De verovering van de vrijheid

+++++ LA CONQUÊTE DE LA LIBERTÉ +++++

Alicja Gescinska, née à Varsovie en 1981, vivait avec ses parents et 2 soeurs dans un minuscule appartement (4 × 4 mètres) dans la capitale polonaise, où règnaient les communistes de main ferme. Elle sait donc ce que le manque de liberté signifie dans la vie quotidienne. Après "l'exode" de sa famille de la Pologne vers la Belgique et l'obtention d'un doctorat en philosophie avec grande distinction à l'université de Gand, elle a écrit cet ouvrage qui est à la fois autobiographique et philosophique.

Malgré son jeune âge, à peine 37 ans, elle passe déjà maintenant comme une des philosophes les plus influents aux Pays-Bas et en Flandre. Une Hannah Arendt en puissance, dont de plus en plus de mes compatriotes sont fiers, moi y compris bien sûr ! Avec "Een soort van liefde" - 'Une sorte d'amour' - paru en 2016, elle a raflé le Prix du meilleur début littéraire de l'année, il y a 2 ans, ce qui m'a impressionné. Avec son "La conquête de la liberté", sorti en 2011 avec une postface de 14 pages par l'auteure au moment de la 4ème réédition en mars 2017. elle est montée encore d'un solide cran dans mon estime. Je suis d'ores et déjà très curieux de lire son oeuvre sur le Pape Jean-Paul II, annoncé pour le dernier jour de 2018 et auquel elle bosse dur, si elle ne passe pas à la télé avec son programme culturel "Wanderlust", un terme allemand qui désigne l'esprit d'aventures et de voyages.

Dans une aimable lettre, Alicja Gescinska m'a informé que le mois prochain paraîtra d'elle un essai philosophique sur le rôle et la place de la musique dans la société contemporaine et dans notre vie personnelle. Elle est remontée jusqu'à Platon pour répondre à des questions fondamentales, telles : est-ce que la musique rend l'homme et la société meilleure ou n'est-ce qu'une source de simple divertissement ? Elle y aborde également l'importance de la musique dans notre éducation.

Sûrement que l'auteure raffole aussi de l'unique Georges Brassens et que son ouvrage a aussi quelque part - peut-être même inconsciemment - été inspiré par sa ballade : "Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son coeur...
Car pour Alicja Gescinska, la liberté n'est pas un cadeau gratuit, une espèce de manne céleste, au contraire il s'agit de la conquérir ! "Être Libre n'est pas évident.. .demande plus d'efforts et de peine...il faudra sortir les mains de ses poches" (page13).

En fin de volume, après une bibliographie de 5 pages, suivent 3 pages de notes, d'où il ressort que l'auteure ne s'est pas limitée à des ouvrages polonais, allemands et anglais - elle a effectué une année à la prestigieuse université de Princeton au New Jersey - mais a également consulté de nombreux Français : de Diderot en passant par Voltaire, Vladimir Jankélévitch, Gustave Flaubert, Sartre à Émile Tardieu, avec manifestement un faible pour le grand Nobel Albert Camus et une profonde sympathie pour l'inégalable "Le Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry.

Dans une préface, Alicja Gescinska nous relate ses souvenirs de la grande expédition vers la lointaine Belgique lorsqu'elle avait 7 ans, en 1988.
Comme ses soeurs, elle avait plein d'espoirs dans l'opulence de l'Occident : les belles poupées, les beaux habits, les friandises et ...les kiwis néo-zélandais, introuvables dans la Pologne du général Jaruzelski. le voyage d'une semaine à bord d'une Wartburg 353 avec un contrôle rigoureux à la frontière entre les 2 Allemagnes de l'époque et le transfert vers un centre d'asile furent une grande désillusion pour notre petite Alicja. Son père, Krzysztof, un ingénieur à Varsovie, tomba peu après leur arrivée à Bruxelles d'un échafaudage en cherchant du travail et se cassa les 2 jambes. le pauvre homme est décédé d'un cancer en 2010, à peine âgé de 60 ans. J'apprécie le geste de l'auteure d'avoir dédié l'ouvrage à sa mémoire.

Dans son roman précédent, l'auteure m'avait ravi avec son analyse percutante et réfléchie des différentes formes que l'amour peut revêtir, notamment celui difficile entre père et fille et l'amour inattendu entre un professeur d'un certain âge et sa jeune étudiante. Dirk de Wachter, psychiatre et professeur à l'université de Louvain, auteur réputé de "Borderline Times", lui a fait un superbe compliment en déclarant : "Gescinska envahit nos belles-lettres avec un miracle littéraire".

J'ai un diplôme de philosophe thomiste de l'université de Louvain, mais n'ayant pas lu beaucoup d'ouvrages philosophiques et luttant contre une mémoire qui flanche, mes connaissances en philosophie disparaissent au néant comparées à celles d'Alicja Gescinska. Pourtant, elle n'en fait pas un bête étalage, comme certains que je préfère ne pas mentionner ici. Non, on sent clairement que l'auteure, en cherchant sa propre voie et réponses personnelles, s'est énormément documentée. C'est du "vécu", pas des "paroles, paroles, paroles" comme l'aurait chanté la regrettée Dalida.

Après m'être copieusement irrité sur Trump et Poutine en lisant l'ouvrage cependant révélateur de Craig Unger, je dois dire que ce beau livre d'Alicja Gescinka m'a réconforté sur cette " pauvre espèce humaine" - comme disait Baudelaire : il y a encore de l'intelligence et des beaux sentiments sur notre planète !