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sur 189 notes
Profondément séduit lors du récent FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur) par la vision du film Kuessipan, libre adaptation de l'oeuvre littéraire éponyme, de la réalisatrice québecoise Myriam Verreault en collaboration avec l'auteure Naomi Fontaine, je me devais donc d'aller à la rencontre de ce petit ouvrage (un peu plus de cent pages) à mes yeux fort prometteur.
Le FILM nous invitant à suivre le parcours de l'enfance à l'adolescence de deux jeunes filles Innues (peuple autochtone de la Côte-Nord du Québec) à la relation très fusionnelle, est une vraie réussite cinématographique tout en nuance et sensibilité, évitant habilement angélisme et manichéisme, sublimé par le jeu particulièrement convaincant d'acteurs et actrices majoritairement non professionnels.
Le LIVRE, récit plutôt que roman, fait d'une succession de chapitres de une, deux ou trois pages maximum (au plaisir de lecture à géométrie variable) nous convie à une immersion dans le quotidien d'une réserve amérindienne.
Pour y parvenir le procédé littéraire utilisé est pour le moins inhabituel consistant, sans cohérence apparente, en la confection d'une "lasagne" d'observations brutes, d'instantanés d'existence, de tranches de vie, de ressentis ou réflexions.
L'exercice est déroutant mais, pour peu qu'il accepte de se laisser emporter par ce torrent de (très) courtes phrases précises, sans fioritures ni effets de style stériles, le lecteur tombera immanquablement sous le charme d'une écriture épurée mais inspirée et poétique distillant l'empathie, le respect et la dignité.
Ceci dit, vous l'aurez aisément deviné, le livre m'a cependant moins emporté que le film dont j'espère qu'il trouvera distributeur dans vos pays respectifs.
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Nouveau char, nouveau road-trip. le char, un vieux pick-up, de la rouille, de la poussière et surtout de la musique. Direction la route 138, pour une crisse de vie, des larmes et quelques bières. Tu montes à bord ?

Je roule. Je laisse derrière moi Montréal et la fresque de Leonard Cohen, remonte vers le Nord vers l'Est, toujours plus haut, fuir les bruits de la ville des gens, les dépanneurs au coin de la rue, ouvert de jour, de nuit. Retrouver le son des tambours, son martellement en transe comme un coeur qui bat encore. Toujours plus de neige, toujours plus de silence, toujours plus au loin. Nuit.

Je stoppe. Arrêt dans un dépanneur, quelques binouzes pour poursuivre la route et regarder les étoiles qui s'offrent à moi. On the road, again et again. Les paysages défilent, l'immensité des forêts à ma gauche, la majestuosité du Saint-Laurent à ma droite. L'ours et la baleine. L'orignal et le saumon. Nous étions jeunes et larges d'épaules, à attendre que la mort nous frôle.

Je bifurque. le temps m'emmène dans les terres des ancêtres innus. le grand chaman et sa danse de la neige. Qui va encore pelleter la neige devant le tipi ? de la neige d'une blancheur aussi pure que de la cocaïne. En immersion en terres amérindiennes, terres inconnues d'un monde nouveau limité à une réserve perdue au milieu d'une immensité blanche. Autour des puits de pétrole, des puits de gaz, des puits de minerai. Et les hommes, ces âmes qui foulent depuis plusieurs millénaires ce lieu ? Nuit.

Je pose. Mes sabots dans la poussière, neige fondue et vent frais. Je les vois, ces jeunes filles qui ne rêvent que de devenir mères. Enfanter, c'est faire survivre un peuple. Je les vois, ces jeunes gars allongés à même le sol, à fumer de l'herbe à longueur de journée, à vider quelques bouteilles d'une bière fade et américaine. C'est par où Chambly ? Poésie.

Je lis. Des consonnes et des voyelles qui s'assemblent sur les rives du fleuve et forment un moment de beauté poétique. Court, l'image de l'instant, comme le haïku d'un autre rivage. Ephémère comme la neige qui fond entre tes cuisses. Je chante, seul sur le sable, les yeux dans l'eau, ou un truc plus tribal fait d'une succession de lettres qui écorchent la voix à celui qui n'a pas l'habitude de parler. Silence.

J'écoute le silence, celui d'un piano, celui d'une âme, celui d'un peuple. Mon silence qui n'ébruite même plus la poussière de la vie emportée par le blizzard de la péninsule, le Nitassinan. J'arrive au bout de ce voyage, au bout de la route 138, la fin d'une errance et je m'enfonce dans le sombre de l'océan. Poussière.
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Naomi Fontaine, 24 ans, auteure innue et québecoise a quitté la réserve d'Uashat à l'âge de sept ans pour aller vivre à Québec.

