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Ce livre rassemble une série d’entretiens de René Girard avec deux psychiatres. Cette forme de conversation rend la lecture plutôt agréable, et elle permet de prendre connaissance de l’ensemble de la théorie de René Girard, telle qu’il a pu la développer jusqu’en 1978.
La théorie est la suivante : Tout le monde admet que l’imitation est primordiale dans le développement de l’homme (et d’autres animaux d’ailleurs), c’est d’abord en imitant que l’homme apprend (le babillage n’est que l’imitation du langage structuré). Jusqu’ici tout va bien. Mais pour René Girard, il y a dans ce système d’imitation, la mimésis, une imitation particulière qui commence à poser problème parce qu’elle est source de conflit, c’est la mimésis d’appropriation. Pour bien comprendre le problème, il faut imaginer le phénomène très simple d’un individu tendant le bras vers un objet et d’un autre individu imitant son geste vers le même objet. C’est là que le conflit intervient, pour l’appropriation de cet objet, et ce simple phénomène peut engendrer une série de conséquences dramatiques dans une communauté. Cette théorie, se voulant une théorie de la religion et de la culture, comporte une deuxième phase que René Girard nomme la mimésis d’antagonisme, où le conflit s’exacerbe alors que l’objet à la source du conflit est oublié.
Dans la première partie du livre, en s’inscrivant dans une perspective anthropologique et ethnologique (tout en se distinguant du structuralisme de Lévi-Strauss), René Girard soumet l’hypothèse que la religion, et tout d’abord les rites primitifs, trouvent leur source dans ce conflit et sa résolution. La résolution d’un tel conflit, aux antagonismes violents mais sans plus d’objet, devenu en quelque sorte incompréhensible et impossible à résoudre, passe par le sacrifice d’une victime émissaire. On désigne arbitrairement un coupable à cette crise et on le sacrifie, ainsi toute la violence des antagonistes se reporte et s’assouvie sur la victime émissaire et la paix est rétablie au sein de la communauté. Cette victime, en même temps accusée d’être la cause de la crise et de l’avoir résolue par son sacrifice, est ensuite divinisée dans les rites, qui seraient des mises en scène pour reproduire l’ensemble de la crise mimétique, sorte de ressouvenir et de conjuration. Ainsi, toutes les religions et même toute la culture humaine auraient pour fondement la violence.
Mais le christianisme aurait une particularité. Et c’est ce qu’essaye de démontrer René Girard à travers son interprétation des textes bibliques dans la deuxième partie. Pour résumer grossièrement, René Girard propose de ne pas voir la passion du christ comme un sacrifice mais comme la monstration du mécanisme décrit plus haut. C’est la grande révélation : toutes les religions, toute la culture humaine, est un déni de la violence des hommes, de sa propre violence, et le christ montre la seule voie qui permet d’échapper à ce mécanisme, la non-violence.
Dans la troisième et dernière partie, René Girard revient rapidement sur la mimésis d’appropriation pour souligner l’importance que joue le désir. Il est donc plus précisément question de psychologie individuelle et Girard laisse davantage la parole à ses deux interlocuteurs (particulièrement Jean-Michel Oughourlian), qui expliquent l’importance que pourrait revêtir une telle théorie dans le cadre de la psychiatrie. Tout cela aboutissant sur une remise en cause de l’Œdipe freudien.
Difficile de critiquer un texte qui passe beaucoup de temps à répondre aux critiques et mêmes aux éventuelles critiques. Difficile, aussi, d’être relativiste face à la pensée de René Girard, quand lui-même prend pour cible le relativisme moderne. Mais tant pis, je le trouve intéressant et abusif, rigide et riche de réflexions, et finalement je ne le trouve pas plus convaincant que Freud. Tout ça me parait un peu forcé.
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René Girard, récemment disparu, a créé une doctrine philosophique originale fondée sur l'observation dans les textes littéraires, du désir mimétique : l'objet qu'un homme désire sera désiré par un autre, non pour ses qualités, mais parce qu'il est désiré par un autre. La concurrence ainsi générée produit à la fin une extrême violence qui se résout en l'assassinat rituel d'un bouc émissaire qui porte sur lui les péchés de la collectivité. A partir de là, Girard élabore non seulement une théorie de la société, mais aussi une théologie et une apologétique, puisque pour lui, cette logique infernale du désir et du meurtre est dévoilée par la crucifixion du Christ, qui désamorce à jamais cet enchaînement. On lira avec intérêt l'ouvrage qui expose ces vues, mais il est recommandé de s'abstenir de lire certains autres, où l'auteur s'efforce de retrouver dans les textes anciens (comme le livre de Job) des traces et des preuves de sa théorie : il force et sollicite les textes, et n'est plus du tout convainquant. Sa première étude de documents littéraires (Mensonge romantique et vérité romanesque) sera plus intéressante.
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« Qu'est-ce que l'Homme ? », avec un grand H comme on dit, ou plus exactement, « qu'est-ce que l'humain ? » (pourquoi bon sang la langue française n'a-t-elle pas été capable de garder la distinction du latin entre homo, l'humain, et vir, le mâle ou du grec entre anthropos et andros ?). « Depuis que l'homme se penche sur l'essence de la nature humaine, il s'affronte à son semblable. Qu'est-ce que l'homme ? Un animal politique, rationnel, social ? C'est au choix. La question divise les esprits depuis l'aube des religions et de la philosophie. » La lecture Des choses cachées depuis la fondation du monde, avec lequel j'ai découvert René Girard par hasard, il y a plus de trente d'année, lors de vacances en Lozère, a été pour moi, au sens propre, une révélation, en contre point du livre d'Edgar Morin, le paradigme perdu, la nature humaine. A travers ce long dialogue à trois, avec Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort, sur le processus d'hominisation, sur les mythes, sur l'anthropologie, sur l'histoire des religions, la psychologie, la psychanalyse, la sexualité, la littérature, René Girard poursuit, sa recherche du paradigme perdu. Depuis cette découverte, il n'a cessé d'alimenter ma réflexion sur l'homme, sur l'humanité, même si bien sûr il n'est pas le seul, une conception sous-jacente et nécessaire à toute philosophie de l'action.

