« Ceci est une fiction. Les noms, les personnes, les lieux et les actions sont les produits de l'imagination de l'auteur etc...etc... » : on a envie de le croire mais en fait, on est à peu près sûr que c'est faux ! L'auteur,
Jakob Ejersbo, est danois, né en 1968 et mort d'un cancer en 2008. Il a reçu le prix Golden Bay en 2003. Ce roman fait partie d'une trilogie (
Exil, Révolution et Liberty) dont les deux derniers volumes paraîtront, avec l'accord de l'écrivain décédé, dans cet ordre de 2013 à 2015, un titre par an. le dernier n'a pas été terminé par l'auteur mais par son ami Johannes Riis.
Que dire d' «
Exil » ? Il est difficile, pendant un long moment, de se passionner pour cette sorte de journal tenu par une lycéenne entre sa quinzième et sa dix-huitième année. Parce que ce monde est très particulier, monde de ceux qu'on appelle les « expats », ces Européens qui vivent quasiment toute leur vie en Afrique, ici en Tanzanie, mettent leurs enfants dans les écoles huppées du pays avec les fils de diplomates et de riches autochtones, s'ennuient à périr en général et tuent leur ennui à coups de soirées mondaines où l'alcool, les filles et la drogue parfois tiennent lieu de compagnie.
L'héroïne, Samantha, (qui veut se faire appeler « Sam-le-gars ») se la joue affranchie, délurée, provocatrice, garçon manqué mais qui sait allumer les hommes et se faire renvoyer de son collège chic. Bref, elle a tout d'une grande, sauf qu'elle est une petite fille mal aimée, abandonnée aux domestiques, frappée par son père qui a une façon étonnante de vouloir endurcir ses filles, en les giflant à toute volée au moment où elles s'y attendent le moins, avec pour mission de ne pas laisser échapper une larme ni un cri. Tu seras un homme, ma fille...
C'est qu'il est dur, le papa, ex-SAS, services spéciaux britanniques, mercenaires au service des révolutions africaines ou des dictateurs corrompus, selon le tarif ; un peu trafiquant d'armes aussi. Il reconnaît, sans état d'âmes, avoir beaucoup tué, beaucoup recruté d'enfants-soldats qui deviendront des tueurs froids après qu'on leur a fait exécuter leur propre famille.
Sa femme, écoeurée de la Tanzanie est rentrée en Angleterre. Lui se fait prendre à comploter aux Seychelles, alors sous protection tanzanienne, et donc arrêté par la police. Ses biens , son hôtel, sont confisqués et sa fille Sam, mineure, devra retourner en Angleterre, alors qu'elle n'en a aucune envie.
La vie de la jeune Sam se passe entre ados boutonneux à la sexualité aussi torride que débutante, les scènes de sexe fourmillent, crues, brutales, sans douceur ni tendresse. Il faut dire que quand Sam se sent amoureuse, de Victor, l'associé de son papa, c'est pour se rendre compte qu'il la berne et profite de sa naïveté et de sa jeunesse.
Trafiquants d'armes, marchands de drogue, coups sur la figure, raclées, viols, alcoolisme, conflits entre filles de la même classe, entre garçons rivaux, initiation à la cocaïne, l'apprentissage de la vie se fait brutal pour notre héroïne ! Ce qui pourrait n'être qu'un livre sur la douce vie des colons blancs sous les tropiques, l'adolescence rêvée pour la classe privilégiée britannique (ou danoise, grecque, italienne, française, finlandaise : toute l'Europe est là!) tourne à la description d'un monde de gangsters, d'Africains corrompus, d'Africaines vénales, de diplomates dépassés, un monde totalement déliquescent, vide de sentiments véritablement humains.
Et finalement, après s'être demandé ce qu'on pourrait bien retirer de ce livre, au début, on se laisse embarquer, avec attention, avec effroi, jusqu'à la dernière page.
Les dernières pages sont difficiles à oublier....