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sur 361 notes
« Moi, j'avais vesqui la prison, en aménageant un peu ma conscience. Lui, il avait décroché le gros lot, un casier de terroriste en herbe et il revenait m'en faire profiter. »
Grand frère Azad, chauffeur de taxi parisien nous parle de son petit frère Hakim, infirmier, parti subitement rejoindre un médecin de l'aide humanitaire en Syrie où la guerre contre Bachar el-Assad fait rage. Il déballe tout dans un langage mâtiné de verlan et d'arabe : son enfance passée auprès d'un père syrien d'origine, chauffeur de taxi aussi, de sa mère bretonne morte trop jeune, de son aïeule revenue du bled dévasté, et surtout de la vie qu'il s'est construite et dans laquelle il se sent plutôt bien. Alors quand son frère déconne avec ses histoires de religion et ses idéaux, ça ne passe pas.
Un premier roman qui frappe par son propos et par son écriture, découvert grâce à La Grande Librairie. Et par moments, je croyais renouer avec le narrateur du roman La bête à sa mère de David Goudreault. Intéressante lecture que je m'empresse de refiler à mon mari, qui semblait plutôt sceptique au départ mais qui j'en suis sûre, sera conquis.
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Dès les premières pages de ce Grand frère, on est plongé dans un vrai bain de cité, cité telle que je l'ai connue durant dix ans de ma carrière. Des problématiques sociales au langage codé, tout y est, tout sonne vrai. Y compris, hélas, la possibilité, pour un ado en quête de recherche "existentielle" de se retrouver embarqué direction le Cham ( lire la Syrie) bien conditionné par un imam maître ès prosélytisme...
Apparemment, il parle de ce qu'il connaît, Mahir Guyen, et il en parle bien , avec objectivité, il met la " cerise sur le ghetto" pour nous donner envie d'y regarder de plus près, peut-être. Je trouve qu'il s'en sort plutôt bien et que son roman mérite tout à fait le prix qui lui a été attribué.
Le style narratif à deux voix permet d'appréhender des points de vue différents, qui tous les deux " ont droit de cité". La vieille instit que je suis va mettre dans la marge de cette "copie" : Bravo ! je vous souhaite un bel avenir dans l'écriture.
Lien : http://frangesdhumeur.over-b..
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Lu dans la cadre du prix des lecteurs du livre de Poche 2019.

Un roman sur l'intégration, sur le terrorisme. Deux frères dans une cité du Nord de Paris. de père syrien et de mère bretonne. Ni vraiment français, ni vraiment syrien. L'ainé est chauffeur Uber pour gagner sa vie et son indépendance. le plus jeune, un peu mystique, idéaliste, est infirmier rêve de sauver le monde en portant secours à ses frères. C'est comme cela qu'il partira dans une association « humanitaire » en Syrie.

Ce qui m'a plu dans ce livre c'est que je n'ai jamais rien lu de pareil à la fois en ce qui concerne la forme : une écriture dans un argot imagé… avec un index à la fin du roman (mais le sens demeure très clair) et le fond on suit deux frères dont l'un part faire (volontairement ou non) le jihad en Syrie contre Bahar al Assad.

Le sujet est donc rude, les mots aussi mais la magie opère car le roman devient sensible, humain, fragile. le récit du mal être de deux frères et leur quête de l'Absolu, d'une façon de se réaliser dans leur Vie avant l'inéluctable mort.

Un voyage « humanitaire » en Syrie et l'impossible retour en France… Comment supporter la disparition d'un proche lorsqu'il entraine dans sa chute vertigineuse tous les siens. Des destins qui se jouent à si peu de choses. Fiction ou pas?

Déroutant, troublant. À lire pour se faire sa propre opinion. Une écriture percutante pour un voyage en terres inconnues. Un nouveau regard.
Lien : https://czumbiehlfaure.wixsi..
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Une vie un peu à la dérive, enfin ça va, y a pire, il ne peut pas se plaindre. Il est syrien, breton, français, tout ça à la fois, un visage invisible que l'on ne distingue qu'à moitié dans le reflet du rétroviseur, traître à son père, chauffeur Uber.

Un grand frère.

Responsable, perdu, démuni.
Il fait ce qu'il peut.
Tellement d'ennuis, de problèmes à résoudre, et la tête qui ne suit pas toujours, il n'y peut rien, c'est la fumette, avec les années ça a fini par le ralentir, et les pensées douloureuses, ça finit par rendre fou aussi.