Voir le texte complet sur mon blogue
http://www.daniel-lenoir.fr/dix-livres-qui-ont-nourri-ma-pensee-de-laction-5-des-choses-cachees-depuis-la-fondation-du-monde-ou-par-dela-la-violence-et-le-sacre-de-lhominisation-a-lhumanisation/

Lien : http://www.daniel-lenoir.fr/..
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Le genre d'essai qui vous met une véritable claque, pour peu que l'on accepte de faire table rase d'un certain nombre de nos préjugés et que l'on ai l'esprit assez alerte pour saisir au vol la puissance de la pensée de René Girard.


Je ne ferai pas ici un commentaire ou une analyse de sa théorie, car le format de la critique ne s'y prête pas. Je ne ferai qu'en donner les grands axes, à savoir que le désir, le mimétisme et les rivalités qui dérivent d'un acte violent "originel" sont la base même de la culture de notre société. S'ensuit ensuite une "étude de cas" déroutante puisqu'elle s'articule autour de la lecture judéo-chrétienne, thème trop peu souvent utilisé et rejeté d'emblée par toutes les bonnes âmes pétries de bonnes intentions, à défaut d'esprit critique.


La dernière partie de l'essai s'oriente sur un aspect plus purement psychanalytique, faisant ainsi perdre de sa substance à l'ouvrage pour le lecteur ou la lectrice non initié-e. Néanmoins, ce n'est pas suffisant pour occulter toute la puissance de la logique de René Girard. Une théorie qui vaut son pesant de cacahouètes et vous fera reconsidérer ou voir sous un autre angle un certain nombre de choses...
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L'homme est une espèce imitative. Il n'acquière rien sinon par l'imitation. Et son désir n'est pas autonome. Il a besoin d'un médiateur pour lui designer l'objet a désirer. Et ce qu'il désir n'est pas l'objet mais être l'être qui possède cet objet.
Pour comprendre l'hypothèse de René Girard, il suffit, au contraire des sectes imbéciles freudiennes ou autres, de mettre son histoire de vie à son épreuve.

Et pour ce qui est du concept de bouc-émissaire, chacun en occident est en mesure de le reconnaître et de le défendre.

Les mandarins satisfaits de l'université française n'aimèrent jamais René Girard. Ils se pâmèrent pour Lacan, Foucault ou d'autres imposteurs, comme aujourd'hui ils se pâment pour l'indigénisme ou la théorie du genre. Nier le monde c'est rigolo, sauf quand ce sont mes impôts qui payent.
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l'écriture judéo-chrétienne, la psychologie, le roman relus au travers de la théorie du mimétisme prennent une nouvelle dimension, et se mettent à parler de la victime émissaire. Sa lecture est indispensable pour négocier le virage en train de s'accomplir dans les sciences humaines, le monde n'est plus pareil après lui !
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Un livre inégal mais dans lequel l'auteur reconnaît certaines erreurs de son raisonnement. Où se glissent des démonstrations confuses de mon point de vue. La thèse du livre rejoint le point de vue de Marcel Gauchet "Le christianisme comme religion de la fin des religions" avec une clé de compréhension de la révélation judéo-chrétienne qui trouvera selon moi une démonstration plus convaincante dans son livre "le bouc émissaire".
Le fil conducteur est que la mise à mort de Jésus est un retournement des mensonges des mythes où le sacrifié est toujours décrit comme coupable de transgression. Avec Jésus crucifié, nous les humains ne pouvons plus nous mentir, nos boucs émissaires sont pas plus coupables que chacun de nous. Ce qui est inquiétant pour notre actualité est que le sacrificiel archaïque ne fonctionne plus, nous n'avons plus de bouc émissaire universel indispensable pour pacifier un monde globalisé... pas sür que l'économisme soit une antidote non plus !
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Le Livre de Poche - 2015 (première édition 1978)

