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Je me souviens de la lecture de ce livre passionnant. C'était à la fin des années 90, et j'avais un peu souffert sur les pardons bretons.
Mais quel plaisir de lire cette vie des paysans de ce pays du bout du monde.
Pas des marins, non... de ces paysans qui louaient leurs bras aux propriétaires de la terre bretonne.
Je me rappelle les forts passage concernant le partage du cochon, du repas des valets de ferme avec la proportion des écuelles en fonction du travail fourni par chacun, et de cette scène lorsqu' Alain le Goff annonce à son maître qu'il va acheter une horloge... Et puis de ce lit clos, symbole de l'humble intérieur de ces paysans et de leur existence.
L'oeuvre de Pierre-Jakez Hélias a su m'emmener dans cette terre de paysans d'Armorique et me la faire toucher, sentir et surtout commencer de l'aimer.
Le livre, dans sa première édition sous jaquette, reste à portée de mes doigts pour en relire un chapitre ou deux à l'occasion... Comme une envie de Bretagne.
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Le Cheval d'Orgueil de Pierre-Jakez Hélias est un témoignage extrêmement détaillé de la façon dont vivaient les paysans dans certains villages du pays bigouden dans les années 1910 – 1930. Dans cet oeuvre, il n'est nullement question de la vie des marins, ni de celle des citadins, il est question du monde rural : le lecteur découvre des paysans qui ne sont pas encore devenus agriculteurs. Dans cet oeuvre, Pierre-Jakez Hélias n'ambitionne pas de dresser un panorama de ce qu'était toute la Bretagne de cette époque : il nous présente la vie de quelques villages situés entre la baie d'Audierne et la ville de Quimper. Il n'est enfin pas question pour l'auteur de mener une analyse économique ou politique de la vie de ces paysans, ou de proposer une thèse ou d'énoncer quelque revendication que ce soit.

Ce « ciblage » délibéré a parfois été interprété comme un manque évident d'analyse de la part de Pierre-Jakez Hélias. L'auteur s'est expliqué sur cette posture à la fin de son ouvrage : citant Montaigne, Pierre-Jakez Hélias souligne le fait qu'il n'était pas question pour lui d'enseigner mais de raconter. Ce manque d'analyse, qui n'est que très partiel car il faut reconnaître que les dimensions sociale et humaine de cette vie paysanne en pays bigouden prennent une place très significative dans le Cheval d'Orgueil , a été notamment remarqué par Mannaïg Thomas : pour elle, le Cheval d'Orgueil est une oeuvre largement autobiographique, construite comme un tableau et offerte au regard. En fait de peinture, le tableau -"peint" en langue bretonne-, est celui d'un monde presque totalement disparu et oublié aujourd'hui, longtemps marginalisé par les sociologues et les historiens : cette marginalisation ne s'explique qu'en partie par l'éloignement géographique.

D'aucuns ont considéré que le Cheval d'Orgueil donnait une image trop passéiste de la Bretagne. Mais peut-on reprocher à un breton de témoigner de ce qu'était la vie de ses ancêtres ? Peut-on lutter contre le temps, contre la modernisation de la société, contre l'évolution de la langue et des comportements ? Pierre-Jakez Hélias nous montre des bretons, et plus précisément des paysans bigoudens, fiers de leurs traditions et de cette société qui les a nourri, société qui fonctionnait selon un code strictement établi. Cette fierté, ils la gardent au fond d'eux-mêmes quand bien même ils auraient été déracinés (il y a des bigoudens dans certains HLM de la région parisienne) ou tout perdu (les paysans bigoudens ne vivent pas tous dans l'opulence) : cette fierté, nous dit Pierre-Jakez Hélias, se transmet de génération en génération et constitue leur cheval d'orgueil.

