Voyage spatio-temporel, histoire d'amour franco-anglaise entre deux êtres que tout sépare, l'époque, la culture, la géographie... Une magnifique excursion en Inde qui m'a transportée, je suis fan de cette écrivain qui m'embarque toujours dans d'extraordinaires périples exotiques et romanesques. J'ai adoré l'histoire, les personnages de l'Anglais, mais aussi les rôles secondaires très Agatha Christie revisités, la précision du travail sur l'Inde britannique et le Jaipur des années 20. Eva s'évade d'un quotidien déprimant, après une drame personnel et une rupture sentimentale. Elle s'évade au sens propre et figuré comme Alice au Pays des merveilles... J'avais vu l'exposition au grand palais réservée à la collection al Thani, quel bonheur de poursuivre l'aventure au travers des bijoux exceptionnels des Marajas ! J'avais l'impression d'être plongée dans un film, bravo à l'auteur pour son travail remarquable de documentation, notamment le glossaire final et la couverture, qui est vraiment superbe. On aurait envie d'une suite à l'histoire d'Eva Greville, comme dans la série Outlander que j'ai découverte sur Netflix...
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Eva Greville, 27 ans, responsable des archives et du patrimoine de la maison Cartier , se réfugie dans le travail pour essayer de survivre à sa peine suite à la mort de sa fille Emma à la naissance.
Lors d'une exposition sur Cartier à Hyderabad en Inde, après avoir touché un mystérieux tableau d'un Maharajah portant l'oeil de l'Idole, une parure féerique, Eva se trouve mystérieusement "projetée" en 1912 à Bombay.
Accusée d'avoir volé ce somptueux bijou, Eva va chercher à comprendre qui est le véritable voleur et ce qu'il s'est réellement passé dans sa vie.
Dès le départ, nous sommes tenus en haleine. Nous souhaitons connaître le dénouement de cette histoire "fantastique". Pourquoi et comment Eva a -t-elle bien pu faire ce voyage dans le temps ? Quant est-il de la magnifique parure destinée à la troisième épouse du Maharajah de Jaipur ? Mais nous espérons également qu'une belle histoire d'amour va se créer.
Ce roman rempli de détails sur l'Inde et l'histoire de Cattier, est très bien écrit. L'auteure a parfaitement su mêler le suspens à quelques touches de développement personnel (à mon sens).
Je vous le conseille vivement ce livre que j'ai dévoré en quelques jours ! Vraiment magnifique !
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Eva travaille chez Cartier, malheureuse en amour elle se retrouve entrainée dans une exposition en Inde. Toutefois tels Alice elle se retrouve projetée dans l'inde de 1912, le jour du vol d'une parure. Accusez par un témoin, sans mémoire dans une époque dont elle ne maitrise pas tous les codes. Parviendra t'elle prouvée son innocent et regagné le 21 ème siècle. Qu'est-t '-il advenu de la parure du maharaja ?
J'ai pris énormément de plaisir à découvrir le nouvel univers créer par Gwendoline Finaz de Vilaine nous entraîne à la découverte de toutes les facettes de l'Inde et de complots au sein de la cours de Jaipur .Elle nous offre également un vrai contexte historique documenté autour de l'univers de la joaillerie.
Le personnage d'Eva est terriblement attachant par son caractère farouche c'est un vrai bonheur de la suivre à travers la résolution de ce mystère. J'avoue avoir eu durant un bon moment pas mal de difficultés à saisir le vrai fond Lord Hartford Wesley qui finalement restera lui aussi toujours très mystérieux sur ses intentions, mais après tout n'est pas ce pas ce qui fait tout le charme de l'histoire ?
Je ne peux qu'être un peu triste de déjà devoir quitter cet univers qui m'a tant époustouflé.
Je ne peux qu'espérer que comme pour Alice nous aurons le droit à un Through the looking glass.
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— Auriez-vous l’obligeance de me dire où vous me conduisez ainsi ? coasse-je sèchement, tout en me tortillant sur mon siège pour lutter contre les courbatures. Et pour quelle raison je me retrouve dans cette voiture, avec vous, au beau milieu de la nuit ?
Imperturbable, Hartford Wesley marque un temps avant de se tourner vers moi, et de répliquer sans ciller, d’une seule traite :
— Vous le saurez plus tard. Pour le moment, vous n’avez pas à connaître les détails de notre voyage.
Je n’aime pas du tout le ton condescendant qu’il emploie, ni même le peu de considération dont il fait preuve à mon égard, depuis le départ de l’auberge Kidki. Je n’ai pas été élevée à une époque où l’on tolérait aisément ce type de comportement machiste. C’en est trop.
