Lire
la colline aux esclaves c'est s'exposer à une lecture qui fait grincer des dents. Au fur et à mesure que je découvrais la vie des hommes et des femmes de cette histoire, qu'ils soient noirs, blancs ou métis, je n'ai pu m'empêcher de froncer les sourcils. L'enchainement des événements ne laisse que présager des moments sombres pour les habitants de cette plantation américaine où l'esclavagisme existe encore. Après tout, nous sommes au XVIIIe siècle, en Virginie, sur le domaine de la famille Pike, propriétaire d'une plantation de tabac et des esclaves qui vont avec.
L'auteure a choisi cette période sombre de l'histoire américaine pour planter le décor de son roman. Son choix elle l'explique dans une note à la fin de son livre. Cet éclaircissement m'a permis de me réconcilier avec
Kathleen Grissom, car lorsque j'ai eu fini de lire les dernières lignes de son histoire j'étais quelque peu fâchée contre elle, contre sa vision très sombre de la vie des nombreux personnages qui peuplent cette propriété. Qu'ils soient blancs ou noirs d'ailleurs. Pourtant ce que décrit l'auteure est pourtant surement très proche de la réalité de l'époque, je suis sûre que son travail de recherche lui a permis de la dépeindre au mieux.
Comment ne pas être touché par cette histoire lorsqu'on se prend d'affection pour la plupart des personnages, presque tous de couleur. Comment ne pas être froissé par la condition de ceux qu'on achète et qu'on vend, comme si leur existence pouvait avoir un prix, comme si leur destin pouvait se résumer à une transaction financière, au même titre que celles qu'on réalise pour acheter des animaux ou des produits frais?
Mais il y a aussi les blancs, comme Lavinia. Comment ne pas se prendre d'affection pour cette jeune fille blanche, immigrée irlandaise, qui en sa qualité de fille, qui plus est orpheline, se retrouve à vivre sur les terres des Pike, dans la dépendance, liée par un contrat dont elle ne comprendra jamais vraiment le sens.
La dépendance, ce lieu est un peu un lieu intermédiaire, située entre la grande maison des blancs et les cases des noirs. C'est là qu'on retrouve également Mama Mae, Papa George, Belle et tant d'autres. Ce livre fourmille de personnages, il faut être attentif, ne pas se perdre entre les liens du sang et les liens affectifs, qui bien sûr, s'entremêlent.
Mais elle m'a aussi quelque peu énervée cette Lavinia. Pas vraiment lorsqu'elle est jeune, période qui correspond plutôt à la première moitié du livre, mais plutôt lorsqu'elle devient adulte. Elle manque alors cruellement de réflexion, sa naïveté est à la limite du supportable tant elle comprend tout de travers. Ses choix se font sur la base d'informations erronées et ils provoquent alors une réaction en chaine qui nous emporte inévitablement vers la fin de cette histoire, et quelle fin...
L'une des choses qu'on retient de cette histoire, en dehors des réalités bien tristes de la condition des esclaves exposées avec force tout au long du livre, c'est que la mésinformation (l'information erronée volontairement laissée de telle qu'elle) est à l'origine de bien des maux. Et croyez moi, ce n'est pas Belle (personnage dont on connait le point de vue lorsque la parole n'est pas donnée à Lavinia) qui vous dira le contraire.
Ce livre, écrit comme une fresque retraçant les conditions de vie de l'époque, démontre que les parcours de vie, qu'ils concernent les blancs ou les noirs, étaient loin d'être simples. Écrit comme ça, cela paraît simpliste, mais cela n'en est pas moins vrai.
A celles et ceux qui aiment les histoires qui plongent le lecteur dans les racines de l'Amérique esclavagiste, jetez-vous sur cette histoire bien écrite qui vous cueille dès le prologue et ne vous laisse reprendre votre respiration qu'après avoir lu les dernières pages.