Dans ce livre, qualifié de « premier roman », elle raconte la vie dans la réserve, les gens qui y habitent, qui tentent d'y vivre, d'y survivre souvent, entre la forêt d'un côté et la baie de l'autre, les filles abandonnées par leurs copains, obligées d'élever beaucoup d'enfants avant de penser un peu à elles et de faire des études, les jeunes parfois tentés de s'abandonner dans l'oubli de la drogue, les hommes qui boivent beaucoup trop parfois. Mais il y a aussi un appel de la nature, la chasse, la pêche, il y a les visages ridés des vieux Indiens, les histoires qu'ils racontent, il y a le cimetière où la mémoire de la réserve est gravée dans des pierres dispersées, il y a le bruit du vent et des vagues…

Ce n'est pas un roman à proprement parler, avec un début et une fin, des péripéties identifiables. C'est plutôt un voyage dans la réserve, presque intérieur car le territoire n'est pas très étendu et tout le monde se connaît. C'est un regard sans complaisance sur la misère matérielle et morale, l'oubli , sur les barrières entre les indiens et les blancs, ces barrières qui se franchissent ou s'arrachent si facilement dans la réserve… Mais c'est surtout un hommage à cette culture indienne, innue, un désir de transmettre, de s'appuyer sur le passé pour aller vers demain sans trop de crainte.

C'est aussi une très belle écriture, marquée de simplicité et de lucidité. L'auteur adopte tantôt un regard très extérieur, en parlant à la troisième personne, tantôt un ton plus personnel, elle ne craint pas d'impliquer, de remuer en s'adressant directement à son lecteur.

Naomi Fontaine est une personnalité à découvrir et à suivre !
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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Un court ouvrage d'une immense intensité. de par son histoire, celle de son peuple de la réserve Innue d'Uashat, dont l'alcool, la drogue font des ravages parmi les hommes mais aussi la fierté des femmes, des anciens, et d'autre part, sa construction, une succession de textes plus ou moins longs, où l'auteur va à l'essentiel, donne par brides, suggère et laisse une place aux lecteurs. Une écriture épurée, les sentiments, les émotions sont portés par cette poésie en prose.
Un texte fort, magnifique qui va droit au coeur dont j'ai apprécié cette relecture.
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« Kuessipan », un court récit sur la vie quotidienne dans la réserve innue de Uashat. Mais, au-delà de l'histoire de ces vies aux jours qui s'enchaînent et se ressemblent, de ces femmes aux rêves similaires, de ces hommes aux destins tout tracés, « Kuessipan » est un livre qui s'écoute plus qu'il ne se lit.

Quand Naomi Fontaine décrit la vie de ses semblables, c'est en employant des mots simples formant de petites phrases. Pureté des mots, puretés des sons pour une description limpide d'une idéologie de vie naturelle, mais sans perspective.

Les femmes ayant toutes le même but, devenir mère, souhait indéfectible depuis leur enfance, fait qui les ancre dans la vie de la communauté.

Les hommes, passant de petits garçons tant désirés à maris trop tôt disparus.

L'herbe, non pas celle qui se foule, mais celle qui se roule, qui s'aspire et dont la fumée embrume l'air et l'esprit.

L'alcool qui réchauffe et les hommes une fois imbibés s'écroulent et oublient jusqu'au lendemain que pour eux, il n'y en a pas ou si peux, de lendemains.

Les jeunes remplis de certitudes, bien avant d'avoir vécu, et qui s'évertuent à penser qu'ils n'ont pas d'avenir, que la vie en réserve n'est qu'un leurre, kyrielle de traditions auxquelles ils ne croient plus, mais nombre de coutumes dont ils ne peuvent se détacher. Et cette rancoeur presque haineuse du monde moderne, du français cette langue nécessaire, mais si éloignée de la leur.

« Kuessipan », c'est un texte magnifique dont la mélodie si agréable à l'oreille pèse lourd sur le coeur.

Naomi Fontaine signe ici un premier roman dont la beauté hypnotise le lecteur qui, dans un état second, vit plus le roman qu'il ne le lit.

Pour les amateurs de beaux textes et de phrases simples qui en disent beaucoup...

Merci aux éditions le Serpent à Plumes pour cette découverte.

Lien : http://que-lire.over-blog.co..
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« On ne voit dans la nuit que ce que les mains peuvent toucher. »

À elle seule, cette phrase résume peut-être la poésie de ce premier et très beau roman signé Naomi Fontaine, native d'Uashat, village à qui elle dédie Kuessipan, qui signifie en français « À toi » ou « À ton tour ».

Or, c'est à son tour de raconter ce pays d'où elle vient et ceux qui l'habitent dans ce que l'auteure elle-même appelle un roman, que certains critiques appellent un récit, et que j'appellerai roman parce que c'est le choix de cette toute jeune femme de 23 ans qui étudie à Québec, si bien que pour les siens elle est la fille de Québec et pour ceux qui étudient avec elle, l'innue.

Comme le roman traite à la fois de racines et de déracinement, de ce peuple qui est le sien, de ce qui est et demeurera immuable, de la beauté du paysage, des traditions, de la difficulté de vivre des uns, de la tristesse des autres, des gestes du quotidien, c'est au moyen de tableaux que Naomi Fontaine a choisi de raconter des scènes, des épisodes, des habitudes, des gens. Des tableaux superbes et tout en finesse malgré la dureté du climat, malgré l'alcool qui brise des vies et le fait que des jeunes filles accouchent à quinze ans.

