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sur 4355 notes

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Je ne crois pas qu'en dehors de certains écrits scientifiques ou professionnels (et encore!), il puisse y avoir d'écriture purement informative, strictement objective ou vierge de toute implication subjective de son auteur. Surtout, dès que mémoire ou imagination s'immiscent d'une manière ou d'une autre, comment concevoir alors qu'un exercice autobiographique et littéraire puisse raisonnablement se réclamer d'être «plat», comme le prétend l'auteure?

Et même si cela était possible, pour quoi en faire? Cela nous inviterait-il également à une lecture «plate»? Impossible, à mon avis...! La preuve ? Il suffit de lire les très nombreuses critiques du roman (présumé «anti-roman» par son auteure ?) postées sur le site : entre ceux qui le considèrent, soit comme un bel hommage, soit comme un affront à la mémoire de son père, je n'ai lu le moindre avis rédigé à partir d'arguments proches de ceux que pourrait éventuellement inspirer la lecture d'une démonstration quelconque sociologique.

À force néanmoins de vouloir «aplatir» et rester collé à des faits livrés à l'état brut, on risque, comme ce fut le cas pour votre serviteur, de conduire le lecteur à un sentiment désagréable de devoir se débrouiller tout seul pour pallier l'indigence émotionnelle se dégageant d'un texte dont ambition affichée est de bannir tout ce qui est subjectif et susceptible d'«émouvoir» : aucune «poésie du souvenir» ne sera tolérée ici, nous prévient l'auteure d'entrée de jeu.

Mais au nom de quoi? Et pourquoi le vrai «roman» (abandonné) qu'elle avait commencé à écrire dans un premier temps, dont son père était déjà le personnage principal, lui avait donné «une sensation de dégoût» ? Pas un mot là-dessus : strictement rien ne doit dépasser des sentiments scrupuleusement enfouis d'Annie Ernaux. Ravalez-les, lecteurs, et circulez!

Ce que pour ma part j'ai tout de même envie d'appeler simplement une «économie de moyens», technique narrative ayant fait ses preuves en littérature, poussée ici à l'extrême, sous la forme notamment d'un détachement affectif volontaire et radical (ce jusqu'à, par exemple, ne pas daigner nommer «soeur», sa soeur aînée, morte avant la naissance de la narratrice, évoquée sommairement comme «la petite fille») ne m'aura suscité en retour absolument aucune forme d'empathie envers sa narratrice (alors que, bien sûr, «économie» et «empathie» sont dans l'absolu, me semble-t-il, loin de devoir nécessairement s'exclure).

« C'est dans la manière dont les gens s'assoient et s'ennuient dans les salles d'attente, interpellent leurs enfants, font au revoir sur les quais de gare que j'ai cherché la figure de mon père ». Plutôt que dans ce «jardin» de la mémoire et dans les «cendres» qui le recouvrent, pour reprendre la belle image qui donnait titre à un roman de Danilo KisJardin, Cendre») par quel autre mécanisme psychologique donc, me suis-je demandé, se sentirait-on porté à rechercher la mémoire d'un parent proche «dans des êtres anonymes rencontrés n'importe où»?

Cette gageure de vouloir écrire sur soi et sur sa vie dans un style impersonnel et minimaliste, en se fondant soi-disant dans un illusoire anonymat sociologique afin de se prémunir (artificiellement, de mon point de vue) contre tout affect personnel, finira par perdre complètement un lecteur comme moi, habitué à chercher exactement le contraire dans un livre, à savoir ce qui rend toute vie unique, irremplaçable et inchangeable : l'économie des moyens finirait ici par ressembler à mes yeux plutôt à une forme navrante d'avarice émotionnelle.

Il ne m'est pas simple, croyez-moi, de rédiger ce billet spontanément, depuis « la place » que je tiens à occuper en tant que lecteur... de nombreux inconditionnels d'Annie Ernaux, à l'instar de l'auteure elle-même («je veux venger ma race» insiste-t-elle à affirmer comme motivation principale à son écriture lors de son discours de remise du Nobel, ce qui, soit dit au passage, dans le contexte actuel d'extrême polarisation identitaire, ne me paraît pas être une formule tout à fait heureuse et auspicieuse, bref..) - voire même certains de ses détracteurs, considèrent d'un commun accord qu'il s'agit avant tout d'une oeuvre «engagée» politiquement, d'une littérature de «combat». Dès lors, «aimer» ou «ne pas aimer» les livres d'Annie Ernaux peut quelquefois vous valoir un marqueur idéologique…. J'avoue en même temps que, de cet étroit point de vue-là, personnellement j'aurais préféré pouvoir déclarer haut et fort «aimer» Ernaux: ma sensibilité personnelle est sans aucun doute beaucoup plus proche de la plupart de ceux qui l'adorent que de la plupart de ceux qui la détestent...