D'ici, de nulle part, il erre sur le périph, s'imbibe de la ville et de ses habitants interchangeables. Tout est bon pour oublier son petit frère, infirmier parti en Syrie il y a plusieurs mois, non pas pour tuer, mais pour sauver.
Enrôlé dans une organisation humanitaire musulmane.
Il voulait s'occuper des enfants, des victimes, des prisonniers.
Quel con.
Il a mis tout le monde en danger.

Grand frère s'abîme dans l'oubli, le déni. Jusqu'au jour où Petit frère sonne à la porte. On le traque, on le suit. Quelque chose a dérapé. Et maintenant, il ne reste qu'à tout étouffer. En espérant que le jeune infirmier n'ait rien à cacher.


Le roman est brutal, râpeux, émaillé de blessures que l'on est trop épuisé pour cacher. Grand frère en a beaucoup trop vu, trop compris, trop subi, il a les mots pour le dire mais le coeur lui en manque parfois. Ses loyautés l'écartèlent, sa lassitude menace de l'emporter, ses peurs lui ôtent tout recul. C'est surtout la plume tranchante de Mahir Guven que l'on retient, avec sa langue crue, vernaculaire, émaillée d'arabe, de verlan, d'argots du monde entier, qui donnent au récit une dimension infiniment créative. le rythme en devient survolté, avec une fausse impression de précipitation, à l'image de la confusion de Grand frère, qui témoigne au contraire d'une construction savamment travaillée. On n'a jamais rien lu de pareil, on fait une découverte par page, on est soufflé par l'amour, l'empathie et la bienveillance qui émanent de ce témoignage brut et blessé.

Grand Frère remet les choses en place, donne une grande leçon de narration et d'écriture, navigue entre les tons avec un équilibre impressionnant. On passe de la confession intimiste au thriller implacable en l'espace de quelques dizaines de pages, avec des passages presque épiques, d'autres tristement pragmatiques. Impossible d'échapper à une certaine forme de malaise alors que l'intrigue se déroule : que peut ressentir le lecteur vis-à-vis du malaise profond des jeunes abandonnés, pétris d'ennuis dans leurs cités de béton, des familles prises entre deux identités, des descentes aux enfers qu'on préfère oublier, des découragements, la discrimination, tout le temps.

C'est un roman des réalités qui font mal et des fantasmes qui échouent à réparer, des proches qu'on renie et des liens qu'on veut sauver, des marginaux qu'on exclut et qui se relèvent par des voies parallèles. Avec son inventivité, sa fougue, son amour profond de ses personnages et de leurs ambitions fracassées, Grand Frère vient, à sa façon, poser une pierre nouvelle au grand édifice qu'on appelle "littérature".
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Ayant eu la chance d'être invitée à la récente soirée de proclamation du lauréat du prix Régine Deforges dont c'était la troisième édition, je m'étais promis de lire le roman primé. Il faut préciser que ce prix est décerné à un primo-romancier. Pour moi qui n'aime rien tant que sortir des sentiers battus, faire des découvertes littéraires et qui, pour ce faire, ai notamment rejoint depuis plusieurs saisons le formidable club des 68 Premières fois dont l'objet est précisément de donner à lire à ses membres une sélection de premiers romans à chacune des deux rentrées littéraires annuelles, cela me paraissait aller de soi.

Ce prix est donc revenu à Mahir Guven pour Grand frère, dont je n'avais jusqu'alors pas vraiment entendu parler. Pour le coup, j'ai vraiment fait une découverte !

Lorsque ce Grand frère prend la parole, c'est pour évoquer son cadet, parti du jour en lendemain, sans la moindre explication. Parti en Syrie.
La Syrie, c'est une partie de leurs origines, c'est le pays que leur père a quitté bien avant leur naissance pour venir se réfugier en France. Celui de leur grand-mère, qui a fini par le fuir à son tour pour rejoindre son fils lorsque la guerre a éclaté.
Leur mère, quant à elle, est bretonne. Enfin, était bretonne. Ils l'ont perdue alors qu'ils étaient encore enfants. C'est ainsi qu'ils ont poussé, dans une banlieue parisienne, entre un père travaillant d'arrache-pied dans son taxi et une grand-mère leur enseignant les préceptes de sa religion. Mais seul le cadet y est vraiment sensible. Comme il avait été réceptif aussi à tout ce que lui avait expliqué le curé breton ami de leur grand-mère maternelle, l'été où ils avaient passé des vacances chez elle.