Il y a quelque chose d'attachant dans ces histoires en plus des images qui se déploient comme autant d'aurores boréales et de larmes. Il y a là une envie de rébellion qui s'oppose à une force de stagnation encore plus grande.

Le résultat est un roman exceptionnel, troublant, empreint de sagesse, qui devrait toucher le moindre lecteur qui s'aventurera à le lire. Kuessipan annonce déjà la naissance d'une écrivaine qu'il faudra surveiller de près.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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« Le silence fait du bien à celui qui l'écoute et parfois même, on peut entendre le saumon qui remonte la rivière ».
Naomi Fontaine me touche. Ses choix rythmiques, ses métaphores, ses mots.  Je ne peux pas vraiment vous expliquer. C'est presque physique.
Dans « Kuessipan », en quatre tableaux, sous forme de fragments, elle raconte le quotidien d'une réserve innue.
Des visions parcellaires d'un quotidien dépeint sans fioritures et qui pourtant frappent l'imaginaire par leurs descriptions fortes, parfois empreintes de souffrance, de beauté, de nostalgie. En quelques mots à peine, elle dépeint des drames quotidiens. Une visite tout à la fois physique, philosophique et presque anthropologique. Il y est bien sur question du passé mais son livre est bien ancré dans le présent, dans la contemporanéité. Des côtés difficiles de la réserve, elle veut faire voir aussi la beauté. Elle donne voix à sa communauté et on entre dans l'infiniment intime.
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Livre écrit par une auteur innue de Uashat au Québec.
Découverte poétique et très réaliste d'une réserve indienne québécoise, un roman découpé en petits chapitres qui livrent une pensée, un fait, une tradition, un souvenir, une tranche de vie, un regret...
Un roman un peu triste car l'auteure se remémore sa culture qui se perd et qui essaie aussi de perdurer mais bien difficilement. En effet, la vie dans une réserve est bien très loin du tableau idyllique de la vie des anciens. Il y a peu de choses à faire, peu de travail, des problèmes d'alcool...
Pourtant l'auteur, à travers quelques uns de ses souvenirs nous permet une belle découverte de sa culture innue empreint de mélancolie, de tranches de vie quotidienne des femmes et des hommes de ce peuple.
Intéressant.
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Que ce livre est étrange. Il ne ressemble pas tout à fait à un roman, dans le sens où il ne raconte pas une seule histoire, et pourtant il est comme une succession de poèmes qui viendraient nous parler de la vie. L'auteur évoque en quelques mots, quelques lignes, la vie de ces femmes ou ces hommes, ces enfants, ces jeunes et ces vieux de sa tribu indienne. Naomi Fontaine, jeune femme innue, est originaire de la communauté de Uashat parquée dans une réserve tout au nord-est du Québec, près de Tadoussac, dans ces paysages qui malgré leur modernité gardent le côté sauvage des terres du nord, celles des tribus nomades d'autrefois.
Il y a à la fois une grande simplicité et beaucoup de poésie dans ces lignes. En quelques mots, un paragraphe parfois, l'auteur fait passer des instants de vie, de réussite, de tristesse, de déchirure, le mari mort dans un accident de voiture, la jeune fille de 15 ans enceinte et heureuse de porter son enfant, le vieux qui bientôt ne sera plus mais qui transmet encore aux plus jeunes son savoir, la grand-mère qui tient encore sa tribu à plus de cent ans, et ce jeune homme détruit par la drogue et mort bien trop tôt. Drogue, alcool, ennui, tout ce qui détruit la vie et l'honneur des hommes est également abordé. Car comment se réaliser, devenir un homme quand on vit dans ces réserves qui annihilent votre volonté et votre existence.
Il y a tout un monde dans ce court roman, j'ai vraiment aimé, il va droit au coeur et on imagine tout à fait les paysages, les odeurs, les parfums qui changent avec les saisons, la glace sur le lac, le renouveau des prairies, les animaux, les plantes, tout y est en si peu de mots. J'ai le sentiment de l'avoir lu presque trop vite, il a un goût d'ailleurs, d'enfance et de vie.
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On m'avait beaucoup parlé de ce livre. Lorsque je l'ai trouvé, il m'a paru très très mince.
Pourtant le propos ne l'est pas.
Naomi Fontaine, dans ce premier ouvrage, écrit, décrit, énumère, observe et livre au lecteur un récit qui paraît décousu ( surtout dans les premières pages).
Et petit à petit je me suis familiarisée avec ces phrases courtes mais tellement denses, ces listes si simples qu'elles en deviennent poétiques, ces remarques qui interpellent le lecteur
Il s'agit d'un texte écrit sur la vie quotidienne dans une réserve amérindienne. La souffrance mais l'espoir dans la génération future se côtoient à chaque page.
Respect, pudeur, beauté...
mais il me faudra sûrement une deuxième lecture pour apprécier pleinement, tant ce tout petit livre en a gros sur le coeur!
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