Franz Ritter observe l'obscurité tomber depuis les fenêtres de son appartement à Vienne. Il va s'enfoncer à nouveau dans une nuit d'insomnie où les souvenirs vont se mettre à tourbillonner autour de lui comme des papillons affolés par la lumière. Qu'a-t-il fait de sa vie ? Quel sens donner à la solitude qui le hante et qu'il ne peut éviter ? Quelle place lui laisse aujourd'hui la maladie alors que toute son existence lui apparaît comme un ratage complet ?
Mathias Enard nous fait partager une double errance : la pensée erratique de Franz qui ressasse, dans la nuit qui s'avance, la brassée de ses souvenirs, de ses obsessions, suit les traces de tous ceux qui se sont aventurés dans la quête éperdue de l'Orient : écrivains, aventuriers, musiciens, scientifiques... Il nous montre également le chemin où se sont égarés les destins de Sarah, Franz et Bilger, fascinés par leur image et leurs mirages, incapables de voir l'amour et l'amitié autrement que dans le prisme de leur obsession. Mais, Franz confronté à la maladie, et Sarah au vide et à la fuite perpétuelle, le mythe s'efface pour permettre enfin la vraie rencontre.
Fallait-il passer par toute l'érudition dont fait montre Enard pour nous livrer ce roman ? La question ne se pose pas vraiment, il est tout entier dans cette fièvre morbide et autodestructrice du savoir perçu comme fin, comme aboutissement d'une quête et non comme ouverture sur l'Autre.