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EAN : 9782807003200
200 pages
M.E.O Editions (11/01/2022)
3.19/5   8 notes
Résumé :
Dans sa librairie du Quartier Latin, « Les Lettres Persanes », Maurice vit seul au milieu de ses livres et de ses souvenirs. Mais un jour, il reçoit un mystérieux colis, rempli de cahiers dans lesquels sont retranscrites des légendes de tous les continents. Touché par la beauté de ces récits, Maurice décide de les sauvegarder et de les donner au monde au travers d’une pièce de théâtre. Pour cela, il doit convaincre Thomas, ex-comédien du célèbre Théâtre Monstre, de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
La mission particulière du libraire

Dans un premier roman habilement construit, Chloé Dusigne raconte comment un libraire, découvrant les textes qu'un soldat mort en Afghanistan lui a fait parvenir, décide de les «donner au monde». Un pari qui est loin d'être gagné.
Maurice est libraire. Après le décès de Nicole, son épouse, et le départ de sa fille et son fils, il se retrouve seul à ressasser ses souvenirs.
Son histoire pourrait commencer en ce jour funeste de septembre 2001 avec l'effondrement des tours jumelles, au moment même où l'on répétait une pièce de théâtre. Il avait du reste fallu à la troupe quelques minutes pour comprendre que ces avions s'enfonçant dans le World Trade Center étaient bien réels.
À compter de ce jour, l'Afghanistan était devenu l'un des principaux sujets de discussion avec ses clients, notamment avec François, avec qui il avait beaucoup échangé. Puis François n'avait plus donné de nouvelles.
Après s'être souvenu qu'il travaillait au théâtre, il avait appris par Diane, l'une des responsables, que François était parti pour l'Afghanistan où il avait sauté sur une bombe et était mort. Mais leur histoire commune ne s'arrête pas là. Quelques temps plus tard un gros paquet comprenant des dizaines de cahiers arrive à la librairie. Les écrits de François vont enthousiasmer Maurice qui décide de les transposer sur ordinateur. «Plus j'écris et plus je me sens le dépositaire de ces textes. Une mission s'impose à moi: je dois les protéger et les donner au monde. J'aime cette expression: donner au monde.» Diane partage son enthousiasme et entend en proposer une adaptation sur scène, mais à condition que Thomas, l'ami de François, accepte de remonter sur scène. Ce qui est loin d'être gagné. Après l'intervention de sa femme Djamila, il va finalement tenter de relever le défi.
Chloé Dusigne va alors nous livrer la genèse de cette oeuvre créée avec la troupe, de l'euphorie aux doutes, des belles idées de mise en scène jusqu'à un quasi-renoncement. Son livre est à la fois une plongée dans la création d'un spectacle et l'histoire d'une amitié forte, de celle qui tisse des liens indéfectibles même par-delà la mort. Un premier roman qui est aussi une promesse, celle d'une voix singulière, qui n'hésite pas à explorer les différentes possibilités narratives qui s'offrent à elle, en donnant la parole à différentes voix, en nous donnant à lire des extraits de ces cahiers, ou encore en faisant dialoguer les protagonistes. Sans oublier la dramaturgie scénographique qui met les émotions à fleur de peau. Vous l'aurez compris, cet ouvrage est aussi un hommage à tous ces passeurs de mots.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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« Les passeurs de mots » a été une lecture particulière pour moi. Il faut dire que depuis quelques temps, je lis principalement des récits imaginaires. Et donc passer à de la littérature blanche a été un peu brutal pour moi ! Je suis passée par des phases d'ennui au début puis par de l'intérêt avant de finir par ne plus lâcher le livre.
Le début du livre m'a demandé de passer une phase de jetlag littéraire. En effet, j'ai eu besoin de m'habituer de nouveau au rythme plus lent de ce type de littérature. Ponctué de métaphores, de descriptions de petits éléments des scènes plus que d'évènements très marquants, le roman commence par nous raconter la vie de Maurice, le libraire de l'histoire. Un début un peu monocorde et triste qui dépeint le quotidien de ce personnage. Et cela permet d'apercevoir la narration du roman : chaque passage aura son rythme et son humeur en accord avec les personnages qui en sont l'objet.
L'ensemble restera très triste par le thème principal abordé : le deuil. Chacun des personnages est confronté à la mort d'un être proche. Maurice a perdu sa femme d'un cancer. Thomas a perdu son amis et Soufia son amant. le fil de l'histoire se tisse autour de cahiers où sont rédigés des textes en lien avec le personnage disparu à la guerre. La seule inconnue reste la personne qui a envoyé ces cahiers au libraire. Car si on retrace l'histoire du disparu, on connaît sa fin sinistre dès le début…
Le thème sous-jacent est celui de l'Afghanistan : sa culture, ses richesses et sa situation conflictuelle. Différents éléments comme la mort du disparu sur une mine, les attentats du World Trade Center ou ceux du 13 novembre sont autant d'éléments qui interviennent dans le décor de l'histoire et constituent, mine de rien, un axe important.
Le personnage du libraire permet d'introduire quelques éléments sur le thème de la lecture, sur les lecteurs en général. « Je suis inquiet de ne pas avoir pris de livres pour remplir ma nuit. » Autant de phrases qui permettent de révéler quelques petites manies des lecteurs, affectueuses.
Le récit s'est transformé au fur et à mesure que le personnage de Thomas a pris de l'importance : le rythme est devenu saccadé pour décrire sa vie en entreprise, le stress de son métier qui ne lui correspond pas. Et finalement effréné quand il raconte son histoire et celle des cahiers pour mettre le lecteur sous tension.
J'ai donc apprécié la construction de ce récit où il y a finalement peu d'inconnu mais qui tient fermement le lecteur en haleine. L'écriture y est poétique et multiple dans les formes qu'elle propose.
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Je remercie l'autrice et la maison d'édition pour ce service presse papier.