— C’est une plaisanterie ? riposte-je avec vivacité. Depuis que je suis arrivée à Bombay, je fais semblant d’obtempérer à toutes vos décisions, comme si j’étais sous vos ordres !... Or, ce n’est absolument pas le cas. Je ne vous connais pas. Je n’ai rien à voir avec vous. Vous êtes un arriéré militaire auquel je ne suis redevable en rien, sachez-le ! Dans mon pays, les gens ont des droits et sont défendus par des principes démocratiques, comme la présomption d’innocence, et le fait d’avoir recours à un avocat, par exemple… Des termes dont vous n’avez jamais entendu parler, j’imagine… C’est absolument intolérable ! Je suis sûre que l’Ambassade de France n’a même pas été prévenue de notre arrestation. Vous n’avez aucune preuve légale contre moi, ni contre Rossignol et Sowerby, d’ailleurs… Si vous m’emmenez dans un désert ou dans une jungle sauvage, dans le seul but de me violer à l’envie avec votre camarade sikh, je préfère le savoir tout de suite, et me préparer au triste sort qui m’attend… Sinon, relâchez-moi, et laissez-moi retrouver le chemin de mon pays, laissez-moi rentrer en France, car je n’ai rien à faire avec vous, rien en commun avec vos intérêts ici ! Je me fiche éperdument du Raj, des diamants du Maharajah gros comme des balles de golf et de tout ce qui constitue ce pays sale et irrespirable, que j’exècre par-dessus tout !
A peine ai-je achevé cette diatribe enflammée, la poitrine encore frémissante et moi-même un peu dépassée par la véhémence de mon propos, que Wesley riposte en braquant l’automobile, enfonçant le frein à main avec force, provoquant un grand nuage de poussière tout autour de nous, dans la nuit noire. Cela étant fait, le résident ouvre sa portière d’un coup de pied et contourne la voiture, l’air fermé et menaçant. Je me pétrifie involontairement sur mon siège. Sans tergiverser davantage, il m’attrape par le col, me sort de la voiture avec une poigne sidérante, me hisse à sa hauteur, son visage collé au mien, tout en me foudroyant du regard. Inquiète, je me redresse avec fierté, espérant qu’il ne va pas me coller une gifle au passage.
— Je ne vais pas vous violer, rugit-il sans attendre, espèce de petite sotte, si c’est que vous croyez ! Si j’avais voulu le faire, croyez bien que je n’aurais pas attendu d’être à Aurangabad pour passer à l’acte, et vous soumettre à mon joug ! Je vous aurais prise à Bombay, dans le bureau de l’administration coloniale, comme le font pas mal de collègues de ma connaissance, qui ne se gênent pas, eux, lorsqu’ils procèdent à des interrogatoires musclés avec des filles dans votre genre…Vous croyez que vous me faites envie, dans ce costume militaire, avec votre sale petite tête de chat méchant ? Mais vous êtes complètement folle, ma parole ! Si vous voulez le savoir, j’aurais l’impression de violer l’un de mes collègues du British Council… Pour votre gouverne, Zarin Charan est le meilleur homme que je connaisse, le plus fidèle d’entre tous, le plus intègre et le plus droit ! Il n’a pas à être insulté de la sorte, ni sujet à vos sous-entendus dégradants pour un soldat du Raj… Qu’est-ce que vous croyez ? Nous n’avons pas besoin d’une gamine comme vous pour assouvir notre bon plaisir, dans un pays qui regorge de ressources en ce sens… Et pour qui vous prenez-vous, bon Dieu ? Depuis que vous avez débarqué en Inde, vous ne nous causez que des ennuis, avec cette histoire de vol et vos airs de vierge échevelée… Vous affolez mes hommes avec vos seins qui pointent sous votre liquette, vous ne dites que des sornettes à qui veut bien l’entendre… Alors n’insultez pas l’armée, n’insultez pas mes amis, n’insultez pas le souverain de Jaipur et surtout, n’insultez pas l’Inde ! Et regardez-moi dans les yeux quand je vous parle !
— Je vous interdis de me parler ainsi…
— Ah oui vraiment ? s’esclaffe-t-il avec morgue, affichant au passage un méchant sourire sardonique. Je voudrais bien voir ça ! Eh bien, à partir de maintenant, c’est moi qui commande…
A ces mots, lord Wesley s’empare d’une corde qui se trouve dans la portière de l’automobile, m’oblige à effectuer un demi-tour brutal sur place, et sous les yeux quelque peu atterrés de Zarin Charan, me ligote les poignets, avant de me repousser dans la voiture sans ménagement, la tête la première. J’atterris comme un sac de jute sur la banquette arrière ; la portière claque sans préavis un quart de seconde après. Je me mords la lèvre pour me retenir de crier de rage et d’humiliation, face à cette procédure plus que scandaleuse et irrespectueuse de ma personne. La joue écrasée sur le siège et les mains nouées derrière le dos, j’ai l’impression d’être une chèvre que l’on mène à un méchoui. Mais qu’ai-je bien pu faire dans une vie antérieure pour mériter un tel sort ? Difficile, désormais, et dans ces conditions pénibles, d’envisager de sauter de l’automobile pour essayer d’échapper à mes ravisseurs, d’autant que je suis prise de maux de tête d’une violence inédite. C’est un fait définitif : je hais cet homme et je hais ce pays !
