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3,8

sur 693 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
De l'ascension sociale au temps des faiseuses d'ange.

"Les armoires vides" c'est le récit de la honte du milieu social dans lequel on est élevé. C'est le récit violent des souvenirs d'enfance, dans le café-épicerie familial. C'est l'envie de sortir de là, c'est l'éducation (la réussite scolaire) qui doit permettre de sortir de là.

Denise Lesur, jeune étudiante, est en train de subir un avortement clandestin dans sa chambre d'étudiante. Lui reviennent alors à l'esprit tous les souvenirs de son enfance, de ses rapports avec ses parents, de la haine qu'ils lui inspirent.

Dans un style très vif, utilisant des mots durs, Annie Ernaux nous livre ici un premier roman remarquable. le regard qu'elle pose sur la société de cette époque,au confins des années 50, est très intéressant. C'est la méritocratie française qui est disséquée, la réussite sociale par les études, la découverte de la culture littéraire et musicale, l'espoir d'une vie meilleure.

C'est une lecture émouvante, un impressionnisme social et psychologique redoutable.
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Les armoires vides n'est pas mon premier Annie Ernaux mais pour l'écrivaine il s'agit de son premier ouvrage... Je me suis vite aperçue qu'ici elle retrace sous le pseudo de Denise Lesur (alors qu'ensuite elle ne se dissimulera plus sous un nom d'emprunt) sa jeunesse jusqu'à son avortement, point de départ de son récit. Elle "expulse" ses origines comme elle attend l'expulsion de l'embryon qu'elle porte : la honte qu'elle ressent face à ses parents, aux clients du café-épicerie qu'ils tiennent, à leurs manières rustres et leur manque d'éducation, qui seront finalement son moteur pour avancer sans l'échelle sociale.
Elle jette son dégoût en vrac, tout remonte et l'on ressent la colère qui l'habite, les images d'une époque pour finir par comprendre que celle qu'elle est devenue elle leur doit. C'est à la fois violent, cru, sans filtre, un style et une écriture que l'on retrouvera tout au long de ses écrits, revenant plus en détails par la suite sur différents thèmes et époques de son existence. J'ai aimé mais préféré ses autres ouvrages, quand elle n'aborde qu'un seul personnage (La place : son père ou Une femme : sa mère par exemple) ou époque car le style y est plus abouti, l'analyse plus construite. Mais l'écriture et l'orientation de son oeuvre y sont déjà semées.
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C'est le troisième roman d'Annie Ernaux que je lis. Elle écrit sur sa vie. Beaucoup de critiques appuient sur le fait que lire un Ernaux revient à lire tous les Ernaux.

Il est certain que l'on retrouve sa pâte, que certains matériaux autobiographiques ont été déjà contés et ne nous sont pas inconnus mais néanmoins, de chacun de ses romans se dégagent une atmosphère différente, un thème différent. Dans La place, j'ai trouvé de la douceur face aux regrets qu'elle exprime de ne pas avoir su se rapprocher, dialoguer avec son père, dans la femme gelée, c'est sa vie de femme mariée qu'elle décortique et dans Les armoires vides, l'ambiance est encore tout autre, puisqu'elle décrit froidement, douloureusement, honteusement son IVG.

Pas de douceur, pas de tendresse avec elle-même, elle décrit, au travers de Denise Lesur, la narratrice, cette épisode déchirant de sa vie, qu'elle considère comme sa punition, ultime punition, pour avoir détesté ses parents qui n'évoluaient pas dans le monde des "distingués". Elle nous conte, sa haine, sa honte, sa jalousie, ses humiliations, elle nous conte, sur un ton vif et saccadé, empreint d'une vive sincérité, la douleur de la déchirure sociale.

"J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manoeuvres, et l'école, les bouquins, les Bornins. le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c'est trop tard. « On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études ! » qu'il a dit un jour. Moi aussi peut-être."

Quel talent !
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Publié en 1974, Les Armoires vides est le premier roman écrit par Annie Ernaux. C'est le livre d'une déchirure, d'une révolte, d'un sentiment d'échec et de honte.

Seule dans sa chambre à la cité universitaire de Rouen, Denise Lesur, attend dans l'angoisse et le dégout l'issue d'un avortement pratiqué clandestinement par une faiseuse d'anges. Elle se remémore d'abord son enfance plutôt heureuse. Ses parents, d'origine modeste et peu instruits tiennent une épicerie-buvette à Yvetot. Un environnement précaire presque sordide où se croisent de petites gens, des ménagères qui ont du mal à "joindre les deux bouts", des vieux de l'hospice voisin et des saoulards invétérés. Denise est intelligente, elle est inscrite par ses parents, pour son bien, à l'école libre puis au lycée chez les religieuses. C'est là qu'elle se heurte à ses premières humiliations. Les autres élèves sont issues de la bonne bourgeoisie normande, éduquée, cultivée, allant au spectacle et partant en voyages. A l'adolescence, Denise va donc se rendre compte de cette fracture sociale et dans la foulée mépriser voire haïr ses parents. Ils la dégoutent par leur inculture, leurs manières peu évoluées, leur patois normand et leur vocabulaire ordinaire et vulgaire... et pourtant ils se "saignent au travail" afin que leur fille puisse un jour s'élever dans la société.