La couverture ainsi que le résumé m'ont donné envie de lire ce roman, la couverture est douce, agréable au toucher.

Maurice est un libraire spécialiste de la littérature perse, il vit de son passé et se nourrit de lecture. Une dizaine d'années plus tard, il reçoit un carton de carnets qui mit bout à bout forme un texte, mais il ignore l'expéditeur.

Touché par leur esthétique, il décide de les faire lire en public. Pour cela, il doit convaincre son ami Thomas, comédien qui a abandonné les planches, de se prêter à l'exercice.

François, un client qu'il n'a pas vu depuis longtemps, mais qu'il sait être lié à un théâtre. Il s'imagine que l'envoi vient de lui. François est obsédé par l'Afghanistan et la guerre qui s'y déroule. Il s'y rend comme militaire et y perd la vie. À partir de ce jour, Thomas refuse de monter sur scène.

Le thème principal abordé est le deuil. Chaque personnage est confronté à la mort d'un être proche. le fil de l'histoire se tisse autour de cahiers où sont rédigés des textes en lien avec le personnage disparu à la guerre. Car si on retrace l'histoire du disparu, on connaît sa fin sinistre dès le début…

Le roman commence par nous raconter la vie de Maurice, le libraire de l'histoire. Un début un peu long et routinier qui raconte le quotidien de ce personnage.

Pour finir :
C'est une histoire d'amitié, de deuil, de résilience à travers les mots et l'écriture.

Maurice est un personnage qui intrigue, de sa volonté à être "passeurs de mots".

Dans ce roman, le temps passe doucement, au rythme de la vie dans cette paisible librairie, ou on a l'impression que tout autour de vous s'arrête.

La seule inconnue reste la personne qui a envoyé ces cahiers au libraire.

Je trouve qu'il y a parfois trop de longueur ou de descriptions à mon goût, mais c'est une bonne petite lecture.
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Un peu déçue parce que je suis passée totalement à côté de cette lecture.

Pourtant, ça parait bien : un personnage libraire, une intrigue autour d'une compagnie de théâtre, l'importance de l'écriture, et cette volonté d'être "passeurs de mots". Tout ce qu'il faut.

Mais pourtant, ça n'a pas pris.

Le rythme, ou l'écriture, je ne sais pas trop, ça ne m'a pas vraiment embarquée.

Déjà on commence avec le quotidien du libraire trop détaillé, trop dans la description de son métier (et pas forcément le plus glamour du métier) et la banalité de son quotidien. Globalement, j'ai noté beaucoup trop de longueurs pour un récit pourtant pas si long en terme de pages...

Puis ensuite, le développement reste assez convenu. Et en même temps la narration m'a semblé un peu décousue, presque brouillon, avec une chronologie parfois assez hasardeuse.

Et finalement, l'histoire, et toutes les émotions qui auraient dû s'y dégager (parce que bon, il est question de deuil, d'événements un peu dramatiques, tout ça) restaient trop lisses à mon goût, et pas du tout poignant ou interpellant. Il manquait un petit quelque chose pour relever tout ça.