Mais, honnêtement, je ne peux pas adhérer à un tel style hybride, barricadé derrière la question sociale, ni trouver mon compte dans une lecture qui s'avérerait trop «monocorde» à mes oreilles, et qui, quoiqu'artificieusement placée au ras du factuel, ne cesserait de me renvoyer à une impression de revendication ressentimentaire qui n'ose pas dire son nom, à une sécheresse affective de surface pointant régulièrement, en sourdine, une dose inavouée de cruauté.

Vengeance de sa race à consommer certes bien froide, accommodée en une sauce littéraire propice à mon sens à nourrir copieusement une tribune engagée autour des injustices sociales ou de la problématique identitaire des « transclasses », mais qui me laisserait, moi, en tant que lecteur, exsangue à la fin de ces maigres pages, totalement sur ma faim...
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J avais lu il y a une trentaine d années deux ouvrages d Annie Ernaux. J en ai gardé un vague souvenir détestable. Je me souviens d une scène où la jeune fille se disait dégoûtée par sa mère qui apres avoir fait pipi s était essuyee avec sa chemise de nuit. Pourquoi raconter ça ? Et puis il y avait cette manière de le faire.
L écriture était froide, désobligeante.

Issue moi aussi d un milieu ouvrier, je n ai jamais eu ce regard aussi dur sur cette classe sociale, sur ma famille. Oui des fois certaines choses m agaçaient. Mais j imagine comme dans tous les milieux. Pourquoi offrir en pâture sa famille? Pourquoi décortiquer, disséquer chacun de ses gestes?
Là encore je retrouve cette froideur. Cette absence de bienveillance. Cette absence de sentiments. Parce qu' ils font des " fautes de français " , se sentent moins bien que les autres, ils ne méritent pas plus de considération?
Et cette scène décrite de manière indigne où elle révèle avoir vu le sexe de son père lors de la toilette du défunt. Mais purée elle pense à quoi en écrivant ça ? ?? A vendre plus de livres?
Le mien est parti depuis 14 ans et je n aurais jamais pu écrire des choses pareilles. Mon coeur avait explosé en mille morceaux et j étais à 10000 kilometres de penser à ses manières ou à ses fautes de français. Chaque centimetre carré de mon corps n était que douleur. Alors qu on a l impression qu Annie regarde un chat écrasé au bord de la route.
Tout me manque chez mon père, y compris son parler gaga. Et oui des fois à la fac j ai eu peur de lâcher du parler gaga, de faire des erreurs de syntaxe. Et après ? Je suis devenue prof. Et ces mots là quand je les rencontre me font doucement sourire.
Donc je suis certainement à contre courant des autres lecteurs mais je n aime pas ce qu écrit Annie Ernaux ni dans le fond ni dans la forme.
Même si je peux comprendre le clivage entre les classes sociales, la honte de ses origines, la culpabilité aussi de s être élevée ou d avoir honte de sa famille...
Dit autrement peut être que cela passerait mieux.
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J'ai relu ce livre après la critique de Nastasia-b, qui a fait couler tellement d'encre. Je n'en avais conservé aucun souvenir. Je ne suis concernée par aucune des problématiques du livre, mais ce n'est pas le problème. Je ne suis pas non plus concernée par les problématiques de Christine Angot ou Justine Levy, qui jouent sur le même terrain, et pourtant avec elles, je sens un texte, une écriture, je ne suis pas choquée par leur impudeur ( réelle) et ne les trouve jamais indécentes. Pourquoi ? Quelle est la différence ?
