Disons le d'abord : ce livre est écrit de façon très efficace. Les retournements de situation sont clairement préparés, et le but est, tout aussi évidemment, de placer le lecteur dans un état de sidération. Et ça marche bien ! Pourtant, ce roman me laisse un petit goût d'inachevé, assez difficile à expliquer… mais je vais tout de même essayer.
La construction de ce roman intercale, dans l'histoire originelle, celle de la discussion entre Holger, l'un des policiers qui a participé à toute l'enquête – et qui pense savoir ce qui s'est passé, mais n'a jamais pu le prouver – et sa fille. Il lui raconte toute l'histoire telle qu'il l'a comprise.
Cela pourrait couper le fil narratif, l'élan de l'histoire principale, mais cela ne m'a pas du tout dérangé. Au contraire, je trouve que cette façon d'intégrer l'oeil du policier, avec sa propre histoire, et à la fois sa frustration de ne jamais avoir réussir à prouver les choses, donne un contrepoint plutôt réussi.
En revanche, il y a un passage, juste avant la moitié du livre, dans lequel je trouve que l'on piétine un peu. Les versions de Christian et de Leonora, qui se succèdent, m'ont paru un peu répétitives, voire redondantes. Peut-être est-ce pour mieux préparer l'un des retournements de situation qui survient juste après dans le livre ? En tout cas, il y a une cinquantaine de pages dans lesquelles j'ai trouvé que ça moulinait un peu dans le vide.
Non, ce qui me semble le plus curieux, dans la dimension psychologique de Christian, en particulier, c'est qu'il semble être prêt à aller très loin, sauf que, après un point culminant que je ne préciserai pas pour ne pas spoiler, il retombe comme un soufflet. Et, pour des raisons que je ne saurais pas expliquer, autant sa montée en pression me semblait assez crédible, autant son attitude après me semble beaucoup moins réaliste. Mais, évidemment, c'est infiniment discutable : chacun pourra avoir un ressenti différent.
Il y a par contre un élément extrêmement intéressant dans ce livre : il nous parle du Danemark, et d'une période de l'histoire de ce pays. En effet, les deux adultes se rappellent de leur enfance et adolescence, à l'aventure de Christiana, quartier de Copenhague autoproclamé « ville libre de Christiana » et qui a fonctionné comme une communauté autogérée de 1971 à 2013. Et certains passages ne sont pas sans résonner avec notre actualité…
« Déjà à cette époque, on avait pu observer, à l'occasion de la manifestation contre la Banque mondiale devant l'hôtel d'Angleterre, que la violence était trop présente, que les jeunes étaient très en colère, et que l'abîme s'était creusé. le travail de policier ne consistait plus à arrêter les quelques personnes malveillantes envers la communauté, il consistait désormais à faire tampon, écran, entre différentes fractions de la société, entre ceux d'en haut et ceux d'en bas, entre le fond et le sommet. »
Toute ressemblance avec une situation récente n'est évidemment que pure coïncidence… Mais cela ne donne pas de solutions pour autant…
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