Bon, et puis, comme je suis pas très sensible à la culture afghane, ça n'a pas dû aider non plus.
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Je remercie les éditions MEO de leur envoi.
J'ai eu un coup de coeur pour la plume de Chloé Dusigne, une écriture fine, ciselée.
Un libraire spécialisé dans la littérature perse reçoit un carton de carnets formant un texte magique mais sans nom d'expéditeur. Il cherche alors à retrouver François, un client qu'il n'a pas vu depuis longtemps mais qu'il sait être lié à un théâtre. Il s'imagine que l'envoi vient de lui.
Poussé par l'envie de faire vivre ce texte sur scène, sa quête de François le conduit à trouver Thomas, qui l'a bien connu.
Histoire d'amitié, d'amour des mots et des livres à déguster!
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
PRÉAMBULE – THOMAS –
« Elle était belle, je crois que je l’ai aimée. Malgré moi. Malgré lui. Malgré nos peurs. Malgré nos rêves. Malgré sa mort. »
Thomas est debout. Il fait face au maître de théâtre et aux autres comédiens assis en cercle. Sa main droite se lève, ses lèvres humectent sa langue, sa voix forte jaillit de nouveau :
« Je ne sais pas vraiment comment tout a commencé. Peut-être ce jour où les Tours se sont effondrées. Peut-être. Je me souviens :
Nous sommes en train de répéter le Seigneur des Steppes au Théâtre Monstre. Quelqu’un entre dans la salle et crie : “Les Tours se sont effondrées ! Une attaque ! Une attaque !”, nous nous arrêtons, nous observons le messager, nous cherchons à savoir si son intervention fait partie de notre improvisation ou si le véritable effroi doit nous gagner. Cette indécision dure peu, mais je me rappelle encore la forme improbable constituée par le messager à travers les trous étroits de mon masque de bois. Très vite nous comprenons que nous devons regagner la réalité. Nous retirons nos masques, nos coiffes, nos sabres, nos vestes, nous nous approchons du messager. Il raconte ce qui est en train de se passer de l’autre côté de l’océan.
Nous nous précipitons dans le lobby, allumons la petite télé. Le maquillage et la transpiration encore sur nos visages, nous regardons les Tours s’effondrer au milieu des cris et de la poussière, encore et encore. Nous voyons l’avion entrer dans le béton. À répétition. Ces vies, des points noirs si minuscules, qui volent puis s’écrasent sur le sol. Nous veillons jusqu’à l’aube. Nous pleurons ces vies brisées. Nous remettons tout en question, notre art, notre action, notre métier avec dans nos têtes cette question redondante : “Que sommes-nous face à cette horreur ?” »
Thomas se tait. On entend le souffle du vent dans les arbres.
Dehors, il fait beau, presque chaud. Un soleil d’automne caresse les feuilles dorées des marronniers.

Le matin, le maître, une étole d’un vert flamboyant posée sur son épaule, a exigé les fenêtres closes. La tension des corps a peu à peu converti l’air de la salle en électricité et la buée sur les fenêtres a fait disparaître les arbres. Tout au long de la journée, les corps des acteurs, d’abord étirés, puis tordus, forcés, dansés, poussés au bord, se sont mêlés, se sont frôlés, ont appris à se connaître, à se deviner comme une fièvre impatiente d’avant l’amour. Une fine chaleur a embué le cou des femmes sous leurs cheveux relevés. Le souffle court s’est transformé en râle, des corps est sorti le chant subtil d’une langue encore inconnue. Les ombres flottaient sur les murs blancs de la salle, et tâchaient de suivre l’exigence du maître, surtout de capter son attention.

Vers la fin de la journée le maître a fait asseoir les acteurs. Certains sur leurs talons, d’autres encerclant leurs genoux de leurs bras. Le maître a exigé d’eux l’inspiration et l’expiration forte du souffle, il voulait entendre le souffle, tout entendre.
Le maître a alors fait le tour de la pièce et a ouvert une à une les fenêtres. En grand, sur le bois de Vincennes, afin que le souffle des acteurs se mêle à celui du vent.

