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3,59

sur 1554 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je referme votre livre, Madame, en partageant votre point de vue. Petites nous avions une certaine idée du luxe, jeune femme c'était encore autre chose et avec la maturité, nous prenons conscience que le luxe c'est aussi cela : "pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme". Oui c'est un luxe ! car il faut LA rencontre : physique, émotionnelle, intellectuelle, temporelle...rien n'est moins évident. Se retrouver avec la bonne personne au même endroit au même moment et avec l'envie commune.... Sacré challenge !!
Certes cette passion a été douloureuse, mais au fond vous nous dites qu'elle a été bénéfique pour vous, "une sorte de don reversé", "à son insu, il [vous] a reliée davantage au monde". N'est-ce pas ça l'amour ?
Merci pour ce partage et votre belle écriture, objective et honnête, sans pour autant être distante, froide.
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Passion simple, voilà un titre bien étrange pour décrire quelque chose qui déchire vos entrailles et creuse un trou dans le ventre pour y déposer des braises ! C'est un texte autobiographique très concis dans lequel Annie Ernaux évoque une rencontre avec un homme, une histoire clandestine, éphémère, incandescente, douloureuse. C'est un roman inspiré d'une histoire vraie, celle d'une histoire amoureuse, passionnelle, que l'autrice a vécue avec un homme marié et vivant à l'étranger, - précisément un diplomate russe, pendant quelques mois de l'année 1989.
Quelques mots crus, quelques gestes torrides sont ici à peine esquissés, vite balayés pour dire autre chose... Plus que les descriptions de l'acte d'amour, Annie Ernaux préfère dire en creux les intervalles entre les jours.
C'est un livre sur le temps, ce temps si particulier de l'amour, c'est un temps de l'attente, un temps qui se fabrique sous nos yeux.
C'est aussi un livre sur l'écriture.
Il y a donc plusieurs manières d'aborder ce récit. Je vous propose quelques chemins, guidés bien sûr par mon ressenti.
On peut le regarder sous l'angle strict de cette relation passionnelle, la façon dont Annie Ernaux raconte les corps en fusion, les gestes mélangés, quelque chose de vorace et d'animal et là il est possible de tomber dans un profond ennui, non pas que ce qui est vorace et animal m'ennuie, mais ici ce n'est pas ce qui intéresse Annie Ernaux et ce n'est pas là qu'elle m'a étonné. Certains, je pense, s'arrêteront là et descendront du train...
On peut alors prolonger notre voyage de lecteur pour atteindre cette dimension insaisissable de la temporalité, l'attente, les coups de téléphone qui viennent et qui ne viennent pas, les moments partagés bien éphémères à côté de ce temps cruel qui enrobe l'immanence de l'instant pour l'écraser comme un insecte sous le pied. Et puis c'est le temps de la douleur, de la souffrance, de la jalousie, ce temps indéfini et infini, celui d'après qui scelle la perte de l'être aimée, comme un deuil qu'il est impossible de faire...
Désirer, continuer de désirer dans l'attente, n'avoir rien d'autre à faire que d'attendre...
Attendre, tout est dans ce mot à la fois simple, banal et vertigineux.
Attendre comme on attend dans une tragédie antique.
Attendre qu'un jour il ne puisse plus revenir, attendre d'être broyé par le cours de l'existence.
Annie Ernaux nous montre que vivre cette passion, c'est entrer dans un espace-temps étranger à son existence, un monde inconnu, une sorte de faille temporelle où elle est tombée à jamais... Elle est devenue étrangère à ses proches, peut-être à elle-même, tout en se rapprochant des autres, d'un autre monde qui lui était alors inconnu...
Se dire que tout ceci a une temporalité, se dire presque égoïstement que pendant ce temps-là, - le temps de l'étreinte, le temps de l'attente, le temps où on oublie les autres -, le monde continuait de tourner avec ses guerres, ses brutalités, ses injustices...C'est cela aussi le temps de l'amour...
La manière dont Annie Ernaux fouille cette temporalité s'accomplit dans cette acuité redoutable et touchante.
Que reste-t-il avant que tout ceci ne disparaisse dans une mémoire encombrée par l'émotion : une photo floue, le souvenir d'une voix, d'une odeur, les bruits de la rue quand ils quittaient l'hôtel... ? Alors, écrire, peut-être...
Clémenceau disait : « le meilleur moment dans l'amour est quand on monte l'escalier ». Annie Ernaux nous invite dans la redescente de l'escalier, mais pas en glissant sur la rambarde en chantant ou en sonnant le clairon. Non, c'est une descente aux enfers dans les affres de la douleur.