Dans la solitude de sa chambre Denise, attendant l'expulsion de l'avorton, crache sa rage et sa honte devant le constat d'échec de sa vie. le style d'Annie Ernaux est ici violent, cru mais très dense, comme écrit d'une traite, peu de chapitres et paragraphes, pas d'interlignage pour donner de l'air. Seulement une sorte de monologue intérieur rageur ou des sentiments contradictoires se mélangent, et un vocabulaire parfois vulgaire même argotique.

Ce roman, que l'on pourrait qualifier d'autofiction, est puissant, violent presque choquant. Il m'a mise mal à l'aise, mais je le conseille malgré tout. Premier livre d'Annie Ernaux, il aborde des thèmes qui lui tiennent à coeur et qu'elle développera dans ses romans ultérieurs : la famille, le tiraillement entre deux milieux sociaux, la difficulté de l'ascension sociale, et l'avortement qu'elle a elle-même subi en 1964.

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Premier roman écrit et publié par notre récente Prix Nobel de Littérature, et déjà, ce style âpre, ces phrases qui tournent et qui se collent les unes aux autres, dans des idées inextricables et pourtant si souvent évidentes dans leur ensemble. Autobiographique, on y apprend les éléments de l'enfance de l'auteure, le rejet de son milieu social (qui reviendra régulièrement dans les livres qui suivront) et son envie, urgente de s'en extraire. Et déjà, son projet littéraire « d'écrire la vie » se profile…

« Travailler un auteur du programme peut- être, Victor Hugo ou Péguy. Quel écoeurement. Il n'y a rien pour moi là- dedans sur ma situation, pas un passage pour décrire ce que je sens maintenant, m'aider à passer mes sales moments. Il y a bien des prières pour toutes les occasions, les naissances, les mariages, l'agonie, on devrait trouver des morceaux choisis sur tout, sur une fille de vingt ans qui est allée chez la faiseuse d'anges, qui en sort, ce qu'elle en pense en marchant, en se jetant sur son lit. Je lirais et je relirais. Les bouquins sont muets là- dessus. » le roman s'ouvre alors que la narratrice sort de la chambre d'une faiseuse d'ange. Denise Lesur a vingt ans et étudie la littérature pour devenir enseignante ; mais voilà que la nature « poisseuse » la rattrape à sa condition de fille populaire : elle est tombée enceinte comme la première venue appartenant à sa classe sociale.

« Et puis toutes ces remarques, ces ricanements, non, les choses de mon univers n'avaient pas cours à l'école. Ni les retards, ni les envies, ni les mots ordinaires n'étaient permis. » Pourtant ses parents, qu'elle méprisera très vite, ont tenté de bien faire les choses ; tenant un café- épicerie, ils se sont privés pour envoyer leur fille à l'école libre, ancêtre de nos établissements privés, afin qu'elle soit suivie de près et qu'elle reste, à coups de confessions au prêtre, au plus près du droit chemin. Mais pour la petite fille, vite adolescente et rebelle, il est difficile de faire le lien entre les deux mondes qu'elle fréquente ; les poivrots du café et les bourgeoises de l'école.

« Sartre, Kafka, Michel de Saint- Pierre, Simone de Beauvoir, moi Denise Lesur, je suis de leur bord, toutes leurs idées sont en moi, je croule sous l'abondance. Je m'inscris des passages sur un petit carnet réservé, secret. Découvrir que je pense comme ses écrivains, que je sens comme eux, et voir en même temps que les propos de mes parents, c'est de la moralité de vendeuse à l'ardoise, des vieilles conneries séchées. » Denise a la chance d'être une excellente élève, ayant à la fois de très bonnes dispositions et une envie féroce de réussir à intégrer un niveau social supérieur à celui de toute sa famille.