C'est l'hypocrisie, je pense. Angot et Levy disent tout, mais elles ne se mettent pas à l'abri, elle ne s'affranchissent pas de leur sujet. " Mauvaise fille" dit Levy d'elle même,d'une "mauvaise mère", droguée, inconsciente, mais aussi charmante, fascinante. Elle est prête à retomber dans ses envoûtements toxiques pour la faire revivre. On sent l'amour et la haine, la passion, la vie, quoi. Ernaux, excusez-moi, c'est mort. Chez Angot, c'est encore plus complexe, le père, la mère, la fille, les problèmes de classes sociales, tout cela est abordé, mais avec autrement de sensibilité. Christine Angot, dans Un amour impossible, nous raconte cette phase où elle a méprisé le milieu social de sa mère par rapport à la très bonne bourgeoisie de son père. Mais elle l'analyse avec autrement de finesse, se méprisant rapidement de cet état d'esprit, et percevant tres vite les affreux secrets qui se cachent parfois derrière le beau langage des gens qui ne sont pas " simples".
Mais chez Annie Ernaux, madame se cache. Elle ne s'investit pas, sous le fallacieux prétexte d'une écriture plate. C'est quoi, une écriture plate ? C'est pour vider toute émotion? Mais on ne parle pas de sa famille sans "émotion", qu'on l'aime ou qu'on la déteste. L'effet, c'est l'indifférence. Et l'indifférence devient indécente quand il s'agit de décrire la toilette mortuaire d'un père. " Aujourd'hui papa est mort et je l'ai vu tout nu". Excusez-moi, c'est horrible. Mais c'est l'effet que ça m'a fait.
Indifférence, et hypocrisie. Ernaux est cachée derrière son "objectivité", mais elle juge, sans jamais se remettre en question. Pauvre papa qui croyait avoir vécu dangereusement : " l'épopée de cette époque sera récitée à plusieurs voix, reprise indéfiniment avec toujours les thèmes de la peur, de la faim, du froid pendant l'hiver 1942." Euh, Cocotte, j'y étais pas, hein, mais l'hiver 42, à mon avis, en Normandie, c'était pas un "thème", c'était une horrible réalité. Ils ont vraiment eu peur (pour toi) faim et froid..." Sous les bombardements incessants de 1944, il a continué d'aller au ravitaillement, quémandant des suppléments pour les vieux, les familles nombreuses...Ultérieurement, certitude d'avoir joué un rôle, d'avoir vraiment vécu en ces années-là " Arrête de le dénigrer c'est horrible ! Bien sûr qu'il a joué un rôle, qu'il a pris des risques, et qu'il a été sympa ! Il aurait pu d'enrichir, faire le salaud, ou se prendre une bombe !
Orgueil ! Ça commence avec son Capes ( bravo ! ) et ça finit avec une ancienne élève caissière ( trop la loose !) dont elle nous fait bien comprendre qu'elle la reconnait à peine, quand l'autre lui explique son parcours. Méchant ça, Annie. C'est quoi le rapport avec ton père ? Les caissières sont les nouveaux paysans ? Mais en tout cas, dans ta reaction, tout est là : indifférence ( c'est qui celle-là), hypocrisie, et orgueil ( nananère, je suis pas caissière)
Froideur ! Je crois que c'est ça le plus insupportable. Égocentrisme complet. J'ai l'impression qu'elle n'a rien su de l'homme qu'était son père. Et nous non plus, du coup. Donc aucun intérêt.
Je rejoins donc complètement Nastasia, mais en pire. Je trouve ça nul.
Et maintenant j'oublie, encore une fois.
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La place faisait partie des livres qui étaient sur la liste des textes que je présentais au Bac de français il y a un peu plus de 20 ans... Entre temps, Annie Ernaux a été récompensée du Prix Nobel, et pourtant il me semblait que j'avais trouvé ce roman creux. Alors lorsque je l'ai trouvé dans une boîte à livres prêt de chez moi je me suis dit que c'était l'occasion de retenter l'expérience.

Avec deux décennies de recul, je comprends pourquoi certaines personnes ont apprécié ce récit qui relève plus du témoignage que de la littérature en réalité.
Ce court roman s'ouvre sur la réussite de la narratrice à l'agrégation de Lettres (concours toujours prestigieux à l'époque alors j'imagine à l'époque..), puis vient l'annonce qui bouleverse cet instant de consécration : son père est décédé. C'est alors l'occasion pour la narratrice/romancière de revenir sur son enfance et surtout de nous faire un portrait de son père et de son milieu social.

