Qu'il est difficile de devenir américain lorsque l'on est issu d'une famille italienne imprégnée de catholicisme, arrivée aux États-Unis depuis une génération. Et ce d'autant plus si l'on est pauvre, avec un père instable (
Svevo), coureur, alcoolique et joueur, mais aimé des siens, et bon maçon lorsqu'il travaille, et si de surcroît on n'a pas fait d'études.
Malgré ses efforts, Arturo est systématiquement rattrapé par ses origines, comme si un élastique l'y ramenait violemment. Comme beaucoup d'immigrés et enfants d'immigrés, il est aussi tiraillé entre ses aspirations américaines et le souvenir fantasmé de l'Italie.
Arturo, bien sûr, c'est
John Fante lui-même qui nous raconte sa vie, sa famille, ses petits boulots et ses galères, ses amours, ses délires et ses rêves dans ces quatre
romans du "cycle
Bandini" :
- Dans "
Bandini", écrit en 1938, Arturo est jeune et nous raconte la vie à Denver de son père
Svevo, vue par lui ;
- Dans "
La Route de Los Angeles", écrit en 1936, ayant quitté ses études prématurément, il vit de petits boulots et partage la vie des laissés pour compte dans un port de la côte californienne ;
- "
Demande à la poussière", écrit en 1939, nous le montre jeune écrivain en galère à Los Angeles, pas encore reconnu, avec ses amours agitées avec Camilia Lopez ;
- Dans "
Rêves de Bunker Hill" (1982) il est déjà reconnu comme écrivain et vit à Los Angeles.
Tout cela est raconté avec verve, gouaille même, dans un style nerveux et imagé, bien mis en valeur par la traduction de
Brice Matthieussent, style précurseur indiscutable de la "
beat generation" et faisant penser, plus tard, à "
Sur la Route" de
Jack Kerouac. À ce titre, il a tout pour "choquer le bourgeois", ce qui explique que les premiers opus n'ont pas été publiés immédiatement. Un style à tendance déjantée donc, imprégné de rage, qui a mûri au cours de la vie de l'auteur en s'assagissant légèrement (pas complétement, bien heureusement).
Le premier écrit de ces ouvrages, "
La Route de Los Angeles", comporte quelques enfantillages de jeunesse, mais est le plus déjanté et le plus spontané, ce qui fait de lui mon préféré, même si cette opinion est peu partagée ("
Demande à la Poussière" étant le plus reconnu, à juste titre bien sûr).
Toute l'oeuvre de
John Fante, dont naturellement le "cycle des
Bandini", est à recommander chaudement à tout amateur de littérature américaine et, plus simplement, de très bonne littérature.