— Écoutez Monsieur, je ne suis pas ici pour perdre mon temps avec des fous. Vous vous imaginez que les banques prêtent comme cela n’importe quoi à n’importe qui !
— Pourtant, votre publicité…
— Notre publicité ? L’homme en noir mesura toute l’énormité de ce que venait de dire son quémandeur. Elle était bien bonne ! Comme s’il pouvait exister des naïfs au point de croire à la publicité des banques. Il partit d’un fou rire inextinguible.
Il prenait un risque énorme. Rien ne disait qu’elle allait tenir sa promesse. Au contraire, une fois dans la rue, elle irait peut-être le dénoncer à la police. Mais quelque chose en cette femme lui donnait confiance. Elle faisait partie d’un certain milieu, et il avait lu dans une abondante littérature policière que les gens du milieu tenaient parole.
En dégustant sa bière, il pensa à ses collègues masculins du lycée. Tous très sympathiques, d’une mentalité très semblable à la sienne, sortis d’ailleurs pour la plupart de la même université.
Il était membre du syndicat, où il était bien noté pour ses activités nombreuses et son dévouement infatigable à la « cause ». Il était de gauche, d’extrême gauche même, et ne s’en cachait pas. Il estimait que tous les maux de l’humanité seraient résolus le jour où tous les gens auraient le même idéal que lui et mettraient en pratique un marxisme bien compris.
Toutes les structures de notre civilisation sont en train de s’effondrer. C’est la décadence. La question que je me pose c’est de savoir si c’est un suicide collectif, ou si des mouvements subversifs de gauche ne sont pas occupés à saper nos bases.
Les partis politiques sont au bout du rouleau. Ils ne représentent plus rien. Les gens sont écœurés des compromissions, des faiblesses, des lâchetés, des scandales, de la concussion et de la bêtise. Ils attendent un chef qui nettoie tout ça.