Elodie François est de ces auteurs qui marquent leurs lecteurs au coeur, au point que chaque nouveau roman est attendu avec impatience.
Avec
Kiss Me Maybe, c'est un roman différent qu'
Elodie François nous offre. Différent des codes du genre mais aussi différent de ces romans habituels.
Kiss Me Maybe est plus léger dans le ton, moins sombre, pour autant il n'est pas plus “facile” ou superficiel.
Elodie François demeure une auteure qui travaille finement la psyché de ses personnages ; Even et Daphné ne font pas exception.
Ah, Even et Daphné! Deux amis de toujours ou presque ; deux âmes qui se trouvent dans l'enfance, s'apprivoisent, se complètent. Une amitié profonde et sincère, faite de vérités, de tendresse et de compréhension. Pourtant, en apparence, tout les oppose. Lui, le geek neuroatypique ; elle la passionnée exubérante. Leurs différences sont le ciment de leur amitié ; leurs ressemblances sont le coeur de leur affection l'un pour l'autre.
Pourtant, un grain de sable s'invite dans les rouages confortables de cette amitié aux apparences indestructibles. Un baiser. Un geste qui pourrait ne prêter à aucune conséquence mais qui change tout. Comme Alice qui traverse le miroir, Even bascule dans l'inconnu. C'est un un nouveau monde qui s'ouvre, une porte qui est brutalement ouverte devant Even, une porte qu'il n'avait jamais vue, d'ailleurs. Un nouveau monde qui le terrifie autant qu'il l'attire. Qui le questionne autant qu'il l'angoisse. Qui le met face à un choix impossible surtout : oser explorer ce nouveau monde ou feindre qu'il n'existe pas.
C'est toute la difficulté de mettre en danger une relation qu'on pensait équilibrée et établie, qu'
Elodie François nous dépeint au travers d'Even. le poids des peurs, la crainte de perdre ce que l'on a, l'envie de prendre un risque tout en mesurant l'insondable perte en cas d'échec.
J'ai adoré ce roman pour ses thématiques réalistes auxquelles il est impossible de ne pas s'identifier. Et j'ai adoré que cette histoire soit narrée à un seul point de vue, celui d'un être en décalage avec le monde. Ce monde, Even ne le comprend qu'au travers de deux prismes: celui des jeux et celui de Daphné, son autre, son ame-soeur. Daphné est à la fois son armure et son point faible. Toute leur relation repose sur un équilibre qu'Even pensait idéal et maîtrisé ; sa prise de conscience qu'il n'en est rien est d'autant plus violente.
N'avoir que les ressentis d'Even rend cette histoire encore plus puissante, car il nous offre Daphné au travers de son propre regard, de ses propres hésitations, de sa propre passion. Et celle qu'il nous décrit, qu'il voit et nous montre, est une femme magnifique.
La manière dont Elodie dépeint Even, sa neuroatypie, ses questionnements et ses doutes, ses errances et ses peurs est d'une justesse délicate. J'ai aimé que la différence d'Even ne soit pas traitée comme un “sujet de société”. Il est lui, il est vrai, il est profond et sincère. Si la manière dont Even vit, ressent, comprend la vie est différente, elle amène à se questionner soi-même sur la façon dont les neurotypiques vivent, ressentent les choses, eux aussi.
Comme toujours, la plume d'Elodie est d'une justesse infaillible. Délicate, pudique, douce par moment, mais toujours incisive et poétique, elle dépeint les émotions et les sentiments à la perfection. Elle nous entraîne avec elle dans les pensées d'Even, nous plonge dans son histoire et nous y immerge.
Ce roman a le goût léger d'un week-end entre amis mais aussi la saveur ambivalente de premier grand amour. Il ne peut pas laisser indifférent. Il m'a embarqué, m'a ému, amusé.
Avec
Kiss Me Maybe, et comme à chaque roman,
Elodie François à touché juste : droit au coeur.