Traduit de l 'américain, ce roman nous invite à remonter le fil de l'histoire des habitants du Dakota du Nord, notamment de la ville de Pluto entre 1916 et 1966. Nous suivons divers groupes familiaux, Américains blancs venus d'Europe, Indiens Chippenwas et métis. La langue française est omniprésente, surgissant entre les lignes américaines, émaillées de propos en langue indigène (pas traduits, ce qui est regrettable). Cela nous rappelle
L Histoire : lors de a guerre d'Indépendance, les Chippenwas furent d'abord les alliés des Français, puis des Anglais.
Un groupe de géomètres, tous blancs, souvent originaires d'Allemagne ou des Pays-Bas, va traverser les États-Unis vers l'Ouest, jusqu'en Dakota du Nord, pour y fonder la ville de Pluto.
Cinquante ans plus tard, cette ville est sans cesse victime des vols de colombes qui ravagent les champs et les cultures. Les oiseaux semblent s'acharner, comme une punition, sur ses habitants.
Un rapport peut-être, avec ce qui hante les habitants depuis cinquante ans : le souvenir effroyable d'une tuerie qui extermina une famille (presque) entière et ce qui s'ensuivit : le lynchage et la pendaison de quatre Indiens par les Blancs, innocents de tout ce qu'on a pu leur reprocher.
En 1966, avec l'aide des souvenirs de son grand-père, Mooshum (de son vrai nom Seraph Milk), la jeune métisse Evelina reconstitue progressivement l'histoire de sa famille et celle de ce coin de États-Unis. le meurtre est toujours présent dans les mémoires.
La parole est donnée à divers personnages dont les descendants peinent encore à connaître et comprendre les relations complexes entre les divers groupes.
Un juge tribal, une métisse héritière de souvenirs, des banquiers, une femme rescapée d'un enrôlement dans une secte, chacun est mêlé de près à l'histoire de Pluto. et évoque le souvenir des géomètres qui ont parcouru le pays pour y tracer les lignes de fondations de la ville. Ce désir de partir gagner de l'argent rapidement en fondant une nouvelle ville est omniprésent.
Quelques scènes sont frappantes, restituées de façon très marquante par l'auteure. La capture d'une énorme tortue « la plus grosse tortue hargneuse que j'aie jamais vue, avec de la vase vert olive se développant en motifs sur son dos, et ce bec de dinosaure, bizarre et immuable.. le cou était massif, flasque, et le nez se terminait par en une pointe délicate à vous donner la chair de poule » dit le juge Antone Bazil Coutts. La tortue aurait dû finir en soupe mais deux initiales étaient gravées sur son dos. R et G, celles des prénoms de deux amoureux d'autrefois... Elle sera remise à l 'eau !
Le meurtre de Billy Peace, sorte de gourou fondateur d'une secte de survivalistes, assassiné par sa femme, Marn Wolde, avec une injection de serpent, elle qui vit parmi les reptiles.
Le roman semble un peu décousu, jonglant avec personnages et histoires, ce qui rend utiles les récapitulatifs en fin de livre. Mais on y trouve ce qui a pu faire la force - et la faiblesse- de la construction américaine: le désir d'une vie meilleure, la juxtaposition et le mélange d'ethnies diverses, le sens de la collectivité, ici évoqués dans un remous permanent d'énergies personnelles et communes.