C'est un texte court qui sonne comme une déflagration.
C'est un temps où le reste de la vie ne compte plus, le temps des autres devient dérisoire.
Pudique dans les mots, impudique dans sa fragilité, sa naïveté, dans son absence de dignité à contenir les digues... Car à partir de l'obsession, on n'est jamais loin de l'aliénation, et de l'aliénation il n'y a qu'un pas vers l'impudeur et l'abêtissement...
Il faudra attendre l'écriture, ce fameux temps de l'écriture, le temps d'écrire ce livre pour fixer les choses à la mémoire.
Ce récit n'est pas seulement le texte d'une passion, d'un désir. C'est aussi une ode à l'écriture et aux écrivains.
Annie Ernaux est allée au bout de cette écriture, comme une nécessité.
Et c'est sans doute là que le récit devient pour moi important et magnifique.
Le reste, moins...
C'est une écriture sans fioriture, sans esthétisme, c'est une écriture qui pose un acte d'écrire, un acte social, un acte personnel, un acte essentiel aussi important que celui de vivre, d'espérer, espérer un jour vivre une passion... Accepter d'en souffrir aussi... Révéler cela après...
Et l'on se demande alors que sont les écrivains pour nous dire cela, avec tant de fragilité et d'impudeur ? de quoi sont-ils constitués ? Sont-ils des êtres normaux ? Je me le suis souvent demandé. Et encore forcément ici avec Annie Ernaux...
Se découvrir de quoi on peut être capable, dans ce désir à la fois sublime et abêtissant.
C'est vrai qu'écrire cette histoire est aussi important pour Annie Ernaux qu'un acte social. C'est une passion qui a fini peut-être par mieux la relayer au monde des autres, par ses fragilités, sa vacuité, ses tâtonnements...
L'oeuvre d'Annie Ernaux ne m'attirait pas plus que cela jusqu'à présent.
Ce texte pourrait paraître au premier abord froid, distant, ordinaire.
Il est un pan intime d'une vie, avec son avant son après, ce qui fait tenir debout après, malgré les digues dévastées.
Écrire, alors...
Écrire malgré l'impudeur.
Toucher le rivage de ce qu'on croyait jusqu'alors inabordable.
Désirs sublimes, désirs mortels, désirs ordinaires...
Désir insensé, indigne, qu'on moquerait chez d'autres et qu'on n'a aucune honte à accueillir pour soi.
Et puis, j'ai été touché par ce vertige qu'Annie Ernaux partage, le texte est encore intime, personnel, juste au moment où elle se retient encore avant de...
Annie Ernaux s'apprête à le livrer en pâture aux lecteurs, à jeter ses mots de l'autre côté du versant et c'est tout l'acte où la personne intime devient écrivain, se métamorphose comme chenille devenant papillon...
La passion, est-ce ne plus discerner les choses ? Mais l'écrire c'est peut-être remettre du discernement, se rapprocher des autres, recoller avec la réalité sociale de l'amour.
Écrire, c'est vouloir se perdre encore, mais d'une autre manière, après la passion où l'on s'est déjà perdu... Ce n'est surtout pas se retrouver, - en tous cas je l'espère, c'est juste dire une transgression qui continue de se poursuivre à travers les mots qu'on partage aux autres, peut-être pour qu'ils s'échappent enfin.
Écrire, c'est tenter de chercher ce chemin et le lecteur est là pour tendre sa lampe sur ce chemin...
Passion simple, c'est avant tout le texte d'une femme qui aime et l'écrit.
C'est peut-être pour toutes ces raisons-là que j'ai aimé ce récit d'Annie Ernaux, bien que je préfère largement l'imaginaire à l'autofiction.
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La réflexion sur ce qu'est le sexe , celui de l'homme entrant dans celui d'une femme, le sexe cru, sans jugement moral , Annie Ernaux va la développer dans sa « Passion simple, »,analysant son obsession fanatique pour un homme.
Tout ce qui a rapport plus ou moins avec lui l'intéresse, la voilà prise dans une attente excluant toute autre activité, toute autre pensée, ravagée elle est, entre l'espoir qu'il appelle, souvenir des scènes torrides et certitude qu'il va la quitter ( un peu comme le désespoir qui la submergeait avant le résultat des examens.)
C'est un peu un examen qu'elle passe, ou un livre qu'elle écrit, car le sexe, dit-elle, est le vrai objet du fait d'écrire.
« je n'étais plus que du temps passant à travers moi ».
Plus rien n'importe, que la présence de cet homme A : par une pensée proche de la sorcellerie, elle donne, « S'il m'appelle avant la fin du mois, je donne cinq cent francs à un organisme humanitaire ».elle éprouve de la compassion pour les marginaux, comme si cette compassion lui gagnerait celle de A, son amour.

