Je pensais, en abordant ce livre, que
Vincent Fleury se cantonnerait à une étude académique des structures arborescentes. (Celles-ci sont extrêmement nombreuses dans la nature, du flocon de neige aux dendrites des minuscules grains de sable attestant de la chute d'une météorite il y a 65 millions d'années). Or, agréable surprise, cet essai présente un véritable voyage encyclopédique au pays des dendrites métalliques, des dendrites biologiques et autres structures de ce type (qui répondent à un certain type de croissance fractal). L'essai débute par les différentes interprétations de ces structures en «
arbres de pierre » à travers l'histoire. Mais, très érudit,
Vincent Fleury nous décrit en fait tout un pan (méconnu, pour ma part), de l'histoire des sciences. Les savants des siècles passés marquèrent tous leur étonnement face à cette question : comment se forme un caillou ? On suit ainsi les cheminements de la pensée de Réaumur, qui disait (et c'est toujours valable aujourd'hui) : « En
physique, quand on ne veut que du certain, il faut souvent se contenter de peu ».
L'idée, répandue depuis
Aristote, était que la solidification des roches procédait de la même façon que la congélation de l'eau (sur laquelle ils n'avaient par ailleurs aucune idée précise ! ). C'était déjà une avancée, car la plupart des savants attribuaient une origine céleste à la formation des pierres...
Puis, on crut longtemps que les roches avaient une structure végétative, c'est-à-dire qu'elles « poussaient ». Il fallut attendre le 17e siècle pour que ces théories fausses ne s'écroulent.
Mais ce qui intriguait le plus, et durant longtemps, c'était la structure aux formes arborescentes que prenaient certaines pierres. Et c'est l'avènement de la théorie mathématique des fractales, dans les années 1980, qui a remis à l'ordre du jour l'étude de ces structures si particulières...
Tout ce domaine de la
physique peut sembler purement théorique, pourtant, les dendrites sont une plaie dont les ingénieurs cherchent à se débarrasser : elles limitent l'autonomie des batteries et donc l'essor (pour l'aspect énergétique et technique) des véhicules électriques. Ce sont les dendrites, aussi, qui font que les batteries de nos téléphones portables finissent par ne plus se recharger...
Vincent Fleury en explique précisément le fonctionnement, et je dois dire qu'on en apprend beaucoup au sujet de ces petits appareils qui nous sont si proches !
Mais le thème central du livre, ce sont les structures arborescentes biologiques. Nous en connaissons tous, si nous avons eu le plaisir de voir des images en 3D du corps humain : les poumons, le système nerveux, le réseau des veines, artères et petits vaisseaux sanguins, ou encore le sein – la glande mammaire – qui fonctionne en sens inverse, comme toutes les glandes (des cellules fabriquent le lait, ce lait descend le long de canaux élémentaires tels de petits ruisseaux, qui se regroupent en canaux plus grands, jusqu'à atteindre le téton, ...et le bébé affamé). Il y a aussi le cas des neurones, dont les dendrites forment l'essentiel de la masse du cerveau. Toutes ces structures sont arborescentes : elle ressemblent aux branches et aux racines d'un arbre. Elles servent à irriguer au plus près les cellules (éventuellement à la production) de fluides : sève, oxygène, sang, lait, etc.
L'étude de ces structures montre le vivant selon une perspective totalement nouvelle. le « miracle » de la vie se révèle beaucoup moins mystérieux qu'au prime abord : le développement de certaines structures biologiques, qui semblaient géniales et uniques, obéissent en fait à des lois
physiques qui régissent également des structures inertes : roches, métaux, et autres solides. Dans ses livres ultérieurs,
Vincent Fleury ira beaucoup plus loin dans la théorisation de l'obéissance du vivant à des lois purement
physiques. Ce n'est pas encore le cas dans cet essai (même si on en sent les prémisses), mais il est certain que ce chercheur du CNRS stimule notre intérêt et notre imagination sur des questions et des réflexions intéressantes...