Tandis que Grand frère zone, deale de l'herbe, échappe de peu à la prison, Petit frère est en perpétuelle recherche de sens. Grand frère finira par se ranger, profitant de l'alléchante proposition qu'Uber fit à ses débuts aux apprentis chauffeurs pour s'implanter sur le marché. Mieux valait enfiler un costume, tourner dans une voiture à Paris plutôt qu'à pied autour de sa cité et acquérir ainsi un statut, pensait-il. Et même si par la suite les conditions changèrent, et s'il faut désormais travailler deux fois plus pour gagner deux ou trois fois moins, Grand frère a au moins son propre studio, où il peut ramener ses petites copines et vivre sa vie.
Petit frère, lui, a fait des études. Il est infirmier et son sérieux, sa soif d'aider les autres lui ont permis de devenir l'assistant d'un chirurgien cardiaque. Mais lorsqu'il songe aux victimes de la guerre au cham, au pays, où il n'y a pas d'infrastructures médicales dignes de ce nom, où l'on manque de tout, de médecins, de médicaments, il se dit qu'il serait plus utile là-bas. C'est ainsi qu'il part, dans le cadre d'une ONG musulmane. Une fois sur place, il découvre une réalité à laquelle il n'était pas vraiment préparé...

Mahir Guven alterne le point de vue des deux frères. Chacun raconte ce qu'il vit, dit ses aspirations et tout ce qui y fait obstacle. L'un est pragmatique, l'autre idéaliste, mais tous deux s'efforcent de se rendre maîtres de leur vie.
A mesure que Petit frère raconte son expérience, le doute s'immisce. Quelles sont ses réelles intentions ? Est-il réellement parti dans un but humanitaire ou pour faire le djihad ? Quoi qu'il en soit, depuis Charlie et le Bataclan, tout individu ayant rejoint le sol syrien est suspecté de terrorisme, et revenir de là-bas n'est pas simple. D'autant qu'on ne vous laisse pas repartir vivant si ce n'est pour mettre en pratique sur le sol français ce que vous avez appris en Syrie...
Quant à Grand frère, pris entre l'amour qu'il porte à son cadet et la peur d'être accusé de complicité de terrorisme, il ne sait que penser.

Ecrit dans une langue que l'auteur qualifie lui-même de « créole du béton », mélange d'argot, de mots arabes, de verlan et autres idiomes propres à la banlieue que l'auteur parvient à rendre extrêmement fluide (même si un glossaire en fin de volume permet parfois de vérifier le sens d'un mot et d'en découvrir l'origine), ce roman interroge notre société. Quelle place peut-on s'y faire lorsqu'on n'a pas les bonnes cartes en main ? Comment donner du sens à sa vie ? Comment acquérir un statut qui permette d'exister aux yeux des autres ? Et il montre aussi combien cette absence de perspective se révèle un terreau fertile pour les propagandistes islamistes.

Mahir Guven réussit un roman qui n'est en rien manichéen ni dogmatique et dont la tension dramatique va crescendo pour nous délivrer un dénouement habile et tout en finesse.
Une découverte, vous disais-je.
Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Nés d'un père syrien et d'une mère bretonne, Grand frère est chauffeur de taxi privé (Uber) à Paris et Petit frère infirmier . Ce dernier a disparu depuis 3 ans sans donner de nouvelles, on le pense parti en Syrie.

Dans sa « carlingue », Grand frère se repasse le film : leur enfance, la mort de la mère, le père taxi (un vrai, avec plaque !), son passé douteux avec les petits trafics, la prison évitée de justesse, et finalement une vie qui se construit tant bien que mal . Petit frère, lui, raconte son parcours, l'envie de se rendre utile, l' engagement dans une organisation humanitaire musulmane et la vie au Cham (la Syrie).

Un roman à deux voix pour raconter notre époque, la jeunesse des banlieues, l'uberisation et la précarité du travail , la difficulté à se faire sa place dans la société , mais aussi l'univers du djihâd.

Des sujets déjà traités , certes, mais le roman sonne juste et évite les clichés et surtout ce qui fait l'originalité du livre de Mahir Guven, c'est son style, son écriture ! Une écriture percutante , vivante ; Grand frère parle une langue de la rue, des cités, un mélange d'arabe, de verlan, d'argot, pas toujours évidente pour qui n'appartient pas à cette génération il faut bien le dire (il y a même un petit lexique en fin de livre !) mais imagée et souvent drôle qui coule naturellement et donne du rythme au récit.
Enfin le roman a aussi un petit côté thriller qui nous tient en haleine jusqu'au bout.

