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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Ecrit dans le feu de l'indignation, l'essai Les veines ouvertes de l'Amérique Latine d'Eduardo Galeano, qu'Hugo Chávez a offert à Obama lors de leur première rencontre, dénonce la spoliation économique et idéologique à laquelle est soumis le continent latino-américain depuis sa découverte jusqu'à aujourd'hui, d'abord au profit de l'Europe sous l'ère coloniale puis au profit des Etats Unis, avec un fil conducteur d'analyse : la colonisation, l'exploitation, la répression, le capitalisme, le marché, la division du travail, les multinationales.
Passionnant, très documenté et facilement lisible, cet essai au souffle puissant est né dans un contexte bien déterminé : alors que l'Amérique Latine tente une première transition économique libérale plus moderne (à des degrés divers selon les pays) en tentant d'évincer les vieilles structures économiques héritées du colonialisme et qui concentrent les richesses entre les mains d'une haute bourgeoisie minoritaire souvent détentrice également du pouvoir politique, un mouvement intellectuel très politisé à gauche oppose, plus ou moins fortement selon les régions, une résistance à cette transition néolibérale. C'est dans cette perspective de gauche et d'opposition à cette transition économique (Galeano est un journaliste militant socialiste depuis les années 60) que l'auteur rédige cet essai supporté par une vague idéologique qui déferle sur les milieux intellectuels latino-américains, d'où son succès. Cependant, son orientation idéologique évidente ne rend pas toutes ses analyses contestables. le pillage en règle des ressources de ce continent qui est une chasse gardée économique et politique des USA est évident.

Eduardo Galeano à la fin de sa vie a entamé un travail critique très courageux de toute son oeuvre et a reconnu que le prisme d'analyse qu'il avait utilisé pour cet essai historique et socio-économique avait perdu en partie de sa validité.
En effet, s'il a soutenu Castro et sa révolution communiste et qu'il a été très proche d'Hugo Chávez, force lui a été de reconnaître que Cuba est sous tente à oxygène et que le Venezuela ne se porte pas mieux. La Chine qui a connu une des colonisations les plus dures qui soient s'en sort beaucoup mieux que l'Amérique Latine avec un capitalisme d'Etat aux mains d'un régime autoritaire.
Le mal développement structurel de l'Amérique Latine est beaucoup plus complexe, tout autant intérieur qu'extérieur : Galeano a fini par le reconnaître, ce continent est autant victime que responsable (et j'accorde volontiers la part du diable au capitalisme globalisateur dans ce jeu de domination/exploitation). L'analyse de ce mal développement latino-américain mérite une approche plus rationnelle et nuancée et moins idéologique, même si cet essai est un acte de courage intellectuel évident et que sa température émotionnelle le rend profondément bouleversant.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Récit des crimes, asservissements et ingérences étrangères en Amérique latine depuis le XVe siècle.
Il peut être comparé au Massacre des Indiens de Lucien Bodard publié trois ans plus tôt et consacré aux populations du Brésil des XIXe et XXe siècles, quoique Galeano présente bien davantage de chiffres, dates et références et fait la part belle à l'économie et à la politique depuis les indépendances jusqu'en 1978. A ce titre, il doit plutôt être considéré comme un livre d'histoire immédiate.

L'auteur montre de façon intéressante – et contre-intuitive – comment l'or et l'argent prélevés en Amérique par l'Espagne ont surtout profité aux autres pays d'Europe et ont abouti, par leur mauvais usage, à la ruine de l'économie espagnole dès la fin du XVIe siècle.

Même chose au Portugal dont l'or du Brésil sert à payer les tissus anglais dès 1703, ce qui détruit ses manufactures naissantes et déplace le centre de la finance européenne d'Amsterdam vers Londres, sans quoi – selon l'auteur – le Royaume-Uni n'aurait pas pu résister à Napoléon.

Faute d'avoir employé leurs ressources pour constituer des industries et des armées, les Etats d'Amérique latine ont ainsi enrichi leurs voisins et leur ont permis d'amorcer un capitalisme à l'origine d'une puissance qui s'est retournée contre eux.
Tels des rentiers richissimes mais inconséquents, ils ne se sont pas donné les moyens de produire et de se protéger, et se sont condamnés à devoir tout acheter et à se laisser piller…

A l'inverse, les colonies nord-américaines, peu pourvues en ressources naturelles – et ayant par ailleurs des productions agricoles proches de celles de l'Europe –, n'ont pas pu s'enrichir en exportant et ont dû faire l'effort de créer précocement leur propre industrie en se préoccupant surtout de leur indépendance. le nord a su faire de sa faiblesse une force alors que le sud a employé sa force pour importer sans créer d'industries, se rendant ainsi dépendant de l'étranger.
C'est la principale raison de l'ingérence des Etats-Unis dans le sous-continent du sud pour mettre la main sur certains minerais absents dans leur sol : or, argent, bauxite, tungstène, étain…
Ces deux processus opposés expliquent aussi l'expansion unitaire des Etats-Unis et le morcellement de l'Amérique latine.

L'économie du sucre – véritable fléau régional – est bien détaillée. C'est le sucre qui fait démarrer le commerce triangulaire et conduit à ce que « les tribus d'Afrique occidentale passaient leur temps à se battre entre elles pour augmenter leurs réserves d'esclaves. »
Les plantations de cannes – comme celles de coton et de café – s'étendent au détriment de la polyculture et provoquent une sous-alimentation.

Le livre évoque certains points peu connus comme l'étonnant « royaume noir de Palmares » (1605-1695) au Brésil, le plus long régime fondé par des esclaves ; ou la réussite économique et sociale exceptionnelle du Paraguay entre 1814 et 1865 mais victime d'un dépeçage par ses voisins.

Il foisonne de faits et de décisions politiques et économiques, ce qui peut donner le tournis et faire perdre de vue les grandes lignes de l'évolution du sous-continent. C'est le réquisitoire virulent d'un journaliste-écrivain très engagé, loin de l'étude froide et structurée d'un universitaire.
L'ouvrage a été censuré en Uruguay et au Chili dès sa première publication en 1971.
Selon Mario Vargas Llosa, Eduardo Galeano « a diffusé une image de l'Amérique latine qui était une caricature, dogmatique, profondément erronée ».
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