"Elle aussi découvrait ce secret interdit aux fées, l'amour, cette force qui fait vivre. C'est-à-dire qui fait naître et qui fait mourir."
Trois lieux, trois époques.
Un jeune garçon court, éperdu, à travers la forêt pour tenter d'échapper à un terrible chagrin d'amour qui le poursuit. Il est secouru par un étrange vieux qui recense dans des registres le contenu de ses innombrables valises.
Dans un monde de féerie, une fée qui n'en est plus une court à perdre haleine sur une plage afin de sauver celui qu'elle aime...
Paris, 1936, monsieur et madame Perle, les propriétaires d'une boutique artisanale de guimauves recueille un garçon perdu...
Trois histoires, trois brins d'un écheveau qui finissent pas s'entrelacer et ne plus faire qu'un.
Timothée de Fombelle est un ENCHANTEUR. Avec ce roman qui a la pureté d'une perle et où, comme pour le mur de bagages de son prince banni, tout s'emboîte à merveille, on finit par crier comme Peter Pan:
"Je crois que les fées existent, j'y crois, j'y crois !!!"
Et c'est bien de cela dont il est question : ramener un peu de cette féerie qui nous manque tant !
Mais ne nous y trompons pas ! Même si le magasin de guimauves a pignon sur rue dans cette histoire, celle-ci est loin d'être sirupeuse et dégoulinante de mièvrerie. Bien au contraire, on est bien loin du happy end à la "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" des contes.
Et pourtant, de contes, il en est beaucoup question. le lecteur s'amusera d'ailleurs à dénicher de-ci de-là toutes les références explicites voire implicites aux histoires de notre enfance.
Mais exit ici les bons sentiments édulcorés à la Disney. Que ce soit de notre côté ou de l'autre côté du miroir, nos univers sont teintés de violence et de noirceur. Ilian, le héros du conte se retrouve banni de son royaume pour délit de naissance - son frère aîné lui reprochant la mort en couches de sa mère. Exilé dans "le seul temps, la seule terre où on ne croit ni aux contes ni aux fées", il s'embarque dans les pages les plus sombres de notre Histoire : les combats de la seconde guerre mondiale, les camps de travail en Allemagne, la déportation des Juifs, le maquis, ... Une seule chose le fait tenir : l'espoir d'accumuler assez de preuves de féerie pour rouvrir la porte entre nos deux univers et retrouver celle qu'il aime, Olia, une fée qui a renoncé à ses pouvoirs pour lui...
Une quête qui semble vouée à l'échec tant le sort qui leur a été jeté est cruel. L'amour peut-il sortir vainqueur quand il s'agit de combattre l'incrédulité d'un côté et la félonie de l'autre ?
Avec l'agilité d'un funambule, l'auteur nous fait virevolter d'un récit à l'autre, d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre. Une fois la main tendue acceptée, et le pas de danse engagé, le lecteur, en confiance, se laisse guider, repérant ici un indice, là un autre... Jamais il ne craint de tomber. Et si vertige il y a, c'est celui des mots, des images, des sensations voire des souvenirs que la lecture fait surgir.
"Le bonheur est cette danse où l'on s'approche et l'on s'écarte sans se perdre. Il est même fait des larmes des longues séparations à condition que viennent les retrouvailles."
Une histoire qui se déguste d'une traite. Impossible de s'arrêter au milieu d'une sarabande. Ce serait risqué de rompre le charme !
Un récit qu'on boit jusqu'à la lie avec l'envie de croire, TRES FORT... car, de cet acte de foi peut dépendre le sort d'un amour...
Avec l'envie aussi de voyager ; de collectionner les "fragments perdus de féeries" ; de dresser un mur de bagages-écrins ; de manger des guimauves, de faire des photos ; de VIVRE et d'AIMER.
Un roman qui mérite amplement sa Pépite du roman adolescent européen 2014.
Le Cadeau à déposer au pied du sapin avec, en guise d'emballage, une petite valise et, pour un voyage sans accroc au pays de l'imaginaire, un paquet de guimauves !
"Mais les histoires nous font changer. Et certaines rencontres nous retournent sur le dos comme des tortues. Elles nous obligent à nous laisser faire."
Lien :
http://lacoupeetleslevres.bl..