Je n'avais jamais entendu parler de ce livre, pourtant multi récompensé (dont le Goncourt du premier roman) jusqu'à ce que Mahir Guven vienne présenter son dernier livre au festival Rue des Livres à Rennes . Je l'ai trouvé très intéressant et hyper sympathique et j'ai l'intention de poursuivre la découverte de ses romans.
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Prix Goncourt du premier roman, prix Première et prix Régine Deforges du premier roman, tout cela la même année… Grand frère, le livre de Mahir Guven publié aux éditions Philippe Rey, fut l'étoile filante littéraire de la fin d'année 2017 et qui éclaira l'année suivante. Destins croisés de ces deux frères qui ont fait des choix opposés, Grand frère semble raconter bien plus encore…

# La bande-annonce

Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa « carlingue », branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s'offre à lui de l'autre côté du pare-brise.
Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle.
Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ?
Un soir, l'interphone sonne. Petit frère est de retour.
Dans ce premier roman incisif, Mahir Guven alterne un humour imagé et une gravité qu'impose la question du terrorisme. Il explore un monde de travailleurs uberisés, de chauffeurs écrasés de solitude, luttant pour survivre, mais décrit aussi l'univers de ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie : l'embrigadement, les combats, leur retour impossible en France… Émerge ainsi l'histoire poignante d'une famille franco-syrienne, dont le père et les deux fils tentent de s'insérer dans une société qui ne leur offre pas beaucoup de chances.

# L'avis de Lettres it be

Ariane de Myriam Leroy aux éditions Don Quichotte, Si de Lise Marzouk (Gallimard), Géographie d'un adultère d'Agnès Riva (L'Arbalète/Gallimard) et donc Grand frère de Mahir Guven aux éditions Philippe Rey. Il en fallait du talent pour sortir de cette des quatre nominés pour le Goncourt 2018 du premier roman. Mahir Guven fut l'heureux élu, et très vite la critique plus ou moins littéraire s'empara de son Grand frère avec force éloges. La seule destinée de l'auteur suffisait déjà à offrir un cadre idéal à ce roman : né apatride d'une mère turque et d'un père kurde, Mahir Guven multiplie les petits boulots avant de prendre part à la création avec l'équipe d'Eric Fottorino au journal le 1. Tout cela avant de se lancer, avec succès visiblement, dans l'écriture.

Grand frère et petit frère sont ce que l'on appelle avec désintérêt et une complète désincarnation des « jeunes de banlieue ». La vie faisant, ils vont être amenés, chacun de leur côté, à faire des choix d'évolution, dans la vie, la société. Des choix comme point de départ de ce roman de presque 270 pages : petit frère disparaît, sans laisser de traces. le grand passe alors ses journées au volant de son VTC à ruminer le temps perdu, et on suit le petit comme dans une confidence en train de s'engager aux côtés d'une association humanitaire qui oeuvre, d'une certaine manière, du côté de la Syrie.

Les chapitres croisés s'enchaînent, la langue se fait tonitruante, sonnante et trébuchante. Même si l'effet de mode passe livre après livre, force est de constater que Mahir Guven travaille le « parler rue » avec brio. Argot, arabe, français des quartiers… La langue de ce Grand frère n'est pas juste une retranscription écrite plate et sans certitude. Mahir Guven fait incarner ce qu'il écrit à merveille. Et là où un Fief de David Lopez peinait à convaincre sur une langue qui semblait éloignée du roman, Mahir Guven ajuste les curseurs pour que tout l'ensemble de son livre danse et explose devant nos yeux, dans un contexte de plus en plus oppressant.

Découvrez la suite de la critique sur Lettres it be
Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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Ce qui frappe directement en commençant le roman, c'est l'écriture parfum bitume, comme la qualifie l'auteur lui-même. le style est très particulier, Mahir Guven imprime sa patte dès le début. On est cueilli par un style très parlé avec des phrases courtes et percutantes telles des punchlines à chaque paragraphe. Les deux jeunes personnages parlent comme toute une génération et s'expriment avec leur vocabulaire propre « énergique et vivant » : un mélange d'arabe, d'anglais et de verlan. Je rassure tous ceux qui se sentent déjà perdus, l'auteur a prévu un petit glossaire bien pratique à la fin du roman. Il n'est toutefois pas nécessaire de s'y référer à chaque page car le contexte est très souvent suffisant pour nous éclairer sur le sens d'un mot. J'ai beaucoup aimé ce style très affirmé et j'ai trouvé cela audacieux pour un premier roman. Je vous livre ici un court extrait du premier chapitre afin que vous puissiez l'apprécier :