Son père était un homme modeste et travailleur, passé de simple ouvrier agricole à ouvrier dans l'industrie puis propriétaire d'une petite épicerie, "un homme honnête (...) qui n'a jamais de tort à personne". Mais ça n'était pas "quelqu'un" (d'important) comme on pouvait l'entendre en France jusque dans les années 1950.

Loin de l'idéalisation de l'homme pauvre ou d'une certaine complaisance qu'on pouvait lire chez des auteurs comme Mauriac ou Proust qui ont davantage et mieux dépeint les milieux privilégiés dont ils étaient issus. Comme le formule Annie Ernaux :

"L'éternel retour des saisons, les joies simples et le silence des champs. Mon père travaillait la terre des autres, il n'en a pas vu la beauté, la splendeur de la Terre-Mère et autres mythes lui ont échappé".

"Quand je lis Proust ou Mauriac, je ne crois pas qu'ils évoquent le temps où mon père était enfant. Son cadre à lui c'est le Moyen Âge."

Elle qui a pu s'extraire de son milieu grâce à l'école évoque ses souvenirs contradictoires entre bonheur et sentiment de honte ou d'humiliation de venir d'un milieu qui manque de classe et de culture.

Cette seconde lecture n'a pas été plus agréable que la première, si ce n'est que je comprends qu'elle a plu plaire, rassurer ou avoir une dimension madeleine de Proust pour des nostalgiques de cette France (d'avant les bouleversements des années 1960-1970) . Je comprends aussi que ce roman peut attendrir et rassurer à une époque où la France cherche ses repères et son identité entre ultra-nationalismes ("réac'") et ultra-déconstructivisme ("woke") et ne sait plus ce qui fait sa singularité à l'heure où les minorités, descendants de "colonisés", femmes violentées qui ne veulent plus que leur sort soit banalisé,... C'est aussi un hommage à ces "petites gens" (qui parlaient encore les patois régionaux) qui se serrent la ceinture à l'heure où les patrons des grandes entreprises font des bénéfices record et expliquent aux "petits" qu'ils doivent se serrer la ceinture et se désintéressent des faillites d'artisans car eux profitent de tous les travers de la mondialisation.

Seulement voilà, l'autofiction, c'est loin d'être ce que je préfère, je ne vois toujours pas l'intérêt de cette "écriture blanche" et cet ensemble assez plat n'a pas de valeur sociologique (de témoignage oui, d'accord).
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Vous voyez, l'espèce de distance qu'on peut éprouver en lisant un livre ? On n'arrive pas vraiment à être dedans, à s'attacher à qui que ce soit.
C'est ce que j'ai ressenti avec cette oeuvre.

Ma mère m'avait conseillé de lire une de ses oeuvres parce que, je cite "Ça pourrait tomber au bac de HLP, comme elle a été nommée prix nobel de littérature". Donc me voilà à aller au CDI de mon lycée, et par hasard (en vérité, je ne cherchais pas cette oeuvre à l'origine), je suis tombée sur La place. Je me suis dit "Why not, c'est l'occasion !". Et je dois bien reconnaitre que j'ai été déçue. Je ne me sens jamais légitime de donner un regard "négatif" sur un ouvrage littéraire, mais je ne vais pas mentir. J'ai lu "en surface" (je ne sais pas si cela parait clair, mais j'utilise souvent cette expression), je ne suis pas rentrée dedans. Pas du tout. L'écriture ne m'a pas plu, je l'ai trouvé sans émotion. Je n'ai pas du tout réussi à adhérer à son style, ces phrases courtes, ce ton plat. Bref, je n'ai pas du tout réussi à m'y intéresser malheureusement.

Heureusement, l'oeuvre est courte, donc cela se lit vite. Peut-être que cet ouvrage n'était pas fait pour moi. Ce n'était pas celui-là que je voulais lire à la base, d'ailleurs, mais il n'y avait pas les titres que je voulais lire au CDI de mon lycée.Alors bon... tant pis. Ce ne sera pas une lecture marquante pour ma part.
(et j'espère que cela ne tombera pas au bac !)
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Ce roman, La Place, d'Annie Ernaux, raconte de manière socio-biographique l'histoire de son père : sa vie, sa mort.
Annie Ernaux montre combien la relation entre un père et une fille peut être affectée par la distance socio-culturelle qui se « dresse » progressivement entre eux. le récit souligne d'ailleurs la prise de conscience des disparités entre les classes sociales et ce, depuis l'école.
Alors que le père tente une ascension sociale, la narratrice, dans la mouvance des idéologies des années 1960, voit la mainmise de la bourgeoisie qui impose son idéologie. Passée elle-même de ce côté par ses études et son mariage, elle en mesure la trahison.

