"Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte."
Albert Cohen
Il arrive qu'on engage une vie entière sur un sourire.
On ne se disait rien, mais j'aimais nos conversations.
L'une des employées sort souvent fumer devant la boutique, et demeure quasiment immobile en regardant son téléphone. Il m'est arrivé de me demander à quoi elle pouvait penser ; je crois bien que les inconnus aussi ont une vie.
On pioche si souvent dans la vie des autres les éléments de compréhension de notre propre vie.
« C’est classe, on a un biographe officiel, dit-il.
–Merci, répondis-je, sans trop savoir si c’était un compliment ou juste un point de vue.
–Mais bon, j’aurais préféré Amélie Nothomb. »
Pour paraître décontracté, j’ai souri à cette saillie. C’était plutôt positif ; je tenais là un spécimen d’une catégorie en voie de disparition : un adolescent capable d’une référence littéraire. À vrai dire, cette percée sociable demeurerait unique dans la soirée. Il ne fallait pas trop en demander: une réplique par dîner, c’était déjà beaucoup.
Quand la cinquantaine arrive, on est trop vieux pour être jeune. Mais on est encore un peu jeune pour être vieux.
L'adolescence est un âge où la perception de soi est mise à mal. Cela s'explique peut-être ainsi : bien souvent, l'enfance est un royaume où l'on est le centre du monde. Sans le vouloir, les parents gonflent de manière disproportionnée l'ego de leur progéniture. Ils accourent au moindre besoin, jugent génial n'importe quel gribouillage et s'extasient sur des chorégraphies ridicules. Bref, l'enfant a le sentiment d'être touché par la grâce, et se fracasse lamentablement, ensuite, dans la vérité de l'adolescence : il n'est que lui.
"C'est bien souvent au moment de perdre une chose ou une personne que l'on comprend enfin sa valeur."
"Cette pensée me plongea dans un état mélancolique. On devrait pouvoir empêcher les souvenirs de s'imposer ainsi à notre esprit ; les bloquer à l'entrée du maintenant. Encore une chose qu'on ne maîtrise pas. Il faut dire aussi que certains éléments du présent contiennent d'insoutenables échos du passé."