« le départ du petit frère, ça a démoli le daron. Suffit de compter les nouvelles rides au-dessus de son monosourcil pour comprendre. Toute sa vie, il a transpiré pour nous faire prendre la pente dans le bon sens. Tous les matins, il a posé son cul dans son taxi pour monter à Guantanamo ou descendre à la mine. Dans le le jargon des taxis, ça veut dire aller à Roissy, ou descendre à Paris, et transporter des clients dans la citadelle. […] La dalle, le ventre vide, la faim ? Sensation inconnue. Toujours eu du beurre, parfois même de la crème dans nos épinards. » (p. 9)

Comme vous l'aurez compris, le père franco-syrien est chauffeur de taxi et a travaillé toute sa vie pour s'intégrer et pour ses deux fils. Les deux frères sont les héros de ce roman, ils se débrouillent comme ils peuvent dans cette France qui leur paraît hostile. L'un est chauffeur de VTC (ce qui ne plaît pas à son père évidemment) tandis que l'autre tourne mal et s'embarque pour la Syrie, dans un but humanitaire croit-il.

Les chapitres alternent, à la première personne, entre le Grand frère et le Petit frère. On se retrouve ainsi dans leur tête et on comprend mieux leurs motivations et leurs destinées à tous les deux. Grâce à ces deux personnages qui ont choisi deux voies très différentes, l'auteur aborde des sujets brûlants d'actualité comme l'ubérisation de notre société, la précarité de certains travailleurs, le terrorisme, l'impossible retour des jeunes de Syrie. Ce sont tous des sujets qui m'intéressent et j'ai beaucoup aimé la manière dont l'auteur les aborde dans ce roman à travers la voix de ces deux jeunes. C'est aussi un roman sur la famille et sur ce père immigré qui a élevé seul ses deux fils dans un amour inconditionnel. L'histoire aussi de cet amour fraternel qui est poignante, les retrouvailles entre les deux frères va mener à un feu d'artifice à la fin du roman. Sans rien vous révéler, on n'a pas envie que le roman se termine de cette façon mais l'auteur ne nous épargne rien et on quitte avec regret ces deux frères.

Pour conclure, vous aurez compris que je vous recommande chaudement ce roman au style drôle et incisif qui s'inscrit complètement dans l'air du temps.
Lien : https://thetwinbooks.wordpre..
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Comment ne pas être happé par cette écriture aussi tranchante que rythmée ? « Grand frère », roman mâtiné d'accents de polar, poésie scandée où l'on reconnaîtra des classiques du rap français, se lit d'un trait. Mais il s'agit avant tout d'un texte fort, où la relation fraternelle magnifie l'exploration de thématiques sociétales centrales au débat sur la France d'aujourd'hui – celle des VTC en premier lieu. A lire et à offrir, et ce même aux adolescents hermétiques à la lecture. Un grand premier roman, et un vrai coup de coeur.
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Bobigny. Grand frère et Petit frère, qui se partagent inéquitablement la narration de ce roman, ont grandi là, d'un père Syrien communiste, chauffeur de taxi, et d'une mère Bretonne désormais décédée. Chacun des frères à fait ses choix. Grand frère, principal narrateur, est chauffeur de VTC, traficotte un peu, se débrouille. Petit frère est parti, humanitaire, en Syrie. Ou pas. Faut voir.
On va surtout suivre Grand frère, son avis ses idées son quotidien, ses raisonnements, le récit de son passé. Et on va comprendre un peu mieux.
J'ai beaucoup aimé ce roman, les prises de position des narrateurs, leur façon de faire avec les moyens du bord, de concilier tous leurs "à cheval" (Entre deux cultures, entre deux tentations, entre deux espoirs, entre deux nécessités, toujours entre deux).
Et puis bien sûr cette langue si particulière, écrite ici mais très parlée, pleine de mots d'aujourd'hui, de l'argot, de l'arabe, du verlan, du verlan de verlan, à la fois un peu pauvre avec certains verbes fourre-tout et si riche pour nuancer. En tout cas au début déroutante, on n'a pas l'habitude de la lire. Et puis rapidement on sy fait, et l'histoire prend le dessus, l'histoire des deux frères, donc. Qu'on suit assidûment, parce que elle est moderne, crédible, construite. Et si ? Et si c'était vrai ?...
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