Pour écrire le Cheval d'Orgueil , Pierre-Jakez Hélias a adopté une posture de collecteur : il nous a restitué dans le moindre détail et avec un réalisme saisissant -en ayant rassemblé ses propres souvenirs et collecté pendant trente ans les témoignages de ses proches-, ce qu'était cette vie quotidienne, une vie basée sur trois principes fondamentaux, à savoir l'alimentation, la paysannerie et le respect de la hiérarchie, à commencer par la hiérarchie familiale. Pierre-Jakez Hélias ne fait pas preuve ici d'une grande originalité : de nombreux auteurs avaient, avant lui et en arpentant la même région, déjà réussi à tirer profit des pratiques paysannes en pays bigouden pour illustrer leurs oeuvres, à commencer par Charles Emile Souvestre (1806-1854) avec Les derniers Bretons, Théodore Hersart, vicomte de la Villemarqué (1815-1895), François-Marie Luzel (1821-1895) et Anatole le Braz (1859-1926) avec La légende de la mort chez les Bretons Armoricains. Mais fallait-il que Pierre-Jakez Hélias soit original ? Était-ce son but ? Aucunement : il souhaitait témoigner, en toute simplicité et en toute honnêteté.

La Bretagne de Pierre-Jakez Hélias ressemble à un décor, à une toile de fond devant laquelle des acteurs évolueraient mais sans effet sur l'intrigue, si tant est qu'il y est une intrigue dans le Cheval d'Orgueil. Dans cette oeuvre de 552 pages, il n'y a pas d'autres héros que des héros très ordinaires, à savoir les paysans bigoudens d'alors, et il n'y a pas d'épisodes à proprement parler : les faits s'enchaînent les uns après les autres, sans datation explicite et sans que le lecteur éprouve des difficultés à découvrir les faits, les personnes impliquées et les responsabilités. Il n'y a ni meurtres, ni coupables: bref, ça n'est pas un roman. L'oeuvre fourmille de petites histoires et d'anecdotes de la vie quotidienne, parfois traversée par des événements inattendus voire exceptionnels. L'oeuvre est émaillée de coutumes, de traditions et de légendes ayant forgé le peuple bigouden. Lorsque Pierre-Jakez Hélias utilise des termes bretons, c'est toujours en regard de leur traduction en français, dans un souci de vérité et de précision, et dans le but de nous faire toucher du doigt les fondements de la culture et de la psychologie d'hommes et de femmes qu'il respecte, qu'il adore et dont il fait partie.

En observateur et conteur légitime et éclairé, Pierre-Jakez Hélias confie à « sa Bretagne » un vrai rôle d'acteur en ce sens que c'est à la fois elle qui répond aux questions que se posent les personnages du Cheval d'Orgueil , mais c'est aussi elle qui permet au Breton d'hier et d'aujourd'hui de se définir une place dans un monde en mouvement, en s'appuyant toujours sur la sagesse de ses ancêtres.

