Formé par
Kertesz, Levi ou Merle... j'ai abordé ce roman sans a priori. Avant d'aborder le fond, un mot de la forme. le style déroutant de
Valentine Goby a mis longtemps à faire son chemin en moi. Et jusqu'au bout, le style et moi, nous nous sommes livrés à une âpre lutte. L'autrice ne rechigne pas, doux euphémisme, à la surenchère. Accumulations, juxtapositions, redites, tout est "bon" pour créer une atmosphère qui amène rapidement le coeur au bord des lèvres.
Valentine Goby ne passe aucun détail. N'élude aucune question. Elle ne fait pas dans la dentelle. La question est alors omniprésente chez le lecteur... est-ce nécessaire? Chacun et chacune apportera la réponse qui lui convient.
Je citais Levi,
Kertesz... ils ont eu l'avantage (si je puis dire) de parler d'eux, de produire un récit de première main, de nous asséner du vécu.
Valentine Goby puise dans les témoignages (dont on ne peut douter un instant de la véracité) le matériel de son roman, puissant et dérangeant. Cela sonne vrai, parce que l'autrice apporte un soin tout particulier au récit. le style ne me parle pas beaucoup. Les phrases interminables. Les ajouts. Les accumulations de verbes, de prépositions, de subordonnées... cela ne touche pas. Cela me rebute, même, à la longue. Mais je respecte le choix de l'autrice.
Par contre, le sujet me touche. Un an à Ravensbrück. du printemps 44 à la fin de l'hiver 45.
Valentine Goby a trempé sa plume dans la fange, dans l'excrément le plus puant du nazisme. Elle nous raconte, sans fards, le vécu, le "survécu" dirais-je, des femmes dans un camp de concentration pour femmes déguisé en camp de travail. Vexations, brimades, meurtres, mensonges, tortures... tout cela et plus encore sont au programme. Rien de neuf, mais une façon de l'exprimer qui rend parfaitement bien la vie dans le camp. On retrouve, comme chez Levi ou
Kertesz, le fait que pour vivre, il faut regarder son voisin mourir.
Valentine Goby montre aussi très nettement l'évolution de l'atmosphère du camp à mesure que les nazis sentent la guerre perdue. le "chaos organisé" prend l'eau, mais beaucoup de prisonnières vont aussi perdre le fil, ce fil ténu qui les rattache à la vie, et se laisser aller.
Enfin,
Valentine Goby, à travers la maternité de son personnage principal, ajoute une dimension aux auteurs précités. Dimension fondamentale ou pas, chacun et chacune jugera. Ces échanges qui s'opèrent dans la
Kinderzimmer à mesure que les mères et les bébés meurent... c'est un rouage intéressant et (à mon avis) fort bien développé.
Valentine Goby retrouve vers la fin du roman un peu plus de sobriété dans le style (ou alors je m'étais franchement habitué à son style). Et cela cadre bien avec le dénouement.
Mention toute particulière pour le dernier chapitre, celui de la révélation, de la libération de la parole entre une mère et un enfant... Beaucoup de familles ont un passé trouble ou caché en rapport avec la seconde guerre mondiale. Je sais d'expérience qu'il n'est jamais évident de faire parler ses aînés de ces événements qu'ils souhaitent plus que tout oublier.
Valentine Goby montre une mère qui s'ouvre à son fils. Ce ne fut pas le cas pour tout le monde. Il y a pas mal de choses à dire sur la manière dont la mère "balance" tout à son fils lorsqu'il atteint sa majorité. Cela pourrait faire un très bon roman aussi.