Elle cite d'ailleurs en épigraphe de son roman la citation de Jean Genet : « Je hasarde une explication : écrire c'est le dernier recours quand on a trahi ».

Annie Ernaux par l'intermédiaire de ce petit livre a-t-elle voulu faire acte de « réparation » et de réhabilitation en abolissant la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père ? Ce père auprès de qui elle a construit son identité et qu'elle n'a peut-être pas su aimer et « apprécier » à sa juste valeur ?
Sans juger, ni trahir, A. Ernaux expose simplement la vie de son père, des FAITS, dans un style dépouillé, sec et sans émotion, pour dira-t-elle, une « mise à distance des choses de l'intime ».

Mon avis : peut-être que pour Annie Ernaux cet ouvrage a eu un rôle « psychothérapeutique »…
En ce qui me concerne, j'avoue m'être un peu ennuyée… malgré un sujet intéressant : L'ECOLE POUR TOUS, … en tant qu'ascenseur social OU générateur de fracture sociale et/ou familiale (c'est selon !!). A vous de juger…

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Curieux ouvrage que cette courte autobiographie, ou plutôt biographie de son père, qui en une centaine de pages rend compte de l'existence étriquée (de son point de vue) de son géniteur, issu d'une famille de pauvres paysans du tout début du vingtième siècle.
Oui, curieux, car on n'y sent aucune tendresse pour cet homme. Aucune haine non plus, mais la distance qu'elle établit par une écriture froide et totalement désincarnée entre son père et elle, nous met profondément mal à l'aise. Pas d'amour pour lui, oh non, pas de détestation non plus, car il ne s'est jamais montré mauvais pour elle, mais un mépris de classe, un rejet total de ce qu'il représente à ses yeux.
On n'y trouve pas l'hystérie malsaine qu'elle manifeste envers ses parents dans "les armoires vides" mais un rejet définitif de ses origines familiales, dans lequel on perçoit un relent malsain d'intellectualisme mal digéré, conforté par son entrée, grâce à ses études supérieures, dans une bourgeoisie éclairée !

J'avoue être restée très dubitative devant cet écrit.
On comprend Hervé Bazin qui crie sa haine de la mère dans "Vipère au poing" vu le comportement de celle-ci vis à vis de ses enfants.
On conçoit l'amour inconditionnel qu'éprouve Albert Cohen lorsqu'il se fait le chantre de sa mère dans "le livre de ma mère".