Enfin, qu'il lui fasse l'amour, car cette passion digne d'une sainte , qu'elle a cru réciproque lorsqu'il lui disait : « j'ai roulé comme un fou pour venir », se délite, se tiédit, force lui est de constater que ce qu'il veut, et ce qui la bouleverse, l'angoisse et la stupéfie, c'est faire l'amour .
Peu importe, ce qui importe, c'est qu'il appelle, et pour cela seule une pensée magique, avec ce que cela comporte de croyance inutile, peut apaiser sa douleur.
Car la passion, au sens étymologique du terme, est un chemin vers la mort.
Les voeux, les promesses qu'elle se fait à elle-même. la superstition toujours présente dans l'attente, vont lui servir à écrire, pour rester dans ce temps-là, qui n'est plus.
Magnifique réflexion sur l'amour inconditionnel pas partagé, et sur l'écriture de cette passion, sur ce qui la pousse à écrire, avec toute les difficultés qui se posent pour présenter une fiction, ou une autobiographie, ou le mélange des deux.
« C'est ce retour, irréel, presque inexistant, qui donne à ma passion tout son sens, qui est de ne pas en avoir, d'avoir été deux ans la réalité la plus violente qui soit et la moins explicable »
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L'histoire d'une passion amoureuse, intense, que ressent une femme pour un homme. En fait, plus exactement, il s'agit de l'attente d'une femme extrêmement amoureuse. C'est le détail de cette attente, presque au jour le jour. Cette femme qui n'est plus que souvenir de leur relation et attente de l'homme. L'impression de se déliter, de ne plus exister qu'à travers cette attente. Annie Ernaux n'hésite pas à employer un vocabulaire cru, précis sans pour autant tomber dans la vulgarité. C'est magnifique. Tout ce qu'elle peut faire la ramène immanquablement au souvenir de cet homme.
Quiconque a connu cet état ne peut qu'être sous l'emprise de cette lecture. Merci Annie Ernaux.
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Encore un livre étonnant d'Annie Ernaux qui, personnellement, m'a davantage touché que "Une femme" et au moins tout autant sinon plus que "La place". L'auteure nous raconte la folle passion qu'elle a vécue pour un homme, originaire de l'Europe de l'Est et marié, désigné dans ce livre par l'initiale A, jusqu'à son départ pour un autre pays. le rapport quasi clinique qu'elle nous livre sur cette passion dévorante est un paradoxe en soi qui traverse tout le livre : comment une femme qui, abandonnant tout sens critique, ne vit plus que dans l'attente et le désir de l'autre est-elle capable, quelques semaines après la fin de cette aventure, d'en écrire le récit de façon si dépassionnée ? Sans doute que l'écriture est, pour Annie Ernaux, une passion encore plus dévorante et que la passion pour son amant a servi à alimenter cette autre passion, encore plus puissante. Vers la fin du livre, quelques paragraphes nous renseignent sur la façon dont l'auteure a écrit son récit : « Mais je continuais à vivre. C'est-à-dire qu'écrire ne m'empêchait pas, à la minute où j'arrêtais, de sentir le manque de l'homme dont je n'entendais plus la voix, ne touchais plus la peau, qui menait dans une ville froide une existence impossible à me représenter – de l'homme réel, plus hors de portée que l'homme écrit, désigné par l'initiale A. ».

