Ce tome fait suite à Tommy's heroes (épisodes 23 à 36 et 1.000.000). Il contient les épisodes 37 à 50 parus en 1999/2000. le scénario est de
Garth Ennis, les dessins de
John McCrea, et l'encrage de
Garry Leach.
Épisodes 37 et 38 - Gotham a subi un tremblement de terre et est coupé du reste des États-Unis, ce qui correspond à No man's land. Un groupe de vampires en profite pour venir s'installer dans le Chaudron (quartier où Tommy Monaghan a ses habitudes) en arguant de leur droit à la différence.
Épisodes 39 à 42 "For tomorrow" - La profession de Ringo Chen (tueur à gages) l'a mené à assassiner un jeune homme de 17 ans. Son père (un caïd haut placé) engage Fisherman (un étrange petit bonhomme asiatique) pour se venger. Fisherman capture Ringo Chen et Tommy Monaghan et commence la séance de torture.
Épisode 43 - Tommy a trompé Deborah Tiegel (sans faire exprès bien sûr). Ça va se payer. Épisodes 44 à 46 "Fresh meat" - Tommy et Natt Walls se retrouvent par hasard au crétacé, au pied d'un brachiosaure. Après avoir un peu pataugé, ils arrivent à regagner le Chaudron, avec quelques spécimens à leur trousse. Épisode 47 à 50 "The old dog" - Sean Noonan raconte l'histoire de sa jeunesse. Isabella Feretti exige la tête de Tommy Monaghan comme cadeau de mariage, pour venger la mort de son grand père Men's room Louie.
En 2000,
Garth Ennis repoussait encore les limites du possible pour une série se déroulant dans l'univers partagé DC. le lecteur retrouve donc Tommy, personnage à la profession peu héroïque (tueur à gages), ses copains sortant de l'ordinaire (Sean Noonan, Natt the Hatt, Ringo Chen, Hacken, Sixpack, Baytor), le bar Chez Noonan, l'amitié virile, la relation amoureuse chaotique avec Deborah Tiegel, et les affrontements contre des adversaires improbables.
Parmi les limites repoussées, il y a le niveau de violence et l'usage intensif des armes à feu. Au fil de ces 14 épisodes, le lecteur pourra admirer (ou devra supporter) un vampire se tordant de douleur sous la lumière du soleil, un enfant vidé de son enfant par un vampire, une exécution d'une balle dans la tête à bout portant, des membres arrachés, un homme tronc (chacune de ses extrémités est sanglée par des garrots de fortune pour éviter qu'il se vide complètement de son sang), une séance de torture avec mutilation au couteau de chasse... et tout ça avant la page 100. Les illustrations de McCrea et Leach oscillent entre le parodique (le tyrannosaure s'en prenant à Matt the Hatt) et une mise en scène qui suggère plus qu'elle ne montre et qui s'avère encore plus effroyable (ladite séance de torture infligée par Fisherman). L'horreur inhérente à cette violence surgit parfois aussi de l'accumulation humoristique. Lors de l'assaut de Chez Noonan par une petite armée d'hommes de main, Noonan et consort s'en donnent à coeur joie dans l'utilisation des armes à feu. Les rictus dessinés par McCrea finissent par mettre mal à l'aide devant l'émotion exprimée par ces individus en train de tuer à la chaîne.