Argumentaire assez difficile d'accès (pour moi) visant à considérer que l'humanité est passée de la violence quasi inéluctable attachée aux grands mythes fondateurs dans lesquels la faute du mal-être de la communauté était reportée sur un bouc émissaire chargé de toutes les causes de ce mal-être et qu'il suffisait donc d'éliminer pour repousser le mal. Il s'ensuivit une divinisation de la victime ainsi lynchée, car par son sacrifice, elle avait libéré le groupe auquel elle appartenait (mais qui l'avait quand même accusée puis tuée). "La seule chose qui manque à l'animal pour devenir humain, c'est la victime émissaire".

Dans son analyse assez convaincante de l'originalité du message judéo-chrétien, rené Girard souligne le changement complet de perspective (par rapport aux mythes des autres sociétés humaines) qui consiste à se ranger du côté de la victime, à proclamer l'innocence de cette dernière et, par voie de conséquence, la culpabilité de ses meurtriers. Il souligne les errements auxquels a conduit pendant vingt siècles une lecture "sacrificielle" des Évangiles : ce serait le Père qui aurait "exigé" le sacrifice de son Fils... Selon René Girard, il n'y a rien dans les Évangiles qui autorise le postulat auquel aboutit l'Épître aux Hébreux. Ce postulat (selon lequel le Père aurait demandé non seulement une nouvelle victime, mais la plus précieuse : son fils lui-même) "a plus fait que tout autre chose pour discréditer le christianisme aux yeux des hommes de bonne volonté dans le monde moderne".
Dans un passage particulièrement bien argumenté, René Girard commente le jugement de Salomon et établit un parallèle frappant entre la conduite du Christ et celle de la bonne prostituée "celle qui était non seulement prête à abandonner à jamais son enfant à son ennemie, mais aussi à mourir pour le sauver lui-même de la mort".
Cet essai fait appel à l'anthropologie et à la psychologie. Freud et Levi-Strauss y sont désignés comme étant passés à côté de "choses cachées depuis la fondation du monde" et qui, pourtant, selon René Girard, "crèvent les yeux". Personnellement, je sors de cette lecture non pas aveuglé, mais troublé et quelque peu réconforté.

PS- Je n'ai lu que les deux premiers livres sur les trois dont l'ouvrage est constitué : j'ai décroché devant la "psychologie interdividuelle".
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René Girard démonte le mécanisme de la violence inhérente à nos sociétés et les bases de leur organisation et du pouvoir politique. Tout s'explique aisément si l'on prend conscience du mimétisme de nos désirs générateurs de conflits. La démonstration est brillante, l'argumentation documentée. Mais tout le monde ne suivra pas le philosophe dans son ultime conclusion : la réponse et la solution à notre agressivité sont révélées par la Bible.
L'ouvrage n'est pas difficile à lire
Lien : https://www.amazon.fr/choses..
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Penseur immense qui a joué un rôle important dans ma construction intellectuelle, René , théoricien du bouc émissaire déploie ici sa réflexion dans l analyse de la religion catholique....c est touffu, parfois aride, complexe et passionnant...Je rappelle ici que Girard est une sorte de contraire intellectuel de Freud concernant la théorie du désir...Freud ayant lui même joué un rôle important dans ma construction intellectuelle 😅
Je ne triche pas et j écris sur mes souvenirs de lecture : il parle ici de la théorie du modèle obstacle et du désir mimétique qui du reste est le fil rouge de son oeuvre...Le désir se crée d emblée comme désir inassouvissable dans le mirage de l autre comme modèle....ah ça y est je ne comprends plus ce que je viens de dire😆
La pensée de Girard est tellement englobante qu'elle est un peu totalitaire.
Freud lui, même s'il trichera souvent dans part d un modèle rigoureux concret, biologique du désir, on lui reprochera le solipsisme
Bref, Girard est à découvrir pour qui ne le connaît pas encore et est curieux des mécanisme qui régissent le comportement humain. Simplement lire lentement...et relire si besoin!
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