L'affaire Roukia ou les ombres de Mayotte

Qu'elle est loin l'image de l'île paradisiaque que nous avons tous pu nous faire pendant des années de Mayotte!

Comment, une histoire de disparition puis du meurtre de Roukia Soundi, une jeune Comorienne de 18 ans va être à l'origine d'une enquête sans précédent, une investigation qui va monter les rouages et les travers des institutions françaises que l'on pensait jusqu'alors irréprochables...

Nicolas Goinard, par un important travail de recherche revient sur cette affaire commençant en 2011 et qui va avoir de nombreuses répercussions sur cette région située en plein Océan Indien. Ouvrage très intéressant, il met en exergue les difficultés et les réalités rencontrées au niveau local et les ravages causés par la drogue.

Deuxième ouvrage de la collection "Intime conviction",Nicolas Goinard reste dans la continuité de la ligne éditoriale débutée il y a quelques mois avec la parution de "L'affaire Rambla ou le fantôme de Ranucci" d'Agnès Grossmann. Deux affaires médiatisées et passionnantes qui ont chacune eu à leur manière un impact important sur les institutions judiciaires.

Je tiens à remercier les Éditions des Presses de la Cité pour m'avoir offert la possibilité de découvrir les ouvrages de leur collection "Intime conviction" d'abord par le biais du Grand Prix des Lectrices Elle puis ensuite grâce à Netgalley France. J'ai beaucoup apprécié découvrir le travail de recherche de Nicolas Goinard qui offre un autre éclairage sur l'affaire Roukia et ceci de manière très abordable pour l'ensemble des lecteurs intéressés par le sujet...

Ce livre est un documentaire, et je dois dire que je ressors effarée de sa lecture. L'affaire Roukia, quelle est-elle ? Roukia est une tout jeune femme de 18 ans, et pourtant, elle a eu son lot d'épreuve. Mise à la porte à quinze ans par sa mère, cette lycéenne se prostituait occasionnellement. Elle se droguait aussi. Elle est morte d'une surdose de drogue. Son petit ami, bien plus âgé qu'elle, en consommait également. Il cherchera à faire disparaître le corps. S'il y était parvenu, il n'y aurait pas eu d'affaire Roukia. le pire pour moi ? L'affaire a beau porter son nom, Roukia est la grande oubliée.
Le juge d'un côté, la police de l'autre, et au milieu, l'économie parallèle liée au commerce de la drogue. Pour y mettre fin, le groupe d'intervention régional utilise des indics. Ils oublient parfois de respecter la procédure parce que... je n'ai pas vraiment d'explication. Parce qu'ils sont entrés dans une certaine routine ? Peut-être. Cela aurait pu n'avoir aucune conséquence. Cela en a eu, parce que des doutes ont plané, et parce que l'on n'a pu trouver d'explications à la mort d'une toute jeune femme de dix-huit ans.
J'ai eu l'impression que cette enquête a été une suite de ratés, de procédures non respectées, comme si, loin de la France métropolitaine, l'on pouvait se passer des règles. Ou plutôt, comme si on n'avait pas les moyens - humains, financiers - de les suivre. Tout manque, tout. Médecin légiste ? Absents. Juge ? Débordés. Les dossiers traînent. Je me suis demandé aussi pourquoi ces gendarmes, ces policiers, ces juges avaient choisi de partir pour Mayotte, comment certains pouvaient supporter l'éloignement avec leurs proches, qui n'ont pas pu ou voulu venir. Comme si la guerre entre les différents services était plus importante que la Justice. Je ne parle même pas des hommes et des femmes, qui semblent passer véritablement au second plan.
Déprimant ? Oui. J'ai parlé de l'affaire, et je me rends compte que je n'ai pas véritablement parlé du livre, soigné, précis, sourcé. Il en est d'autant plus angoissant.

