Arria Marcella. Souvenir de Pompéi. /
Théophile Gautier (1811-1872)
Alors qu'ils visitent le musée des Studii à Naples en attendant de se rendre à Pompéi, trois amis tombent en arrêt, stupéfiés, devant le moule en lave cendrée d'un corps où l'oeil exercé d'un artiste eût aisément reconnu la coupe d'un sein admirable. Il est indiqué que l'empreinte a été trouvée dans la maison d'Arrius Diomèdes.
Octavien en particulier, lui le romantique, est troublé par les formes d'une existence évanouie et pourtant conservée intacte.
Les trois amis, Octavien, Fabio et Max ne se doutent pas que l'un d'entre eux va vivre « une aventure bizarre et peu croyable, quoique vraie. »
Avec le talent qu'on lui connait quant au style et au choix des mots,
Théophile Gautier très instruit d'art et de culture antique, nous promène durant des pages à travers les vestiges de Pompéi qu'il connait bien (voyage de 1852), à travers les trois amis accompagnés d'un guide.
Lors de la nuit qui suit le temps de la visite, Octavien est pris d'insomnie et part à l'aventure à travers les ruines. Et pour lui, la roue du temps va sortir de son ornière, « et son désir vainqueur choisit sa place parmi les siècles écoulés ! Il se trouve face à face avec sa chimère , une des plus insaisissables , une chimère rétrospective . »
Il rencontre alors une belle pompéienne : elle se présente à lui : « Je suis Tyché Novoleja , commise aux plaisirs d'
Arria Marcella , fille d'Arrius Diomèdes. »
Et Octavien parvenu chez la maîtresse de Tyché « ne voyait plus que l'oeil noir et profond d'
Arria Marcella et cette gorge superbe victorieuse des siècles que la destruction même a voulu conserver…Au fond de la salle sur un biclinium ou lit à deux places, était accoudée
Arria Marcella dans une pose voluptueuse et sereine… Elle était brune et pâle ; ses cheveux ondés et crêpelés, noirs comme ceux de la Nuit, se relevaient légèrement vers les tempes à la mode grecque, et dans son visage d'un ton mat brillaient des yeux sombres et doux, chargés d'une indéfinissable expression de tristesse voluptueuse et d'ennui passionné ; sa bouche, dédaigneusement arquée à ses coins, protestait par l'ardeur vivace de sa pourpre enflammée contre la blancheur tranquille du masque ; son col présentait ces belles lignes pures qu'on ne retrouve à présent que dans les statues. Ses bras étaient nus jusqu'à l'épaule, et de la pointe de ses seins orgueilleux, soulevant sa tunique d'un rose mauve, partaient deux plis qu'on aurait pu croire fouillés dans le marbre par Phidias ou Cléomène. En regardant cette tête si calme et si passionnée, si froide et si ardente, si morte et si vivace, il comprit qu'il avait devant lui son premier et son dernier amour, sa coupe d'ivresse suprême. »
« Elle fit signe à Octavien de s'étendre à côté d'elle sur le biclinium et de prendre part au repas… » Et Arria de s'exprimer ainsi : « Lorsque tu t'es arrêté aux Studii à contempler le morceau de boue durcie qui conserve ma forme, dit
Arria Marcella en tournant son long regard humide vers Octavien, et que ta pensée s'est élancée ardemment vers moi, mon âme l'a senti dans ce monde où je flotte invisible pour les yeux grossiers ; la croyance fait le dieu, et l'amour fait la femme. On n'est véritablement morte que quand on n'est plus aimée ; ton désir m'a rendu la vie, la puissante évocation de ton coeur a supprimé les distances qui nous séparaient . »
Octavien venait de vivre un jour sous le règne de Titus et de se faire aimer d'
Arria Marcella , fille d'Arrius Diomèdes , couchée en ce moment près de lui sur un lit antique dans une ville détruite pour tout le monde .
le réveil d'Octavien lui laisse un goût amer : il raconte à ses amis qu'il a eu la fantaisie de vouloir voir Pompéi au clair de lune et qu'il a été pris d'une syncope.
La plume sublime et poétique de
Théophile Gautier nous offre un très culturelle visite des vestiges de Pompéi et la belle histoire d'
Arria Marcella. Magnifique !
J'ai eu la chance de visiter Pompéi il y a bien longtemps. C'était en juillet 1963 et il n'y avait personne . J'ai rêvé comme Octavien à cette époque reculée, mais je n'ai pas vu
Arria Marcella...