Le miroir noir

On dit qu’on revoit toute sa vie en une fraction de seconde quand on sent qu’on est sur le point de mourir. Moi, j’ai vu passer tout mon bref bout de vie avec Charlie quand il s’est écroulé. J’ai senti un étau glacé m’empêcher de respirer, et la peur, une peur atroce, me vider de mon sang en même temps que la vie s’échappait du corps de Charlie. La peur de me retrouver à nouveau seule, alors que j’avais enfin rencontré un homme aux yeux de qui j’existais vraiment. La peur de redevenir invisible, inodore, sans saveur. La peur d’avoir entrevu un paradis dont les portes se refermeraient brutalement en me laissant dehors.

Elle n’aime pas qu’on ne voie en elle que sa beauté physique, elle doit haïr ceux qui lui parlent d’amour alors qu’ils ne veulent que du sexe, ceux qui lui disent qu’elle a des beaux yeux alors qu’ils ne pensent qu’à son corps, ceux qui ne voient en elle qu’une proie de plus après la précédente et avant la suivante. Elle doit savoir que je ne suis pas l’un d’eux, elle sait que je l’aime pour ce qu’elle est et pas pour ce qu’elle paraît, elle le sait mais cela ne suffit pas pour qu’elle veuille bien m’aimer. Elle est dans toutes mes pensées, que je sois éveillé ou en plein rêve.

Les filles ne voyaient pas du tout l’infidélité de la même façon que les garçons. Ce qui en est ressorti, c’est qu’une femme se sent trompée si l’homme avec qui elle fait l’amour pense à une autre. Un homme se sent trompé si la femme qu’il aime fait l’amour avec un autre, qu’elle pense à lui ou pas à ce moment-là. La femme a peur qu’une infidélité émotionnelle se transforme en attirance sexuelle. L’homme a peur qu’une infidélité sexuelle évolue en attirance émotionnelle. Pour la femme, l’infidélité, c’est l’intention. Pour l’homme, c’est le passage à l’acte.

Il faut que je parle d’elle… Elle est… Elle est belle, bien sûr, mais ce n’est
pas ce qui la rend différente de toutes les femmes. Des femmes belles, j’en ai connu d’autres, j’en ai aimé certaines et quelques unes m’ont aimé aussi. Elle, elle ne ressemble à personne d’autre, elle ne me rappelle personne d’autre, elle ne me rappelle qu'elle. Elle est secrète et ouverte en même temps, son sourire est éblouissant mais peut se changer en glace si un mot de trop est dit, sans que rien ne permette de deviner quel a pu être ce mot de trop.

Son sourire me transperçait. Il ne me disait pas ça pour me faire plaisir, il le disait parce qu’il le pensait. En fait, je crois que j’aurais pu avoir un sac de détritus renversé sur la tête, il m’aurait trouvé belle pareil. Il avait son regard vissé sur le mien, il voyait directement au fond de moi et tout ce qui se trouvait entre son âme et la mienne était beau à ses yeux, parce que la vraie beauté, finalement, c’est ça, c’est celle qu’on voit avec son coeur.