Le maître s’est assis à son tour dans son fauteuil, avec la lenteur affectée de son âge. Placé juste à côté d’eux, il formait avec eux les spectateurs d’un cercle vide. De sa voix ancienne, il leur a dit : « Écoutez, écoutez… Non, ne fermez pas les yeux, écoutez simplement. » Les acteurs ont écouté chaque bruit. Le craquement du plancher, le souffle des lampes, le ronronnement d’une voiture lointaine, le sabot d’un cheval, le chant d’un oiseau, le vent dans les branches, le murmure de mots échangés, le vrombissement d’une moto, le souffle plus fort du vent.
« Écoutez. C’est cette vie que je vous demande à présent de me raconter. »

Alors Thomas s’est levé et a commencé à raconter. Les mots se sont échappés de sa bouche comme la logorrhée étouffante d’un homme qui a trop bu. Et alors qu’il pensait son récit terminé, et allait se rasseoir, les mots se sont autoproclamés :
« C’était comme à la veillée d’un mort : Les gens venaient et repartaient, serraient les mains, les épaules, ils priaient. D’autres restaient là, hébétés, perdus, l’espoir en brèche, avec parfois, le cri d’un homme en rage.
Le soir, mon ami est arrivé. Il avait le visage tendu, fermé, son œil d’habitude chantant n’était couvert que de noir. Il s’est accroupi, fermant le cercle, il s’est mis à chanter. Un chant en farsi, un chant déchirant, un chant de deuil. Je n’ai pu que m’asseoir à mon tour, joindre mes larmes à celles de mes compagnons de veillée.
C’est de cet homme qui chante que je devrais vous parler ! »
Thomas hurle.
Ses pas frappent le parquet. Ses doigts comme des crochets voudraient se précipiter contre le cou du maître. Il s’arrête à quelques centimètres du visage du vieux sage. Il voit son regard. De peur. Il fait quelques pas en arrière. Thomas enlace son ventre de ses mains.
« Je ne peux pas. Je suis désolé. »
Il hoche la tête de droite à gauche. S’essuie les yeux. Se tire les cheveux en arrière. « Excusez-moi. »
Il sort de la salle. Il quitte le théâtre.

JANVIER – MAURICE

LUNDI 7 JANVIER
Le paiement de la commande auprès de Verdier n’est toujours pas passé. Il m’a relancé ce matin. Sur mon fixe, à l’appartement. Je sortais de la douche, j’ai laissé des traces de pas mouillés sur le parquet. Nicole aurait été folle. La serviette autour de la taille, les cheveux dégoulinants, j’ai dû promettre que oui, demain sans faute, il aurait son virement. À la longue, Verdier va me laisser tomber. Je dois de nouveau me plonger dans la compta. C’était Nicole, au début, qui s’en chargeait. C’était bien.
En soufflant sur mon café, je regarde les gens passer de l’autre côté de la vitre des Officiers. J’ai balayé vite fait le Parisien, mais je n’ai rien trouvé de bon à en tirer. Pierre me jette des coups d’œil de derrière son comptoir, comme d’habitude, il porte son gilet noir et sa chemise blanche aux plis impeccables, il explique « C’est pour les touristes, ça fait authentique », mais je crois qu’il aime bien, ça lui donne de la prestance lorsqu’il astique son comptoir.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie de parler. J’ai envie de fumer.

Le rideau métallique de la librairie est glacé. Un jour, il faudra que j’investisse dans un truc automatique, t’arrives et t’appuies sur un bouton, et hop ça s’ouvre. Mais j’aime le bruit paresseux du vieux rideau de ferraille, ses crispations, ses déliés. Moi aussi, j’ai de l’authentique… Il va falloir que je le graisse. Tous les matins, je me le dis, tous les matins, je me réponds « Aux beaux jours… »
Le carillon de la porte d’entrée me souhaite la bienvenue. Comme chaque jour, j’ai cette image fugitive de mes enfants devenus trop grands à présent, Simon et Maïa qui poussent à la volée la porte du magasin, jettent leur cartable dans un coin et me sautent dans les bras avant d’entamer leurs devoirs sur le comptoir, les pieds dans le vide.

