Jan Karski est l'homme qui fut officiellement mandaté par deux juifs du ghetto de Varsovie, en 1942, pour dire, à la ville et au monde, qu'à Varsovie, en Pologne, on exterminait dans les pires conditions une part de l'humanité.
De Londres à Washington, l'histoire de ce résistant messager polonais nous est retracée en trois tableaux.
Le témoignage direct de
Karski dans
Shoah de
Claude Lanzmann, un résumé du livre écrit par
Karski lui-même et enfin une part fictionnelle où finalement Haenel met du littéraire dans ce qui ne fut au préalable que du littéral.
La force de témoignage de
Karski réside d'abord dans ce qu'il n'est pas juif. Tout juste se définira-t-il après guerre comme un catholique-juif.
Au-delà, c'est d'abord un Homme qui parle des Hommes aux Hommes. de beaux développements sur la notion de crime contre l'Humanité, mais aussi la surdité organisée, presque assumée des alliés dans le refus d'entendre le messager
Karski. Car rien n'aura bougé après que le message fut délivré. Par non-conformité avec les objectifs de guerre, pour ne pas froisser l'allié soviétique par fond d'antisémitisme largement répandu, quelles qu'en furent les raisons, le résistant de Pologne, ce pays qui ne fut quasiment jamais rien dans l'histoire, ne pouvait que se heurter à tous ces murs.
C'est là, à ce moment que se combine le passage de l'état de messager à celui de témoin que restera
Karski, jusqu'au bout, hanté par ce qu'il vit, par les nuits blanches qui lui permirent de continuer de faire vivre encore les morts, pris entre le seul silence vrai et la parole libératoire.
Ce livre de
Yannick Haenel est une oeuvre utile. Tels
Semprun et
Primo Levi et d'autres encore, il nous appartient à tous, de savoir que ce message exista. Que l'humanité sait elle-même aller jusqu'à nier son humanité et finalement toujours porter en elle ce silence égoïste, ce mutisme complice, dont elle a beau se mordre les doigts mais qui figurent comme un horizon indépassable.