Ce nouveau tome de la série « Ils ont fait
L Histoire », collection de bandes dessinées qui prend la forme de biographies historiques présentant une dimension pédagogique car à destination du grand public, et qui espèrent vraiment que le public scolaire se prêtera au jeu, est consacré à l'incorruptible
Robespierre !
De l'Artois à l'échafaud nous suivons le destin d'un homme dans lequel s'est incarnée la Révolution Française, le tout raconté par sa soeur Marie Marguerite Charlotte à un journaliste de 1830… Nous suivons ainsi l'attente des Etats Généraux, les espoirs suscité par de la monarchie constitutionnelle, la chute du roi qui s'est mis dans la merde tout seul, le Nouvel Espoir suscité par la République et de la Convention, la trahison et le putsch manqué de Dumouriez, l'opposition entre les Girondins libéraux avant l'heure les Montagnard socialistes avant l'heure, puis ce bon vieux game of thrones républicain où la team
Robespierre guide le vaisseau français à travers les vagues indulgentes et enragées sur fond de nation en péril avec une France en guerre contre l'Autriche puis l'Europe toute entière…
Il y a tout un côté politicien qui montre que plus les choses changent et plus elle sont les mêmes (ancrage local, maillage de Paris, conquête de la capitale donc de la France), mais aussi un côté politique avec un homme qui défendit bec et ongles l'abolition de l'esclavage, le droit du sol, l'abolition de la peine de mort et la moralisation de la vie politique devant des nantis médusés en pleine passation de pouvoir entre ploutocrates nobles et ploutocrates bourgeois. Longtemps avocat des faibles et ennemis des préjugés, le personnage a pourtant toujours été clivant, accusé de tout et son contraire et ce dès son vivant où il a été autant qualifié d'Incorruptible que de Père de la Terreur… Et le fait que les Anglo-saxons aient toujours présenté
Robespierre et la Révolution Française comme les prémices de Staline et la Révolution Russe n'a pas arrangé les choses (qu'ils balaient donc devant leur propre porte avec Oliver Cromwell, ses puritains fanatiques et son génocide des Irlandais)… L'idée force de cet album c'est qu'avant d'être un homme politique il a d'abord et avant tout été un homme ! On suit ainsi à travers lui le destin de ses amis, qu'il sacrifie les uns après les autres à ce qu'il pense être le bien commun : Collot, Pétion, Danton, Desmoulins… (sinon on sent bien toute la haine du personnage contre
La Fayette : leur opposition venait un bon film, ou à défaut une bonne pièce de théâtre)
A trop vouloir rassembler il n'a fait que creuser un fossé, car lui-même, ses amis, et ses ennemis sont pétris de culture latin et pensent comme des républicains antiques au lieu de penser en républicains modernes : c'est tout naturellement que comme moult grand personnage de la Rome de l'Antiquité il est accusé d'ambitionner la dictature…On oublie souvent que si sa brouille avec le reste du Comité de Salut Public a scellé sa perte, il s'est rendu de lui-même après avoir sauvé par ses partisans, et que tous les crimes qu'on lui a imputés ont largement continué après sa mort…
A l'image de l'album consacré à Jaurès, qui lui-aussi demandait des connaissances préalables, difficile de s'extraire de l'imagerie républicaine traditionnelle : on se retrouve encore une fois avec un tome riche en phylactères qui font la part belle aux discours d'un tribun politique en bonnes et dues formes… et franchement tous ses débat à l'Assemblée ne permettent pas au talent de
Roberto Meli , assisté de Chiara Zeppegno et du studio Arancia aux couleurs, de s'exprimer pleinement (car par exemple la planche qu'il consacre à la prise des Tuileries pète une classe de ouf). J'attendais beaucoup de ce tome scénarisé par
Mathieu Gabella que j'adore, mais je reste quand même sur ma faim et après le très bon dossier d'
Hervé Leuwers j'irai sans doute faire un tour du côté de la courte bibliographie indiquée en fin de tome.