Écrit en 1975, soit moins de trois ans après la mort de la mère de Pierre-Jakez Hélias, le Cheval d'Orgueil témoigne de la déférence et du respect filial de l'auteur envers ses parents. L'oeuvre marque l'aboutissement d'un processus et de convictions personnelles de l'auteur : pour lui, si la langue bretonne a changé, si la Bretagne traditionnelle a disparu, il n'en demeure pas moins vrai que les bigoudens doivent être et demeurer fiers de leurs racines et faire en sorte que leurs valeurs soient continuellement et solidement défendues. Ce tableau d'un luxe de détails incroyable, attachant, empreint d'un brin de nostalgie mais éloigné de toutes considérations militantes, plaira au plus grand nombre.
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Compilation passionnante de récits à la fois ethnologiques et biographiques sur le monde paysan en pays bigouden de l'entre deux guerres, le cheval d'orgueil est un document historique très travaillé où Pierre Jakez Hélias réactive ses souvenirs d'une société traditionnelle en mutation, menacée de disparition… J'ai aimé lire le cheval d'orgueil, surtout pour l'orgueil. Mais celui d'un autre paysan, l'orgueil d'un dérisoire plouc à sabot originaire de Rostronen, du temps des Côtes-du-Nord, mais qu'on n'a pas oublié de mobiliser pour quatre ans de tranchée, laissant famille et ferme se débrouiller. Au nom d'une patrie interdisant de parler breton.
J'ai aimé lire ce livre pour l'orgueil d'un homme et de sa terre qu'aucune carte ne mentionne. Pour le pain dur de ses champs à travailler, pour le blé et le lait de sa peine et les truites braconnées du Sulon, pour son cidre aigre et trouble comme sa langue clandestine, pour le brûlant de son four en pierre dans le pré à vaches et ses larmes quand son cheval de trait trop vieux est parti pour la boucherie, pour la magie noire de ses contes sur le banc de granit dans la vaste cheminée du soir.
Pour sa gentillesse taiseuse et sa vieille main calleuse posée sur nos têtes de gamins, pour les cachettes des gros mots en breton et la paille des crachins d'été embrouilleurs de saison, pour sa rogne contre le remembrement saccageur de haies d'osier et de genêt et son coup de poing dans la tronche du chef de la coopérative, ce vendu. Pour la messe du dimanche de son ami curé et ses fils à demi secrets, pour ce dieu sourd à ses prières de fermier, tout le temps sourd le "doué", pour les pieds du matin tôt levés, poudrés de terre battue, et cette horloge à balancier qui ne retarde jamais.
Pour la ferme disparue, pour le four éteint sous les ronces et les pommiers morts, pour la maison écroulée et les étables vendues, aujourd'hui chambres d'hôtes pour d'improbables touristes. Pour mon enfance en vacances bottées de caoutchouc et de gadoue heureuse. J'ai aimé lire ce livre pour l'orgueil de mon arrière-grand-père.
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C'est un ami, qui a grandi à Pouldreuzic, qui m'a conseillé ce livre dont je connaissais l'existence surtout par le film que Claude CHABROL en a tiré. C'est donc à Pouldreuzic, petit village du pays bigouden, que Pierre-Jackez HELIAS naît en 1914. Issu d'une famille d'ouvriers agricoles pauvres, il va grandir auprès de son grand-père et s'imprégner des traditions bretonnes. Plus tard, il partira pour quimper et Rennes afin d'y faire ses études. Devenu professeur de lettres, il oeuvrera pour la pérennité de la culture bretonne.
Dans ce livre, largement autobiographique, il nous livre des chroniques de la vie dans son village depuis le début du XXème siècle. C'est une immersion totale dans la Bretagne de jadis. La vie était simple, dure mais honnête. le travail des champs se faisaient au rythme des saisons. Les relations sociales étaient codifiées par des règles très sérieuses. La religion catholique était omniprésente, même chez "les rouges".
A travers de petites histoires, des anecdotes de la vie quotidienne, HELIAS nous parle des coutumes, traditions et légendes qui ont forgé le peuple breton. Et puis il y a aussi la langue bretonne, celle qu'on apprend dès le berceau et qui est la seule, la vraie, celle qu'on utilise à la maison, dans la rue mais qui est interdite à l'école et dans la cour de récréation sous peine de punition.
Et puis il y a les meubles, l'armoire, souvent unique possession de la famille et qui contient la vaisselle précieuse, les photos, les papiers importants, le lit fermé où l'on s'enferme la nuit mais qui garde toujours une ouverture pour voir ce qui se passe dans la pièce commune.
Et puis, il y a les crêpes et galettes, réservées aux jours de fête et que l'on ne peut manger que lorsque toute la pâte a été utilisée, le pain au café qui attend bien au chaud sur un coin du poêle.
Et puis il y a la fameuse coiffe bigoudène que les filles portent dès leur plus jeune âge. C'est tout un art de la faire tenir bien droite sur la tête et de la garder bien blanche.
Et puis il y le temps qui passe, le siècle qui avance avec son lot de modernité. L'instruction se généralise. La république impose le français. Les jeunes quittent le village pour le lycée de Quimper. Les machines commencent à envahir les champs, remplaçant les hommes. Les touristes de la capitale viennent pour les plages qui jusque là étaient réservées à la pêche à pieds.
La fin d'une époque?Oui parce qu'on ne lutte pas indéfiniment contre le temps, contre le modernisme. Mais non,parce que les bretons, fiers et orgueilleux, sauront encore une fois faire face à l'adversité en intégrant la modernité sans se départir de leurs traditions.
Un livre très riche, empreint de nostalgie mais parsemé de touches d'humour, écrit par un amoureux de sa région qui a vu s'éteindre une époque, celle de la vie simple, de la solidarité mais qui a réussi à éviter l'écueil du "c'était mieux avant".
Je l'ai beaucoup aimé et même sans être bretonne, j'y ai reconnu des manières de voir, de penser et d'agir, des faits, des us et coutumes que ma grand-mère alsacienne évoquait quand elle parlait de son enfance.
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Le cheval d'orgueil, traduit dans la collection Terre Humaine des éditions Plon dans les années 1975 et qui connut un succès considérable puisqu'il s'est vendu à 1 million d'exemplaires et qui continue de se vendre.

