Dans ce roman, Rose Héléa nous laisse pénétrer dans l'univers peu connu de la PMA (procréation médicalement assistée), dans la sphère intime des “parents en attente de bébé”, sans filtre, sans tabou, mais avec une touchante pudeur. Elle nous offre, à nous lecteur la possibilité de saisir les enjeux, les espoirs, la douleur de ces couples qui attendent, de ces femmes qui endurent. Elle offre également la possibilité aux concernés de se reconnaître, d'être entendus, compris, validés. Oui, je dirais que son roman est à la fois une merveilleuse façon d'inclure les non concernés et de soutenir les concernés. Un peu comme une oreille compréhensive, un traducteur d'émotions, il tend la main à toutes les femmes aux entrailles vides. Rose Héléa pose les mots qu'il faut, de jolis mots bien dosés, choisis avec soin, et avec coeur, des mots qu'on devine être vécus plus que réfléchis.
Alternant son récit entre le mouvement politique qui monte en puissance en s'appuyant sur la peur d'un virus et les difficultés que rencontrent Jo et Marie à concevoir un enfant, l'auteure aborde parfaitement la notion de vide. Omniprésent durant la majeure partie du récit, ce vide pourrait s'en voir attribuer l'un des trois rôles principaux. Il constitue l'immense rien qui prend progressivement toute la place, aspire les rêves du couple et la joie de vivre de la jeune femme. En tant que lecteur, je l'ai maudit ce vide, maudit d'être à la fois inexistant et si présent, léger, pourtant si lourd à porter, invisible mais là, immanquable, à chaque coin de rue, à chaque ventre rond. Je l'ai maudit d'éteindre cette femme lumineuse et colorée pendant qu'il me remplissait moi, d'empathie et de tristesse pour elle.
Dire que j'ai été fascinée par la plume de l'auteure serait un euphémisme. Ce roman est extrêmement bien écrit. Il est riche. Riche de vocabulaire, de références, d'anecdotes, de dialogues débridés et engagés, voire enragés. Plein. Plein de maturité, de passion, de sensibilité et d'amour (sous toutes ses formes). Si l'auteure traite du vide, il est clair que vide, son ouvrage ne l'est pas. À une époque où l'on vante sans cesse les mérites du “simple”, je dois dire que ce roman est un vrai trésor à chérir, une petite pépite rare, à conserver précieusement dans un coin de sa bibliothèque, mais surtout de sa mémoire. Dans cet ouvrage,
Rose Héléa joue avec les mots, elle les balade, les ballote, les malmène parfois. Elle en fait ce qu'elle en veut. Il n'y a rien de “simple” dans son écriture, et pourtant, c'est fluide, c'est facile à lire et accessible à tous, comme s'ils étaient sortis d'elle sans effort, parce qu'il était temps, parce qu'il y avait urgence. Oui, elle manie le verbe avec réflexion, naturel et élégance, ce qui donne à son texte une dimension à la fois intellectuel, poétique et artistique. Son texte n'est pas « simple », mais sophistiqué, et ça fait du bien. Je n'ai pas la sensation d'avoir lu, mais d'avoir vécu ce roman, parfois en apnée, parfois en riant, et parfois en pleurant. Il était drôle et éprouvant, parfois même les deux en même temps. Peut-être parce que ce qu'il est vivant !
Pour conclure, je dirais que ce livre s'adresse à tous, que vous soyez parent en attente, proche de parent en attente, ou même très loin d'être concerné (aujourd'hui). Ça s'adresse à vous, humain.
Rose Héléa a, dans sa façon de coucher le monde sur papier un petit truc bien à elle. Ça passe par son attachement aux détails, à sa façon de disséquer la psychologie de ses personnages... et ça nous fait écarquiller les yeux et murmurer de longs : “woooouuuah !”. N'ayons pas peur des mots (parce que c'est certain que l'auteure n'en a pas peur, elle!), l'histoire de Marie et Jo est d'utilité publique !
Je remercie
Rose Héléa de m'avoir permis de vivre ce grand moment de lecture et d'humanité.