Ces Mémoires écarlates sont le testament fictif de Mohammed XII , connu sous le nom de Boabdil, del Chico, del Moro, vingt-deuxième émir nasride de Grenade, qui resta pour la postérité le sultan du dernier Etat musulman d'Espagne, le souverain déchu qui remit les clés de la ville aux Rois Catholiques. On prête à sa mère ces paroles restées célèbres, "Llora como una mujer lo que no supiste defender como hombre » et un col au sud de Grenade porte le nom de Soupir du Maure (Suspiro del moro) en souvenir de son désespoir.
Antonio Gala imagine que des Français découvrent en 1931 dans la mosquée de Kairouan un manuscrit « d'un écarlate superbe », un inestimable trésor, les mémoires de l'homme qui donna Grenade à Isabel la Catholique le 02 janvier 1492. Il nous livre un récit poétique de l'Histoire, le parcours d'un des vaincus les plus célèbres d'Espagne, un voyage très plaisant au coeur de la dynastie des Nasrides. Les Mémoires nous font redécouvrir l'histoire de cette lignée, les batailles de l'Axarquía, de Lucena etc, ses liens avec les autres souverains maghrébins, et les nobles espagnols, jusqu'à la chute du royaume de Grenade. A travers les paroles imaginaires de Boabdil, Gala s'interroge sur l'identité andalouse et le legs arabe en Espagne.
« La Sabika est une couronne sur le front de Grenade,
dans laquelle les astres aspirent à s'enchâsser.
L'Alhambra- Dieu la garde jusqu'à la fin-
est un rubis sur le cimier de sa couronne.
Son trône est le Generalife; son miroir, la face des bassins;
ses pendants d'oreille sont la semence du givre. »
Sous la plume d'Antonio Gala, Boabdil est plus que jamais la figure du héros romantique de la Reconquête dans une ville sensuelle comme une femme, qui a la saveur amère du paradis perdu.
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J'ai lu ce roman en espagnol quand il a paru et viens de le relire en français. Malgré des erreurs historiques évidentes (le nombre d'habitants de Grenade à la fin du XVe, les dates de naissance, erreurs pour certains personnages historiques, etc.) et des partis pris romanesques à la limite du grotesque (l'invention des faux Boabdil), ce roman a le mérite de faire connaître au public français une des figures les plus attachantes de l'Espagne musulmane. J'imagine quand même Boabdil beaucoup moins romantique...
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Je n'attends rien de vous: ni un retour, ni une correspondance, ni une revendication: mais vous portez encore du sang nasride, le seul sang nasride non contaminé qu'il y ait sur cette terre. Mes ancêtres ont fait Grenade, et c'est moi qui l'ai défaite; lisez sans hâte ces pages afin que vous sachiez de quelle façon. Mais si vous n'en avez pas le gôut, jetez-les à la mer ou jetez-les au feu: cela n'a pas d'importance, rien ne se perdra.