Le féminisme fut toujours vigoureux aux États-Unis – nation fondée peu de temps avant la révolution industrielle et dont l’histoire et les traditions étaient donc relativement limitées – où il fut stimulé par l’exemple de l’antiesclavagisme et par la fermentation des idéaux de la révolution américaine elle-même. (La déclaration publiée en 1848 lors de la première convention nationale des Droits de la Femme, à Seneca Falls, avait pris pour modèle la Déclaration d’Indépendance). Le féminisme du premier Mouvement Américain pour les Droits de la Femme (Woman’s Rights Movement, que nous désignerons par les initiales : W.R.M.) était radical.
Au XIXe siècle, les femmes qui attaquaient la famille, l’Église (cf. Woman’s Bible, par Elisabeth Cady Stanton) et l’État (par l’intermédiaire de la loi) se lançaient en fait contre les pierres angulaires de la société victorienne où elles vivaient – chose aussi grave que de mettre en question aujourd’hui la discrimination sexuelle. Les théories qui présidèrent à la fondation du W.R.M. appartenaient aux idées les plus progressistes de l’époque, en particulier celles d’abolitionnistes comme William Lloyd Garrison et de communalistes comme R. D. Owen et Fanny Wright. De nos jours on ignore souvent que le féminisme était à l’origine un mouvement répandu dans la masse. Qui a jamais entendu parler des pénibles voyages accomplis par les féministes jusque dans les forêts du Nord et à travers les frontières, ou de leur patient porte-à-porte dans les villes, où elles s’efforçaient de faire naître la discussion et de rassembler des signatures pour des pétitions qui ne soulèveraient que le rire des assemblées ?
Shulie: Shulamith Firestone (1967)