Tout ce que je suis, au même endroit
Je propose en premier lieu de réfléchir au titre du livre, à ce que les mots et leur enchaînement peuvent signifier. J'indique de suite, que cet ouvrage est le plus questionnant / passionnant dans mes lectures récentes. Il y a ici matière à penser la complexité, l'historicité, les contradictions… loin des facilités et des raccourcis de certain·es…
Je choisis une présentation très partielle – des soulignements subjectifs – de l'introduction et de l'épilogue, en espérant que cela n'induira pas une lecture tronquée du sens des travaux de
Jules Falquet.
Dans son introduction,
Jules Falquet propose, entre autres, de « dissiper le bruit et la fureur », de penser en termes de systèmes sociaux, de rendre sens aux mots « sexe, race et classe », de définir les rapports sociaux « comme des rapports de pouvoir ou tensions qui structure l'entièreté du champ social autour d'enjeux – notamment, le travail »…
Elle parle des deux groupes antagoniques dans les rapports sociaux de classes, des hommes et des femmes dans les rapports sociaux de sexe, de la race comme construction historique et arbitraire, des liens entre « sexe, race et classe », des échelles de questionnement, de la dynamique de l'articulation des rapports sociaux… « cet ouvrage affirme un double objectif, théorique et pratique. D'une part, documenter et mieux comprendre les luttes sociales qui tentent de résister aux injustices résultant de ces multiples rapports sociaux imbriqués et y cherchent des alternatives. D'autre part, apporter à la compréhension théorique du fonctionnement simultané de plusieurs rapports sociaux (tout particulièrement de sexe, race et classe) ».
Jules Falquet explique le double objectif « théorique et pratique », son centrage sur des mouvements sociaux « composés de membres de groupes minoritaires dans un ou plusieurs des rapports sociaux », le choix du « continent américain ». Comme elle le fait habituellement, contrairement à beaucoup qui oublient cette nécessaire précision, elle explicite d'où elle parle (point de vue situé), sa contribution « aux luttes collectives pour abolir les rapports sociaux de classe, de race et de sexe », ce qui fonde un « double droit et devoir de critique ». Son approche combine socio-histoire, science politique, anthropologie, observations sociologiques et ethnographiques directes.
Je souligne la section « Précisions théoriques et conceptuelles », la variété de la conscience de soi des femmes, les apports de
Nicole-Claude Mathieu, les liens entre « sexe, genre et sexualité », la pluralité de compréhension du féminisme, les quelques précisions sur la race (et la classe), « C'est pourquoi il faut souligner l'existence de plusieurs logiques de rapports sociaux de race construisant plusieurs groupes « racisés » bien différents, de même qu'il existe en fait plusieurs sortes de groupes « racisants », les apports de
Colette Guillaumin, le liaison spécifique sur le continent américain de la race et de la classe, l'Améfrique ladine, l'être « Indien·ne ou Noir·e »…
Jules Falquet présente ensuite succinctement les différents chapitres, la production de savoirs, la construction de projets politiques, les contextes historiques et politiques, les contextes culturels, l'imbrication des rapports sociaux, les définitions « du métissage et de la race », la nouvelle politique des institutions internationales et leur effet sur les femmes, les luttes concrètes, « Ainsi, l'autonomie évolue progressivement vers une analyse de l'imbrication des logiques hétéropatriarcales, racistes et classistes du néolibéralisme. La participation aux luttes concrètes conduit certaines militantes à une réflexion de plus en plus poussée sur la véritable recolonisation du continent. le lien avec d'autres femmes et féministes Autochtones et Afros, comme avec une frange alternative de l'université, amène toute une partie d'entre elles sur la piste des analyses décoloniales, dont elles constituent aujourd'hui le ferment le plus prometteur.
Sur le plan épistémologique, on verra que c'est en liant théorie et pratique, grâce à une réflexion collective à l'échelle transnationale permise notamment par les rencontres féministes puis lesbiennes-féministes continentales et les logiques d'auto-formation, et enfin parce qu'une partie significative d'entre elles occupent des positions minoritaires aussi bien dans les rapports de sexe que de classe et surtout de race-nationalité-statut migratoire, qu'une partie des féministes autonomes d'Abya Yala est parvenue à proposer des analyses, des stratégies et des actions parmi les plus novatrices et porteuses d'espoir que l'on peut trouver à l'heure actuelle. Elles ne demandent qu'à être mieux connues, partagées et bien évidemment, adaptées au contexte, prolongées et mises en pratique. »…
En épilogue,
Jules Falquet revient sur les apports des différents groupes de femmes étudiés, les ouvertures et particulièrement quatre points, « la critique du genre, celle des identités et de l'intersectionnalité, l'intérêt de la perspective de l'imbrication des rapports sociaux plutôt que des systèmes d'oppression, et enfin le cheminement d'un nombre croissant d'activistes et de théoriciennes vers les perspectives décoloniales », le développement d'analyses structurelles et relationnelles, les rencontres lesbiennes-féministes, les résistances et les alliances…
« Construire ces alliances constitue indubitablement l'enjeu central pour l'ensemble des minorisé·e·s du monde – et pour cela, une claire compréhension de l'imbrication des rapports sociaux est indispensable »
Le titre de cette note fait écho au titre d'un article de
Duchess Harris sur le Combahee River Collective, cité par l'autrice au chapitre 3
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