Gaby Etchebarne a aujourd'hui 85 ans. Basque d'origine, elle a longtemps vécu en Argentine et parcouru le monde. Militante convaincue, elle lutte depuis toujours contre tout ce qui porte atteinte à la liberté, à la démocratie. Elle réunit dans ce livre le compte-rendu de onze rencontres avec des circassiens, ces gens du cirque qui prennent de grands risques et vivent souvent chichement en dépit des heures de travail, juste pour enchanter leurs spectateurs.
Il serait fastidieux - et inutile - de reprendre chacune des entrevues. On peut en extraire les idées essentielles et récurrentes qui s'y expriment. Tous les artistes cités viennent d'Amérique latine, plusieurs d'entre eux d'Argentine. Gaby les interroge à la lumière de sa propre connaissance de ces pays et de ce qu'elle en sait. Alors, ils racontent : le contexte politique et historique, souvent violent ; les paysages, souvent superbes ; les difficultés, souvent connectées à la corruption, à l'argent sale, à l'ivresse du pouvoir qui mène à la dictature, à l'abus de pouvoir, à la torture ; la pauvreté, le courage des populations. Nous côtoyons les partisans d'Allende et leur chant « cantate de Santa Maria d'Iquique, par les Quilapayun, interdit par Pinochet en 1973. Ou bien les habitants des favelas misérables de Rio, soigneusement dissimulées aux touristes lors des J.O.
Il semblerait que tous ces jeunes artistes soient issus d'une classe moyenne, éduquée, avec certains moyens leur permettant de sortir du pays, d'aller à la rencontre d'autres cultures, de se former dans des écoles artistiques en Europe. Ce n'est pas la classe dominante mais celle, juste en -dessous, qui travaille et rêve d'un avenir meilleur pour ses enfants. Arrivés en Europe, plus particulièrement au Lido de Toulouse où ils étudient les arts du cirque, la plupart doivent se débrouiller pour vivre. Mais leur passion pour le monde artistique est la plus forte.
Ce livre est avant tout une dénonciation de ce qui ne saurait s'admettre dès lors qu'on est un tant soit peu humaniste et soucieux de progrès de l'humanité : l'esclavage, l'extermination des peuples aborigènes (qu'elle nomme, à mon avis à tort, peuples « originaires »), Mapuche entre autres ; l'exploitation éhontée des hommes et de la planète par les multinationales (ce soja qui demande la déforestation de l'Amazonie pour nourrir nos vaches!) : toutes dénonciations indiscutablement fondées mais, me semble-t-il, sur lesquels beaucoup de gens sont d'accord. Manifestement de gauche, d'extrême-gauche, anarchistes, écologistes, on n'entend qu'une même voix pendant ces onze conversations. Ils racontent
L Histoire via leur propre histoire. C'est sympathique quoique peu documenté et évidemment qu'on est d'accord avec leur point de vue ! Ce consensus quasi obligatoire finit par être ennuyeux. Pourquoi, parmi tous ces jeunes artistes, n'y a-t-il aucun autre son de cloche ?
Enfin, le sous-titre du livre m'a induite en erreur : Paroles d'artistes du cirque. Je m'attendais à des récits d'expériences de circassiens, monde des gens du voyage qui m'est cher,, mais en fait, il n'était pas du tout nécessaire que ces jeunes eussent été artistes du cirque ! N'importe quels étudiants argentins, colombiens, brésiliens auraient pu raconter la même chose ! Pour moi, la partie réservée à leur expérience professionnelle, à leur vécu de « gens du voyage » reste un prétexte pour aborder ce qui tient au coeur de l'auteur. Il suffit de lire les titres de ses autres ouvrages pour s'en convaincre. C'est dommage, j'aurais aimé connaître un peu plus leur vie d'artistes.
Finalement, un livre intéressant, notamment pour les lecteurs qui ne connaîtraient pas du tout le passé du continent sud-américain, un livre qui offre de multiples informations sur le contexte socio-politique de l'Amérique du Sud mais qui n'a pas tout à fait répondu à mon attente.