Citations sur Envoyée spéciale (99)
Et tant mieux, vraiment, car rien n’est ennuyeux comme les récits de rêve. Même s’ils ont l’air à première vue drôles, inventifs, ou prémonitoires, leur prétention de film à grand spectacle est illusoire, leurs scénarios ne tiennent pas debout (…). A de nombreux égards, le rêve est une arnaque.
Une corbeille pleine dénote un homme actif.
Ce faisant, ils marchent dans les allées du parc, où, installé à une place stratégique, Objat observe leurs allées et venues — nous ne comprenons pas non plus, malgré notre omniscience, comment il a pu être informé de ce rendez-vous qui a l'air, ma foi, de se passer pas trop mal.
Avant-dernière dans le classement national des densités de population, la Creuse compte de vastes pans inoccupés voire, dans le sud, quasiment déserts. Les landes y alternent avec les hauts plateaux, les forêts avec les tourbières. Il n'y a personne, rien à manger pour personne que des champignons en automne, mais nous ne sommes pas en automne et nous méfions des champignons, ainsi que des baies que seuls savent aussi choisir les partisans du retour à la nature. En forêt, hormis quelques bêtes sauvages - loups sans affect, cerfs ombrageux, sourcilleux sangliers - qui cherchent elles aussi de quoi manger, vous-même à l'occasion, il est d'autant plus rare de croiser une présence humaine que la région se dépeuple à vue d'oeil. Et moins il y a de monde, on le sait, plus il y a de forêt.
Il s'y est retrouvé sans perspective, sans plus avoir grand-chose à faire, oisif. A peine entamé, l'après-midi se présente sous la forme d'une balle qu'il va falloir pousser du pied, heure après heure, jusqu'à celle de prendre un verre puis de dîner (mi-temps) avant que la soirée commence (balle neuve).
Constance s'est retrouvée sans pouvoir bien disposer de son corps ni de ses pensées, a erré d'une pièce à l'autre sans savoir ce qu'elle allait y faire - comme il arrive quand vous revenez d'un long voyage avec la perspective confuse d'avoir beaucoup de choses à régler, ranger, mettre à jour et puis finalement non, rien, vous n'avez même pas envie de défaire votre valise, l'idée ne vous traverse même pas d'aller récupérer les mois de courrier, amoncelé chez le concierge, faute de mieux vous aller prendre une longue douche qui ne vous détend pas plus que ça, ne vous procure pas autant de plaisir que vous auriez cru.
Reste les autres usagers de la rame qu'on peut toujours examiner mais, dans le métro, il ne faut pas les regarder trop longtemps, ni les hommes car cela peut être mal pris aussi. Reste les enfants : ce qu'il y a de bien avec les enfants, c'est qu'on peut les regarder tant qu'on veut, même dans les yeux, on peut aller jusqu'à leurs sourire sans redouter de représailles. Croit-on.
Croit-on car en réalité, sous leur masque d'indifférence et de candeur ils vous repèrent, ils prennent des notes, se renseignent sur votre état civil, vous identifient au moindre détail près grâce à leurs super-pouvoirs, vous mettent en fiche, vous inscrivent sur leur liste et un jour ou l'autre, une fois adulte ou même avant, dès qu'ils seront en âge de régler leurs comptes, vous comprendrez votre douleur.
Chemisier bleu tendu, pantalon skinny anthracite, souliers plats, coupe à la Louise Brooks et courbes à la Michèle Mercier - ce qui n'a pas l'air d'aller très bien ensemble mais si, ça colle tout à fait. Trente-quatre ans, peu active et peu diplômée - à peine capacitaire en droit-, épouse d'un homme dont les affaires marchent ou du moins ont marché, mais c'est la vie avec cet homme qui ne marche qu'à moitié : vie matérielle facile, vie matrimoniale pas.
Famine après famine, avec trois cents grammes de maïs par jour au mieux, les gens ont vu leur taille moyenne réduite à 1,55 mètre. Mais ils n'ont pas intérêt à se plaindre. Il vaut mieux même pour eux qu'ils la ferment absolument. Le moindre mot ou geste de travers sur le régime vous expédie en camp où, entre vingt heures de travail par jour et deux séances de torture imaginative, vous serez content de coincer un rat ou un serpent pour les dévorer crus, vous serez plus heureux encore de pouvoir les faire cuire en douce au risque, pour ce méfait, d'être encore torturé avant votre exécution publique, qu'on vous fusille, vous pende ou vous lapide selon l'humeur de votre chef de camp.
Dans ce mouvement, comme jaillissait de sa personne une puissante émanation de lotion après-rasage Hugo Boss, les narines de Constance se sont rétractées.