Je reste fasciné comme le cobra par la flûte du charmeur de serpent.
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J'avais lu ce livre il y a longtemps... Déjà, l'écriture d'Annie Ernaux m'avait fascinée.
Je l'ai relu récemment. A cette relecture, la magie a opéré à nouveau.
L'auteure nous raconte sa passion pour un homme, comment elle a vécu cet amour et ce qu'elle en retient. Quiconque a aimé peut se reconnaître dans cette histoire, je crois.
Je le recommande vraiment.
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Pendant plusieurs mois, une femme de presque cinquante ans vit une passion avec un homme beaucoup plus jeune qu'elle. Celui-ci est étranger, marié. Il ne lui fait aucune promesse, ne lui offre jamais rien, sinon de rares moments d'intense plaisir, que la narratrice ne fait qu'attendre, attendre au point que cette attente finit par devenir le coeur battant de son existence, remplaçant toute autre activité, reléguant amis et même enfants au rang de silhouettes : « A partir du mois de septembre de l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. », écrit-elle.
Inutile de dire que cette relation, vécue comme une obsession, voire une addiction, est douloureuse, au point qu'il faille prendre aussi le mot passion dans son sens religieux (la Passion selon Saint Jean) : « Tout était manque sans fin, sauf le moment où nous étions ensemble à faire l'amour. Et encore, j'avais la hantise du moment qui suivrait, où il serait reparti. Je vivais le plaisir comme une future douleur. »
On l'a compris, on est loin de Platon et du monde des idées. Les amours qui nous sont ici racontées sont des amours physiques, sans transcendance, et aussi sans avenir, ce qui confère au texte une certaine dimension tragique.
Mais ce qui m'a semblé tout particulièrement intéressant, c'est que cette vision très crue de l'amour, et qui emprunte largement aux codes du porno, prend le contre-pied d'un certain nombre de clichés.
Tout d'abord, elle est le fait d'une femme, qui nous parle ouvertement de sa sexualité, ce qui, en 1991, quand est sorti le livre, n'était pas si fréquent : ainsi l'homme (je n'ose dire l'amant) est-il réduit au strict minimum  (un sexe), et n'a qu'une fonction, satisfaire sa partenaire.
Autre « anomalie », cette femme qui couche sans vergogne avec un homme jeune, est arrivée à un âge où on la verrait plutôt s'occuper de confitures. Or, au lieu de cela, que fait-elle ? S'acheter des toilettes et des chaussures pour mieux plaire à son visiteur, feuilleter des magazines de mode, écouter des chansons sentimentales, bref, retrouver les habitudes de la jeune femme qu'elle a été, comme si vivre une passion était aussi une manière de renverser le cours du temps.
Tout cela pourrait bien sûr prêter à sourire, mais pour l'héroïne de Passion simple il s'agit de quelque chose d'inouï : « Quand j'étais enfant, écrit-elle, le luxe, c'était pour moi les manteaux de fourrure, les robes longues et les villas au bord de la mer. Plus tard, j'ai cru que c'était mener une vie d'intellectuel. Il me semble maintenant que c'est aussi de pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme. »
Dur et dérangeant, Passion simple est un livre qui se lit d'une traite (il est vrai qu'il est très court). La seule réserve que je formulerais concerne le style : je l'ai trouvé un peu sec et distant par moments, et finalement pas assez… passionné pour rendre tout à fait justice à cette belle histoire.
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C'est un très petit texte mais dense.
Annie Ernaux disséque par le menu une passion folle (car elle la rend folle) pour un homme marié.
Dense car tout est écrit, tout est dit, tout est réalité.
J'ai retrouvé avec une certaine émotion ce qu'elle relate ; se dire qu'il y a x ans ou x mois, elle avait fait ceci ou cela avec cet homme. Beaucoup de superstitions également ; si j'arrive à monter dans mon train alors il m'appellera ce soir.
Folles que nous sommes, nous les femmes passionnées.
Nous donnons tout et puis un jour, c'est fini. Ne reste plus que la morsure des souvenirs.
C'est un très beau texte, même si parfois l'auteure se perd dans des divagations de femme folle.
Car n'oublions pas que le mot "passion" signifie souffrance, maladie.
Et simple car, quand tout est fini, elle se retourne et finalement regarde cette passion comme bien lointaine et presque banale.
Et oui, le deuil amoureux efface parfois la vie, la vraie. Il ne faudrait pas. Ceux qui ne s'en sortent pas de ce deuil, seront malades toute leur vie.
Ou bien plusieurs années.
Oui, plusieurs années.



