Dans la réserve innue de Uashat, les femmes sont mères à quinze ans, veuve et grands-mères à trente. Elles se battent pour l'avenir de leur peuple, celui de leurs enfants qu'elles cherchent à préserver de l'alcool, de la drogue et de la violence qu'ils engendrent. Entre traditions et modernité, elles construisent leur identité, leur culture.
Si vous n'avez jamais lu de récit autochtone, lisez plutôt «
Manikanetish » du même auteur. Ne commencez pas par celui-ci car ce n'est pas une histoire classique et linéaire. le contexte est absent et ne permet pas à un novice d'entrer aisément dans le livre. Quatre parties rythment l'histoire « Nomade », « Uashat », « Nutshmit » et « Nikuss ». Les
personnages n'ont pas de noms, ce sont plutôt des ombres, des souvenirs : une mère, une soeur, une amie…
Kuessipan signifie « à toi » en innu ou « à ton tour ». Un toi non identifié et donc universel. le lecteur se retrouve dans la tête de la narratrice, dans ses pensées et ses ressentis et s'immerge dans la vie de la tribu innue et de ceux qui la composent : pêcheurs, chasseurs, hommes, femmes, enfants…
Auteure innue de Uashat,
Naomi Fontaine connait l'importance des racines, des histoires ancestrales, la valeur de la terre et la nécessité de transmettre pour ne pas oublier. Dans ce récit, elle nous parle des femmes autochtones, de leur quotidien et de leurs espoirs. Elle évoque leur vie, leurs émotions, leurs croyances, leurs craintes et le respect qu'elles ont de la nature. Entre fidélité au passé et aux traditions et envie d'aller de l'avant dans un pays qui ne leur fait pas de cadeau, elles portent leur tribu à bout de bras.
L'écriture est simple et poétique et l'attachement de
Naomi Fontaine à ses racines se ressent tout au long des pages. Les observations sont âpres, dures, la nature austère et ce sont autant de tableaux qui nous sont offerts en courts chapitres.
Mais ce récit se mérite ; on n'y rentre pas facilement. L'auteure suggère plus qu'elle ne dit. C'est une invitation à toucher du doigt une réalité qu'elle hésite à confier. Elle interroge aussi le lien entre le français, langue des colons et la langue innue, langue des ancêtres. Elles entrent en dialogue au long du récit.
Kuessipan est le premier roman de l'auteure. Elle avait 23 ans lors de sa parution chez
Mémoire D encrier. Un premier roman fort qu'il vous faudra découvrir si vous aimez
les auteurs autochtones.