Ce niveau de violence inventive est tempéré par un humour bien noir et quelques blagues graveleuses dont Ennis a le secret. Il y a donc Natt the Hatt en train de se faire attraper par le fond de sa culotte, par un tyrannosaure déchaîné. Il y a Baytor, le monstre des enfers, qui tient le bar de Noonan et qui sert les clients. Ennis s'en sert essentiellement comme élément comique du fait de son comportement erratique et de sa capacité limité à s'exprimer (il ne sait dire que "I'm Baytor"). McCrea dessine ce monstre comme vaguement anthropomorphe avec un langage corporel exagéré et désordonné. Il y a Sixpack, un ivrogne persuadé d'être un superhéros, qui se fait régulièrement dessus. Là encore, McCrea a opté pour une caricature en lui dessinant des jambes outrageusement arquées et filiformes, un tronc en forme de barrique et un visage de demeuré. À nouveau Ennis utilise un personnage comme ressort comique, mais il insère les réactions des habitués de Chez Noonan qui montrent que Sixpack est l'un des leurs et qu'il est une personne à part entière pour eux. Ennis a l'art et la manière de créer un dispositif comique simple à partir d'un personnage secondaire, mais aussi de donner assez d'épaisseur à ce même personnage pour que le lecteur s'y intéresse émotionnellement. du coup la réaction à la lecture devient ambivalente, partagée entre le rire et la pitié. Il subsiste des moments tellement énormes qu'ils engendrent un rire sans partage : par exemple un éléphant se soulageant sur Tommy (oui, il s'agit bien d'un comics de superhéros dans lequel le héros est souillé par de l'urine). Cette aptitude à entremêler humour et souffrance peut ne pas être du goût de tout le monde. Il faut être conscient de ce second degré d'un goût douteux : sourire devant un individu dont les 4 membres ont été sectionnés par la torture.
Enfin il y a l'un des thèmes favoris de
Garth Ennis : l'amitié entre hommes. À ce stade du récit, le lecteur a une bonne idée de la personnalité de chacun et des liens qui se sont tissés parmi ces individus. Ils entretiennent leur amitié autour d'un verre régulier (chaque soir pour certain) chez Noonan. Ennis décrit des individus qui se vannent entre eux pour les plus proches (Tommy et Natt), introduisant une saine dérision dans leurs rapports, un recul sarcastique permettant de relativiser leurs défauts et leurs bons cotés, une amitié un peu vache, mais réaliste. Il aborde la relation père-fils par le biais de Tommy et Sean, avec une justesse et une délicatesse inattendues. En particulier il évoque l'incapacité pour des êtres mâles à faire part de leurs sentiments profonds l'un envers l'autre, en montrant la gaucherie qui s'empare d'eux quand ils essayent. Ennis développe également jusqu'à son terme l'émulation pas très saine entre Tommy et Ringo. Enfin il dépeint fort logiquement les conséquences sur la vie amoureuse de Tommy, du fait qu'il vit essentiellement dans un milieu d'hommes ce qui ne le prédispose pas particulièrement à prendre en compte les sentiments de Tiegel.
Au travers de ces histoires, Ennis aborde aussi la question de pouvoir arrêter ce pourquoi on est doué. Tommy Monaghan se retrouve dans la position de pouvoir arrêter de tuer pour gagner sa vie ; il estime qu'il est capable d'arrêter quand il veut (merci à Bruce pour le titre). Sous des apparences de farce, Ennis s'interroge sur la nature de l'individu et sa possibilité de se réinventer, de se renouveler, de laisser l'acquis supplanter l'inné. Il s'agit d'un thème qu'il aborde également à plusieurs reprises dans la série Punisher MAX.
Ce sixième tome est totalement surréaliste par rapport à la production de superhéros traditionnels. En fait il n'a même pas grand chose à voir avec l'univers partagé de DC, si ce n'est que l'histoire se déroule pendant "No man's land", qu'il est fait mention d'autres crossovers généralisés (un récapitulatif moqueur de tous les crossovers DC), et que les éléments fantastiques abondent. Ennis s'amuse comme un gosse à massacrer du vampire, à inviter des dinosaures, etc. le lecteur profite donc d'histoires à haut degré de divertissement, très incorrectes, avec de gros moments Ennis. Les illustrations de
John McCrea et
Garry Leach continuent d'osciller entre le tout-venant des comics (exagération des mouvements, disparition des décors pendant les dialogues, etc.) et une sensibilité efficace pour le grotesque et les expressions des visages. La réédition des aventures de Hitman s'achève dans Closing time (épisodes 51 à 60, les 2 épisodes de "Justice League / Hitman" et le numéro spécial 'Hitman / Lobo"), toujours par
Garth Ennis.