À lire pour comprendre mieux : Fragments d'un discours amoureux de Barthes.
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Superbe histoire que j'avais dévorée il y a qq années, que j'ai pu revoir en images à travers le film de Danielle Arbid, sorti en 2021. Quel talent aussi bien dans le livre que dans le film, de nous rendre cette histoire si simple et si proche de nous ! Quiconque a connu l'effet drogue et endorphine d'une relation amoureuse un peu transgressive comme celle-ci se reconnaîtra ! Ce n'est pas une passion simple, mais une histoire simple. Une histoire que chacun-e de nous pourrait vivre.
Le film est disponible en replay sur C+ Emotions jusqu'à avril 2023.
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❤️‍🔥 « Il n'y avait pas de chronologie pour moi dans cette relation, je ne connaissais que la présence ou l'absence. »
(p.23)

❤️‍🔥 Passion simple. 1991. Une femme écrit son amour dévorant pour un homme, deux mois après leur rupture. Elle n'écrit pas sur lui, elle n'écrit pas sur elle, mais sur ce qui fut : un amour aveuglant, une passion dévastatrice. Pour elle. Lui, évidemment, ne sait rien de tout cela, homme marié qui s'échappe pour tomber dans les bras d'une autre sans autre volonté que celle-ci : goûter aux plaisirs de la chair. Passion, du grec pathos, souffrir. Mon avis de lectrice se mêle à celui de femme, j'admire la confidence d'une femme blessée, ces mots lus le soir pour être au plus près de l'émotion, à la lueur d'une bougie, pour que rien ne trouble ces mots ; j'admire oui, mais je regrette infiniment de ressentir chaque hésitation, je hais d'éprouver ce jeu de funambule à nouveau, je déplore l'aveuglement, l'obstination, la fascination pour un être idolâtré, encensé, créé de mes propres rêves et décalqué sur un homme que je ne connais pas, que je ne connais plus.

❤️‍🔥 « J'avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu'on finit toujours par découvrir : l'homme qu'on aime est un étranger. »
(P.36)

❤️‍🔥Certains avis disent que l'auteure se regarde écrire et y trouve une certaine satisfaction. Je ne le crois pas. Je n'y vois que le travail impossible d'un détachement d'une part de soi profondément ancrée à l'intérieur : la passion est en ceci dévastatrice qu'elle nait du sujet et non de l'objet du désir. Comme on apprend tant de choses, il faut désapprendre aussi : ne plus entendre une voix, ne plus voir un signe dans chaque film, ne plus rêver à des chansons mélancoliques, il ne faut plus prétendre ne pas vouloir créer l'occasion d'un rendez-vous hasardeux, ne plus se vêtir pour plaire (à quoi bon ?), il ne faut plus tellement de choses, mais il faut tellement de temps, de volonté.

❤️‍🔥 Alors l'attente de tout, de la rupture même car l'on devient passif, incapable de mettre fin à une chimère inventée de toute pièce car rien, dans la passion, n'est salutaire. La passion naît du désir, lui-même naissant du manque. le manque, le vide incommensurable d'une existence dont le sens fait défaut. Alors écrire, pour guérir.

❤️‍🔥 « Tout était manque sans fin, sauf le moment où nous étions ensemble à faire l'amour. Et encore, j'avais la hantise du moment qui suivrait, où il serait reparti. Je vivais le plaisir comme une future douleur. »
(P.45)
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Passion simple (Annie Ernaux)

Par quelle initiale est désigné l’homme avec qui la narratrice vit une passion ?

A.
E.
I.
O.
U.
Y.

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