Mais là, pourquoi chercher à ranimer la figure paternelle quand elle n'inspire rien d'autre que cette indifférence mêlée de dégoût ? Alors que ses parents ont fait ce qu'ils pouvaient pour assurer son avenir en lui permettant de poursuivre des études. A cette époque, les années cinquante, il leur aurait été si facile de l'envoyer à l'usine, dès l'âge de douze ans, pour gagner sa croûte et ramener un salaire supplémentaire à la maison, ce qui était monnaie courante ! ils ont fait ce qu'ils pouvaient et lui ont ainsi prouvé leur amour.
Et elle, lèvres pincées et coeur fermé, elle leur crache son mépris de classe. "J'ai fini de mettre au jour l'héritage que j'ai dû déposer au seuil du monde bourgeois et cultivé quand j'y suis entrée" écrit-elle en toute fin de ce déplaisant pamphlet dédié à son père.
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Que dire de plus d'un livre dont tout a déjà été dit ?
Que penser de plus d'une autrice dont l'oeuvre a déjà été totalement critiquée ?
J'ai été dérangée par ce livre, heureusement il est court, parce que je ne sais pas si finalement je ne l'aurai pas refermé sans le lire jusqu'au bout.
Je veux bien que ses parents étaient des « gens de peu » mais ils se sont battus toute leur vie pour avoir mieux et offrir à leur fille le maximum qu'ils pouvaient, et surtout ce que eux n'ont pas eu la chance d'avoir.
Son père qui a du quitter prématurément l'école pour aller vivre une vie misérable de garçon de ferme n'étant encore qu'un enfant, et les conditions de vie des enfants au tout début du XXème siècle était bien difficiles.
Ses parents qui ont travaillé avec acharnement pour grimper dans l'ascenseur social, finissant par devenir propriétaires d'un petit commerce de quartier après guerre pour n'avoir plus à dépendre de qui que ce soit.
Alors oui, ce père que le travail ne rebutait jamais n'avait pas fait de bien grandes études, mais il avait pour lui l'honnêteté et la droiture de cette génération, et s'il ne savait pas exprimer ses sentiments, on sent la fierté qu'il avait de sa fille et la gêne grandissante en lui qui était à peine lettré au fur et à mesure que sa fille progressait dans ses études.
J'ai été choquée par l'attitude de l'autrice vis-à-vis de ses parents, dont on sent à travers les lignes qu'elle avait honte d'eux, de ce qu'ils étaient, et alors qu'elle le dit elle-même à 17 ans toutes les filles de son quartier travaillaient à l'usine, elle avait la chance que ses parents l'ont laissé faire des études, mais elle ne voyait que le fait d'être boursière au milieu de camarades plus argentés.
Et ce ne sont pas ses visites bien trop espacées à ses parents alors qu'elle est mariée et déjà maman qui vont ressouder la famille.
Ce texte ne me laissera que le souvenir de ce qu'il est à mon avis : froid et plat.

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Deuxième (et sûrement dernière) lecture d'un roman de cet écrivain.
A la suite du décès de son père, l'auteur fait le récit de sa vie et de ses propres relations avec lui.
Même si le propos est de montrer combien il peut être difficile pour la narratrice de garder un lien avec son milieu d'origine suite à ses études (études que ses parents n'ont pu faire), j'ai trouvé ce récit glacé et vraiment sans aucune tendresse pour ce père disparu.
Difficile dans ces conditions d'avoir la moindre empathie voire sympathie pour la narratrice ou ses parents qu'elle décrit si froidement.
Ce récit presque chirurgical ne me donne pas envie de poursuivre la découverte de son oeuvre...
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Un récit sans affect, sec, plat , telle une prise de notes, un « pense-bête » pour ne pas oublier ….pourtant le fait de parler de « honte », culpabilité », trahison, obscène » et tant d'autres expressions révèle une émotion, un remue-ménage des sentiments humains qui seraient bannis d'une réelle étude sociologique. Beaucoup de phrases notées dont je n'ai pas compris le pourquoi, entre-autres : « l'extrême-onction du catéchisme, la chose la plus obscène qui soit, je me suis enfoncé la tête dans l'oreiller ». Je n'ai pas compris non plus la dernière page, l'évocation de cette rencontre où elle semble s'intéresser à la jeune femme alors, qu'en fait, elle n'en a rien à faire, n'ayant gardé aucun souvenir marquant de cette ancienne élève…pourquoi finir son récit de cette façon ?
Nous descendons tous de paysans, au fil des générations…mais certains ont eu plus de facilité que d'autres, ces autres à qui on a mis « des bâtons dans les roues », cette génération de nos grands-parents qui ont vécu deux guerres dans une même vie, dont des enfants qui avaient des capacités scolaires et intellectuelles mais qui ont été retirés de l'école pour aider dans les fermes… et de ce père dont nous parle Annie Ernaux…Passer d'un milieu simple à un milieu dit « petit-bourgeois » n'est pas forcément un signe d'intelligence ni d'humanité.
Un récit non construit, des incohérences, un aveu d'avoir changé de milieu mais de ne pas en être plus heureuse pour autant…D'après les critiques sur Babélio, par curiosité intellectuelle, j'ai lu pour la première fois un roman d'Annie Ernaux, qui ne m'attirait pas plus que cela. Je ne retire rien de cette lecture, alors que j'ai lu en parallèle Nelly Alard, (le crieur de nuit) qui évoque exactement la même expérience familiale d'une enfant devenue adulte qui voit son père sur son lit de mort, dans un récit poignant, où l'on perçoit toute la détresse de notre condition d'humain, et notre humanitude.
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