Cet homme Per-Jakez Hélias eut la chance de pouvoir étudier, et parce qu'il était bon élève, il put poursuivre ses études et enseigner ensuite. Il était parfaitement bilingue : son Cheval d'orgueil fut d'abord écrit en breton, puis traduit en français.

Quand on va à Pourdreuzic, village du pays bigouden où il est né, situé à quelques "lieues" pour reprendre le terme de Jakes Hélias, de Pont Labbé - où hélas on ne voit plus les coiffes en tuyau de poele que portaient fièrement les dames, sauf lors des fêtes folkloriques - , il y a 3 choses incontournables : la maison Hénaff (le pâté), la cidrerie Kerné et la maison natale de Jakez Helias. Pour ce qui est de cette dernière, Il ne faut pas s'attendre à trouver un château comme celui de Combourg en haute Bretagne (non bretonnante) pour Chateaubriand, autre pôle, autre phare de la littérature bretonne, lequel n'y resta d'ailleurs pas à cause de son ennui au sein d'une famille assez pesante. On observe au passage que les deux littérateurs n'ont comme seul point commun hormis celui de savoir brillamment écrire et qu'un siècle et demi les sépare, d'avoir écrit leurs mémoires entrés dans la postérité.

A la naissance de Jakes Hélias, juste avant que n'éclate la guerre de 14, contrairement à la famille Chateaubriand, la pauvreté était le lot des gens dans cette contrée bretonne du sud Finistère ; plus pauvres on ne trouvait pas, la ruralité était d'une misère que seul l'entêtement breton à vouloir survivre sans rechigner, faisait plier. On dirait dur au mal aujourd'hui. Leur sort n'était guère pas plus enviable que celui des vaches avec lesquelles ils vivaient pratiquement sous le même toit. Et la guerre de 14 fut là au bout pour arracher les jeunes hommes aux familles misérables sans que cela ne vienne heurter le caractère breton trempé dans le granit .

De toute la littérature bretonne, Per Jakez Hélias est assurément le plus breton d'entre eux. Quand il fut révélé dans les années 60, Il écrivait en bilingue dans le journal Ouest-France ses histoires, ses contes, il en avait plein la besace, et il y en avait des lecteurs qui aimaient ça. Là aussi c'était de l'ordre du million. Et Jakez Hélias aimait passionnément écrire, conter, transmettre, témoigner les vertus de son pays et les affres de l'histoire, il était doué pour cela.

Le petit Jakez hélias est né dans une ambiance mi-religieuse, mi-rouge, antagonisme qui sera plus marqué au fil des décennies et qui prévaut encore dans les esprits bretons ruraux aujourd'hui si ce n'est une tendance depuis une génération à céder au modernisme et à la mondialisation. Cette influence culturelle donnera le ton à ses ouvrages..

