De Sinople démarre pile à la seconde où s'arrêtait son grand frère de Gueules. Comme suite directe, on ne peut pas faire mieux en termes de timing. Ce second épisode des Chroniques de la Lune Noire couvre en équivalent BD la toute fin du tome 3, le tiercé 4, 5, 6 et s'achève sur les premières pages du tome 7, le tout assaisonné de quelques petits emprunts aux Arcanes.
On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait. de Gueules organisait la mise en place du cadre, des factions et de leurs relations, et mettait en scène les rencontre entre Wismerhill et ses joyeux compagnons (Pile-Ou-Face, Feidreiva, Ghorghor Bey, Murata, Goum et Nasha), le tout avec pas mal de potacheries autour. Ici, on grimpe d'un cran dans la tension, avec la montée en puissance de Wis, les premières responsabilités seigneuriales, le choix d'un camp dans le panier de crabes de l'Empire, des pertes – lourdes – à encaisser. La fantasy picaresque s'oriente vers la dark fantasy, on n'est plus là pour rigoler. Enfin, si quand même, encore, parce que les notes d'humour et punchlines rigolardes, une des marques de fabrique de la BD, sont encore de la partie pour alléger l'ambiance.
Comme son prédécesseur, de Sinople respecte l'ADN de la série originelle. Tout y est, sauf le dessin (forcément, dans un roman, c'est pas trop le lieu pour les fantaisies graphiques). À la place des images, le texte offre quelques petites choses creusées davantage ici et là, sur les états d'âme des personnages, leur passé, leurs relations, autant de points laissés un peu de côté dans la BD. Des petits bouts scène en plus (la mégère de Garundel, la filature de Desdémone), d'autres plus développées (le remplacement des fenêtres bousillées tous les deux jours par Wismerhill – un de mes passages préférés dans le roman), des noms pour la kyrielle de personnages secondaires anonymes (maître Frédégon, entre autres), autant de changements minimes mais qui apportent au récit du corps, de la fluidité, des bouffées d'air entre les complots machiavéliques et les bastons titanesques… et qui justifient au passage la novélisation. C'est pas juste on prend les dialogues tels quels, on transforme les images en descriptions, et hop torché. Ici, le changement de format fait sens à travers les différences subtiles entre BD et roman, qui rendent les deux versions complémentaires. Mêmes décors, mêmes personnages, même histoire, même esprit, autre façon de raconter l'épopée.
À l'arrivée, l'adaptation est toujours aussi bonne qu'avec de Gueules, on change juste la couleur. de Sinople, c'est vert. Mais juste.
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