À midi, seul dans la cuisine de l’arrière-boutique, je tire les rois.
Un soleil doux filtre à travers la fenêtre sale de l’atelier qui court tout le long au fond du magasin. Je me prépare un thé vert avec de la cannelle. L’eau chaude fume dans la théière, je me sers une grande tasse que je laisse refroidir, bientôt l’ambre de l’infusion. J’essuie un couteau et je fais des parts dans la galette. Je coupe quelque chose de dur, je recouvre vite de frangipane, et recoupe la part de côté. Je tourne la galette, je me surprends à dire à voix haute « Pour qui celle-là ? », en montrant les parts.
Bien sûr, personne ne me répond, et je croque avec plaisir dans la première venue. Sous la dent, quelque chose de dur : « Je suis le roi. »
J’attache les deux extrémités de la couronne en carton doré ornée de gros diamants rouges et bleus, puis je la place sur le sommet de mon crâne. Je me tourne vers mon vieux miroir piqué. Je me contemple, la main droite placée sous la couture de mon gilet de laine, à la Napoléon. Je suis ridicule. Mes satanés cheveux orange se redressent au sein du centre d’or formé par la fausse couronne. Je cherche à les aplatir de la main, mais, comme toujours, ils ne veulent rien savoir du tout. Leurs boucles serrées se redressent de plus belle, d’autant que je n’ai pas eu le temps de les coiffer au sortir de la douche. Les coiffer, c’est vite dit, il s’agit de les scotcher contre mon crâne grâce au peigne de mon arrière-grand-père avant qu’ils aient commencé à sécher. Ça a tendance à réduire l’effet rasta à la manque. Mais aujourd’hui, le temps de raccrocher le téléphone, c’était foutu.
Je me tire la langue – un Einstein couronné –, je quitte mon portrait de roi.

Je sors dans la cour. Il fait froid malgré le soleil, et je resserre mon gilet sur ma poitrine. Ma petite cour, mon jardin suspendu entre quatre hauts murs parisiens. C’est le moment idéal pour une clope, mais j’ai promis à Maïa que j’arrêtais. Maudite résolution de Nouvel An ! J’étais ivre au moment de la promesse. Mais pas Maïa. En tout cas, pas suffisamment pour l’avoir oubliée le lendemain, et ne pas me la rappeler au moment de la traditionnelle première clope, après le premier café, avant le deuxième.
Le vieux cendrier me nargue, coincé sur les pavés, entre la marche et le pot rectangle des bambous, au pied de la chaise longue recouverte de poussière. Il est encore plein. Je devrais le vider, il me nargue trop. Les géraniums et le lilas sont emballés de leur protection d’hiver en plastique, c’est d’ailleurs assez moche depuis la boutique. Les autres pots sont en friche. Les bulbes attendent dans ma serre miniature. Mais les bambous restent increvables.
Le camélia ne semble pas vouloir fleurir. J’enlève les feuil
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JEUDI 10 JANVIER
Il fait sombre, le temps est humide, froid. J’allume les lumières pour donner un peu d’éclat à la boutique.
Ce matin, je me suis attaqué au rayon Perse antique. J’ai d’abord compté les doublons et vérifié que le catalogue était au complet. Ensuite, j’ai astiqué, reclassé, épousseté chaque livre avec mon plumeau et ma peau de chamois sur les tranches et les couvertures. J’ai feuilleté les pages afin que le livre ne devienne pas trop rigide, parfois je me suis laissé prendre et j’ai relu les passages oubliés ou les pages cornées par ma mémoire. Je me suis mis à lire et à relire, un pied appuyé sur la première étagère du présentoir, le plumeau sous le bras, un livre sous l’autre. Je n’avançais pas vite, Nicole m’aurait certainement reproché mon manque d’efficacité. « On vend, ici, on ne fait pas de la poésie », disait-elle, en sachant très bien que j’étais plus poète que vendeur.
Perse antique, ce n’est pas le rayon qui a le plus de succès, contrairement à Géopolitique et Histoire du XXe siècle, qui n’a pas un gramme de poussière. Les étudiants en sciences politiques, histoire, journalisme, géographie, sciences humaines s’en occupent de manière efficace, pas besoin de passer derrière. Professeurs et chercheurs y participent également. Mon petit ego personnel aurait tendance à me vanter de l’exhaustivité de mon rayon. Quitte à être spécialisé, autant être le mieux approvisionné possible. Tu ne trouves pas une référence, tu viens me voir. C’est ma fierté, quand le thésard cherche depuis une éternité un livre introuvable, un livre qui n’existe plus, et que je le lui sors de sous le comptoir, j’éprouve un véritable plaisir de voir ses yeux briller. Si je n’ai pas le livre au magasin, j’actionne mon réseau, et je le déniche toujours.
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Plus j'écris et plus je me sens le dépositaire de ces textes. Une mission s'impose à moi: je dois les protéger et les donner au monde. J'aime cette expression: donner au monde. p. 65
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La première fois que je l’ai vu, il lisait des annales du bac allongé sur son banc. Il l’avait trouvé dans une poubelle et il m’a avoué que c’était mieux que rien. J’ai pris l’habitude de lui laisser des livres sur son banc.
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