Au final, un roman étouffant, dans lequel transpire un mépris parfois dérageant de la part de la narratrice envers ses parents, certes, peu éduqués, mais disposés à tout faire pour la réussite de leur fille. le rythme de l'écriture est intense, presque sans respiration, ni chapitre et énormément métaphorique ; comme si l'auteure voulait aussi mettre de la distance avec ses lecteurs. Percutant et féministe, tout juste avant l'heure.
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Je sors de cette lecture un peu sonnée. Je croyais connaître l'auteure Annie ERNAUX dont j'aime la démarche d'écriture qui va de l'intime au général, en particulier dans « Les Années » sorte de synthèse d'une oeuvre très singulière.
Mon choc vient de ce que ce livre, qui est la première publication de l'auteure ( en 1974) dégage une puissance qui ne s'est pas démentie et qu'il dévoile d'emblée un grand talent dans l'utilisation du langage : le langage comme matière directement puisée dans la vie que l'on vit. Ce roman est celui d'une transfuge qui quitte le milieu dont elle est issue ( petits commerçants sans éducation) pour accéder grâce au savoir à un univers intellectuel et bourgeois, ou du moins, à l'image qu'elle s'en fait.
Pour pouvoir sortir de la fange, de l'univers des poivrots et des petits comptes mesquins, de l'argot de bistrot, la narratrice, Denise surnommée Ninise, se met à haïr et mépriser ses parents et nous fait sentir la colère et la souffrance qui résultent pour elle de cette déchirure intérieure.
Tous les mots qui sortent en flux violent, haletant, compact et concentré sont exacerbés à l'occasion d'un avortement vécu comme la punition inévitable. Passionnant !

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Un livre autobiographique qui se lit d'une traite.
Le sujet n'est pourtant pas si léger : une gamine d'un milieu très-très populaire qui a de grandes capacités scolaires.
Puis vient l'adolescence et le problème du fossé qui se creuse avec sa famille et son entourage.
Faut-il avoir honte de son milieu ? Comment ne pas rejeter sa famille alors que l'on éprouve le sentiment d'avoir pris un tout autre chemin ?

Une très bonne lecture, facile, rapide, qui génère de bons questionnements de société.
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Voici une lecture que l'on peut qualifier d'intense : intense par les thèmes abordés, les sentiments vécus, l'écriture.

Explication : tout d'abord, le style d'écriture est vif, saccadé, comme quelqu'un qui a besoin de vider tout ce qu'il a sur le coeur et déballé son enfance, son adolescence, ses blessures, ses réussites, ses hontes. Personnellement, j'ai eu besoin de faire des pauses pour revenir sur ce qui venait d'être dit.

Les thèmes sont forts, sont sociétaux : l'inégalité face aux origines sociales, le regard des autres (adultes et enfants - on connait tous la cruauté de certains) et surtout ce qu'on en fait de ce regard : soit on l'assume et on défend sa famille, soit on baisse les yeux et on renie sa famille.
Mais comment vit-on avec ce poids au fur et à mesure que l'on grandit, d'autant plus lorsqu'on est une enfant surdoué ?

Très belle lecture qui marque.
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Souvenirs d'enfance, seule dans sa chambre d'étudiante, attendant que ce que la faiseuse d'ange lui a fait se passe. Denise a grandi dans la café-épicerie de ses parents. Enfant, c'était un endroit amusant, les bonbons, le sucre, les clientes du côté épicerie avec sa mère, les hommes qui boivent, souvent trop, du côté café avec son père. En grandissant, Denise va à l'école libre et réalise le décalage avec les filles de la ville, son langage et ses façons inappropriées. Elle se met progressivement, au travers de souvenirs de sa mère et de son père, à haïr ses parents. Annie Ernaux, dans son récit autobiographique, décrit très bien les rapports de classe et les normes sociales, en particulier en ce qui concerne la sexualité et la religion. le texte est écrit de manière assez crue, particulièrement autour de ce qui a lien au corps, sexe, chair, liquides. Un récit intense.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Les ouvriers ont quelque peu disparus au XXIe siècle et cette France de petits boutiquiers est en partie remplacée par des épiceries propettes qui ne font plus crédit !
Mais tout le reste est présent, ce transfuge de classe, cette honte du milieu qui vous a vu grandir, la gêne d'avoir des parents pas conforme à ceux des autres, le fantasme de les croire tous au-dessus du lot, la laideur ambiante qui saute aux yeux et l'école qui ne valorise que les notes et donne des leçons de bien vivre quand on pousse comme une herbe folle.
Il y a le corps aussi celui des vieux qui touchent, qui pincent ... celui de la fillette puis de la jeune-fille pleine de désirs et cette peur que tout soit vain à cause d'une grossesse.
La faiseuse d'ange qui sévit et la peur de mourir, la honte toujours la honte de n'être que celle prédestinée à ne pas s'élever.
Cette écriture syncopée, cette rage et ce style bien marqué c'est tout cette autrice qu'il faut lire et relire pour ne pas oublier ce que c'est qu'être femme !
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