Dans ce monde, qui n’en est qu’un parmi tant d’autres, livré au hasard, qu’aucun dieu n’a façonné, qu’aucune finalité ne cohère, il n’y a que du vide traversé d’atomes errants. A ce tableau désolé, tout ce qu’on ajouterait ne serait que fantôme d’une vaine imagination.
De ne pas avoir l’intellection de la justice mais de n’en être pas moins en mesure, grâce au soutien du discours, de distinguer l’injustice, telle est notre condition et tel est, entre le vide de l’opinion sentencieuse et la complétude d’une science ineffable, l’entre-deux socratique, l’entre-deux de la moralité.
Vous ne bénéficiez pas du pouvoir de vous changer à votre guise mais vous avez, inné celui de penser, de développer votre pensée, de substituer à des idées encore inadéquates des idées adéquates. En ce cas vos passions, qui n’étaient que des idées tronquées, sans combat, s’évanouissent, comme les ténèbres disparaissent à l’éclat du jour.
L’ironie socratique, adoptant les thèses de l’adversaire afin que leur propre développement les démente, repose sur la certitude qu’on ne bafoue pas impunément le langage et qu’il se venge tôt ou tard de ceux qui lui font proférer n’importe quoi.
Le « contente-toi de peu » épicurien est interprété de travers si on y efface l’idée d’un contentement et qu’on la remplace par l’idée d’un amoindrissement.