La tragédie de la petite Roukia n'a pas vraiment d'intérêt en elle-même. Cette mort est bien sûr tragique mais est la conséquence d'un simple accident. le coupable est connu et a avoué les faits. Par contre, la gestion catastrophique du drame va entrainer des dommages collatéraux importants et rendre cette enquête extraordinaire.

De manière journalistique et grâce à un gros travail de fond, Nicolas Goinard décortique les évènements presque chronologiquement. On découvre les intervenants, leurs rôles et toutes leurs décisions, tout au long de la procédure qui a duré des années. Alors que le crime ne semblait concerner que des individus quelconques suite à une prise d'héroïne, il entraîne des gendarmes et des policiers dans une suspicion de trafic de drogue. A l'origine, un juge bouillonnant et plutôt obstiné a décidé de mettre un coup de pied dans la fourmilière.

La justice repose sur des arbitrages d'hommes et est donc dépendante de leur neutralité. Avec ce condensé de l'instruction, on prend conscience de la fragilité du système. Il a suffi qu'un des acteurs fasse du zèle pour que les répercussions prennent une ampleur désastreuse. Toute la mécanique a déraillé. Dans un pays laissé petit à petit l'abandon par la France, qui connaît une vague de délinquance grandissante, la crédibilité des différents acteurs judiciaires ne gagne pas des points dans l'opinion publique. Toute cette comédie devient donc une étincelle capable de mettre le feu aux poudres.

Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire criminelle. Cette nouvelle collection « Avez-vous une intime conviction ? » me permet à chaque fois de découvrir des affaires qui ont marqué la justice de notre pays. Après m'être régalé avec le premier volume sur l'affaire Ranucci, je suis maintenant convaincu par cette idée éditoriale. Je serai à l'affût des prochains épisodes parce que la vraie vie est souvent plus tordue et surprenante que la fiction.
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Entre true crime et chronique judiciaire, j'ai été totalement conquise par ce livre qui m'a fait découvrir un département français que je ne connais que très peu : Mayotte. En un texte pas si long que ca, 200 pages environ, l'auteur nous présente plusieurs enjeux sur l'île à la partir de la découverte du corps de Roukia, jeune femme de 18 ans, qui se prostituait occasionnellement. Morte le 12 janvier 2011, son corps est retrouvé 3 jours après. A partir de là, la situation géographique et climatologique de l'île viennent compliquer l'enquête. le médecine légiste ne viendra qu'une dizaine de jours après et au vu du climat chaud et humide sur l'île le corps était déjà compliqué à conserver intact.
Le coupable est vite trouvé mais son histoire fait remonter la trace de la drogue aux largesses que la gendarmerie accorde à ses indics. Des indics qu'ils recrutent contre des titres de séjour. le juge à qui l'affaire sera attribuée est bien décidé à faire tomber les têtes et à poursuivre les coupables, à trouver les “tontons”. Il se sert des médias pour cela et pour rallier la population à son travail. L'intégrité du juge sera remise elle aussi en cause.
L'auteur donne de la dimension à l'enquête en reliant tout le système des gendarmes à d'autres affaires et en présentant l'île.
C'est regard sans jugement, c'est très factuel et cela permet une découverte de plusieurs enjeux : lutte contre l'immigration clandestine particulière du fait de l'emplacement de l'île, la pauvreté, la prostitution un peu banale des jeunes filles, la lutte contre la drogue, les méthodes qui peuvent être acceptées pour cette lutte, l'intégrité des gendarmes, les difficultés à recruter des magistrats sur l'île, à faire venir des experts et bien d'autres.
C'est très dense, organisé et accessible du point de vue du cadre judiciaire.
La lecture est fluide et très intéressante.
Une très belle lecture avec cette collection “Avez-vous une intime conviction? “ que je vais suivre de très près.

Je suis à mon grand regret passée à côté de ce récit pourtant basé sur des faits réels. La plume, certes (trop ?) méthodique, de Nicolas Goinard n'est pas parvenue à m'emballer en retraçant les faits de cette affaire au combien importante à Mayotte. À moins que je ne sois moi même ressortie frustrée de la lenteur des procédés.