des romans familiaux qui analysent « de quoi nous sommes tous faits… » émerge cet héritage inéluctable.
C'est un témoin partial, mais un témoin « Nous sommes faits de ces événements, au lieu de les balayer sous le tapis, je cherche à les retenir, à les observer à la loupe, à en exprimer toutes les facettes, y compris les plus secrètes, les moins avouables. Sans doute pour ne pas traverser la vie comme un imbécile heureux. »
Dans ses précédents ouvrages, la colère n'était pas tournée vers les autres, elle le rongeait lui, mais la tendresse était sous-jacente.
Ici, cet opus est épidermique, la tendresse court sous les mots pour mieux les faire frissonner.
C'est une respiration profonde qui creuse la psychologie familiale et ses liens indestructibles.
En chacun de nous l'enfant est là, tapi profondément.
Raconter la famille est un art, qui dévoile celui qui tient la plume.
Lionel Duroy le possède car si rien n'est occulté (c'est son fonctionnement) il y a l'élégance jamais la vengeance.
Tout décortiquer pour comprendre et accepter ce qui ne peut être changé.
Une lecture très attendue par ceux qui suivent le parcours de Paul et qui donne envie de relire chronologiquement.
Une belle émotion !
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 27 octobre 2019.