Le mieux comme dirait l'autre est encore de le lire, voici un extrait :
"Quand Pierre-Alain, mon père, épousa Marie-Jeanne le Goff, il n'avait qu'une lieue à parcourir pour passer la ferme de Kerveillant, en Plozévet, au bourg de Pouldreuzic où il allait vivre désormais avec sa femme. Il vint à pied, le torse bien droit, parce qu'il portait, sur la tête, une pile de vingt-quatre chemises de chanvre qui constituaient le plus clair de son avoir. En effet, ces chemises étaient à peu près tout ce que sa mère, Catherine Gouret, avait pu lui préparer pour son mariage. le chanvre en avait été récolté, roui, broyé à Kerveillant et filé au rouet par Catherine elle-même. Comme d'habitude, ni plus ni moins, Avec le fil obtenu, on avait fait deux écheveaux qu'on avait portés au tisserand. le premier, de chanvre pur, devait servir à faire des sacs de pommes de terre. Au second étaient mêlés des fils de laine pour adoucir le tissu. Celui-ci fournirait les chemises de la maisonnée. Ensuite, les chemises et les sacs devaient se rencontrer immanquablement sur le dos des gens, les unes supportant les autres et généreusement rapiécées comme eux lorsque l'usure montrerait la peau de l'homme ou celle de la pomme de terre. Et les sacs vides, au surplus, repliés un coin dans l'autre, serviraient encore de capuchons et de dossards pour les temps de grosses pluies parce que les pauvres bougres de l'époque ne connaissaient pas d'autres survêtements. Quand mon père et fait la guerre de Quatorze d'un bout à l'autre, l'armée lui laissa son dernier manteau d'artilleur dans lequel il se fit tailler son premier pardessus pour dix ans ."
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Je viens de terminer la relecture de ce Cheval d'orgueil -découvert adolescent- alors que partout en Bretagne des fêtes estivales, à Quimper, Lorient et dans de nombreuses autres villes célèbrent la culture bretonne. Une lecture qui prend tout son sens, tant Pierre-Jakez Hélias était un fervent défenseur de la langue et de la culture bretonne.
Il avait à coeur de préserver des racines fortes et profondes -son travail de collectage pour conserver la mémoire le prouve- tout en s'ouvrant vers l'extérieur.
Ce livre est un témoignage humaniste, sincère, humble sur un monde qui était en voie de disparition. Une société avec des codes sociaux très affirmés, des valeurs humaines pouvant être difficiles à comprendre pour des gens extérieurs.
Pas de misérabilisme, ni de nostalgie dans son regard, juste un témoignage avec un regard d'ethnologue, qui justifiait pleinement sa publication dans la collection Terre Humaine.
Ce livre est un véritable trésor pour ceux qui veulent connaître un peu de "l'âme bretonne" et comprendre la Bretagne d'aujourd'hui.
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Bien que Breton, je dirais que le bourrin manque d'humilité.
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Je suis un parisien, moi. Oui, Madame. Un vrai, un qui méprise la province, un qui conchie les péquenots, un qui se gausse du régionalisme. Un vrai parisien, je vous dis. Mais j'ai mes faiblesses, mes instants d'égarements. Tenez, j'ai lu un livre sur la Bretagne.

Publié en 1975 à la demande de Jean Malaurie himself dans la mythique collection Terre Humaine des éditions Plon, ce classique du fonds d'anthropologie propose l'étude d'une famille paysanne de Pouldreuzic au lendemain de la Première Guerre mondiale. L'ouvrage, qui est en bonne partie autobiographique (cette famille est tout simplement celle de l'auteur), ne se contente pas de dépeindre le quotidien de ses différents membres. En effet, la vie de la famille Hélias illustre plus généralement celle de toute une région et, à travers les croyances, les rites et les codes qui la rythment, elle dessine les contours d'une époque.

C'est là qu'intervient la polémique qui colle au livre : il a été reproché à l'auteur de donner une image passéiste de la Bretagne. Pour ma part, je suis bien incapable d'en juger : je ne traverse jamais le périphérique et j'ai déjà du mal à me rendre dans les arrondissements à deux chiffres. Comment alors savoir si le portrait très anachronique que Pierre-Jakez Hélias dresse de la Bretagne dépasse l'image d'Épinal que peut s'en faire un parisien anti-provincial et perclus de tous les défauts propres aux habitants revendiqués de la capitale (moi) ? Porte-t-on encore la bigouden ? Des sabots ? Quid des lavandières et du celtique ? Aucune idée. J'ignore même si, depuis le début du siècle dernier, les choses ont changé ou si le Finistère reste cantonné à son folklore, figé en un temps reculé.

Une chose est certaine, le livre est passionnante et il remet en perspective nos problématiques actuelles. J'aime bien l'idée d'avoir lu un essai traduit du breton, pour autant il ne m'a pas donné envie de m'expatrier dans les plaines de la Bretagne armoricaine ou d'avoir pour ami Akim, le fils du forgeron. En revanche, je ne dirais pas non à une bolée de cidre ou à un kouign-amann.