J’aperçois, au bout d’une allée de lauriers roses et de palmiers, un palais princier qui a tout l’air d’être spectaculaire, avec ses tours scintillantes et ses dômes bulbeux miroitants dans le lointain. Rossignol, assis entre nous, valdingue la tête comme un essuie-glace, puis marmonne avec mauvaise humeur :
— Surtout, ne vous laissez pas impressionner, mon petit, ne vous laissez pas influencer par tout le décorum grandiose que vous allez découvrir ici… Je préfère vous prévenir : c’est du goût de Paul Poiret, du faste et des dorures à tout bout de champ ! Le bal persan toute l’année ! Ça vous attige jusqu’à plus soif ! Des dégringolades de pierres précieuses à n’en plus finir, même sur les éléphants… Les éléphants que l’on peint comme de la porcelaine de Sèvres… Vous verrez ; ces sales bêtes sont plus couvertes de rubis que n’importe quelle horizontale parisienne…! Derrière tout ce faste grandiloquent, n’oubliez pas que nous restons des otages. N’écoutez pas le sirop de ces peuplades mystiques et leur baratin médiumnique. Même si je dois le dire, l’accueil est bon, et ces indigènes nous accueillent avec plus de cordialité que prévu…
Le petit homme, qui s’exprime en français, réalise soudain que le chauffeur nous écoute malgré lui, à quelques centimètres de ses vociférations. Aussitôt, dans le doute, il se rengorge puis surenchérit à voix haute, en anglais cette fois-ci, en me faisant l’article des lieux à l’exact opposé :
— Et encore, ma chère ! Vous n’avez pas vu le palais princier, le somptueux City Palace de Jaipur, ses milliers de chambres, de cours intérieures, de passages secrets… Son revêtement qui change de couleur en fonction de la position du soleil… Ah, vous allez voir ce que vous allez voir… L’Inde est une féérie qui vous revigore l’âme ! Je vous avais prévenue à Paris, que cette visite serait tout à fait exceptionnelle… Il faudrait créer une exposition toute entière en l’honneur des trésors du Rajputana… Et je ne parle même pas d’une inestimable collection de tapisseries, de bijoux et de tenues traditionnelles, et du chapelet d’étables à éléphants…
— Vous en faites trop, mon cher ! siffle Sowerby d’un air narquois, le nez blanc couvert de poudre, tout en se mirant dans une petite glace. Vous êtes raide comme un passe-lacet ; on dirait un mauvais conférencier du Louvre…
— Taisez-vous ! riposte le joaillier entre ses dents, furieux, mais taisez-vous donc, vous l’Angliche, avec vos airs de geisha !
Je m’interpose pour qu’ils évitent d’en venir aux mains sur la banquette arrière, tandis que la voiture s’aventure calmement dans une allée somptueuse, encadrée de pelouses entretenues au cordeau. Quelques secondes plus tard, nous pénétrons dans l’enceinte du palais à travers la Sireh Deorhi Gate, la porte principale aux grands battants cloutés de fer, gardée par des soldats portant culotte blanche et hautes bottes noires, et munis de jezails, ou mousquets à grand canon.
— C’est par les failles que passe la lumière, jeune feringhi, (...) cessez de penser comme vous l’avez toujours fait par le passé. L’Inde, notre mère à tous, est là pour vous y aider. Je vous conseille d’étudier le Soutra du diamant, un dialogue entre le Bouddha et son disciple Subhuti. C’est un encouragement à couper les illusions de la réalité nous entourant… Le thème central en est la vacuité, l'absence de caractère fixe et inchangeant de toute pensée. En tant que matière précieuse, le diamant est recherché mais il représente ce qui empêche le sage de progresser, et d'atteindre finalement l'éveil… En un mot, le diamant est le symbole et l’obstacle ultime ; il incarne l’idéal d’éternité et le trésor auquel il faut renoncer.
Nous entrons dans l'ère du Kaliyuga, le quatrième et dernier âge d'un cycle du monde ; c'est l'ère du déséquilibre total, à l'instar d'un quadrupède qui plus qu'une seule patte, l'âge où le dharma, la loi qui régit l'univers, n'est plus suivi et où le monde court à sa destruction, avait d'être réabsorbé, puis recréé différemment ... L'homme a besoin de cette transition. L'Inde a besoin d'en passer par là. L'or ne peut pas naître que de la poudre du canon et de la poussière de cendre ... L'or de l'âme qui navigue sans contrainte, débarrassée de ses oripeaux. Qui répond au mal par le bien.
Qu'a-t-il bien pu se passer à Hyderabad pour que je me retrouve ainsi projetée en Inde au début du XXe siècle ? Prisonnière d'un psychopathe anglais, accusée du vol d'un collier d'une valeur historique, otage d'un espace-temps dont j'ignore tout, à des années-lumières de ma famille, de mes collègues et de mes obligations, je risque d'être condamnée à mort pour un crime que je n'ai pas commis.
Interview de Gwendoline Finaz de Villaine sur C8, dans l'émission "Voyage au bout de la nuit", mai 2017.