Touchez mon blog, Monseigneur...
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En bon touriste qui se respecte, j'ai passé quelques journées estivales sous le capricieux ciel du pays bigouden avec "Le Cheval d'orgueil" comme livre de chevet. Bien qu'impressionné par le remarquable travail d'enquête de Pierre-Jakez Hélias, j'ai été déçu par le manque de densité narrative de ce récit autobiographique qui se contente de décrire et discourir sur la culture, les coutumes et la vie en pays bigouden, à la manière d'un documentaire. Certains passages sont particulièrement lassants à lire, je pense notamment à la longue description de tous les objets, meubles et ustensiles présents dans les maisons paysannes. Cela devient autrement plus intéressant quand Pierre-Jakez Hélias questionne, dans les cent dernières pages, le devenir de la civilisation bretonne. Je fus parfois irrité par des remarques trop catégoriques et quelques accents mystiques un peu naïfs, mais cette réflexion finale permet de porter un regard critique sur la marche en avant mondialisée de notre modèle de civilisation tourné unanimement vers le productivisme à outrance.
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Avec le cheval d'orgueil, j'ai poursuivi mes pérégrinations littéraires dans nos campagnes. Après la Vendée de Michel Ragon, les terroirs bourguignons de Gaston Roupnel et Maurice Genevois, me voilà en Bretagne, en pays bigouden.
Pierre Jakez Hélias décrit le Penn Ar Bed, là où la terre finit en breton, des années 20, celui de sa jeunesse bretonne. Il a été le témoin d'une vie paysanne qui, par son éloignement des centres de décisions et les conséquences de la Grande Guerre, a connu la période des transformations agricoles plus tardivement que les autres régions. Encore profondément bretonnante et traditionnelle, la société bigoudène voit l'introduction de la mécanisation des actions paysannes et l'éclatement du cercle familial par le départ des jeunes au bourg, voire dans les grandes villes, ce qui aura pour conséquence le développement de l'emploi du français. Promu par l'école, les bretons qu'ils soient « rouges », républicains et progressistes, ou « blancs », fervents catholiques et défenseur des traditions, ont conscience que l'apprentissage du français est une nécessité pour leurs enfants, mais aussi qu'il aura aussi l'effet d'un bouleversement sociétal local.
Comme d'autres critiques l'ont précisé avant moi, je m'attendais à un récit autobiographique romancé. Il n'en est rien. Après un temps d'adaptation, j'ai compris que Pierre Jakez Hélias était en fait un conteur au coin du feu. Comme un aïeul ou un lointain parent, il s'installe près de l'âtre, comme autrefois, et il nous rapporte des histoires, des traits de vie, des anecdotes. Il évoque ce passé de façon très thématique et décrit sa vie de sa naissance à son entrée au lycée.
Certains l'ont souligné, les descriptions peuvent manquer de charme ou d'intérêt. Néanmoins, ce que cherche l'auteur c'est la précision, pour que sa mémoire laisse une trace dans la Mémoire collective de ce qu'était cette région de France, il y a un siècle. On ne peut lui reprocher. Parfois, les anecdotes sont cocasses, notamment les occupations des enfants. Les « aventures décrites » m'ont rappelé celles que l'on trouve dans le Grand Meaulnes avec, également, sa nostalgie du Temps passé.
Le passé est un regret pour l'auteur mais il a toujours un peu l'espoir et l'optimisme que l'avenir peut conserver les traces d'une société de traditions, voire qui pourrait revivre. Ce sont d'ailleurs ses propos dans le dernier chapitre du livre. Analyse de l'auteur qu'il convient de replacer dans la deuxième partie des années 70, puisque il l'a écrite en 1975. Cependant, force est de constater que certaines de ses remarques s'avèrent justifiées trente ans plus tard.
Comme l'écrit l'auteur en parlant d'un chiffonnier qui regarde les enfants de ces années 20 « Il ne sait pas encore que nous ne serons pas des clients pour lui parce que le monde a changé ».
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