Je poursuis ma relecture, en tant que quadragénaire, des albums de Tintin, avec Tintin au Congo, 2e album de la série. Je savais qu'il était présenté comme le reflet d'une époque coloniale et paternaliste, en datant des années 1930.
Je ne pensais cependant pas y trouver un discours aussi ouvertement orienté. Voici quelques citations pour mémoire : Tintin, qui vient de provoquer un accident avec un train, indique « Au travail, vite ! …Vous n'avez pas honte de laisser ce chien travailler tout seul ?... » et Milou poursuit « Allons, tas de paresseux, à l'ouvrage ! » alors qu'un des passagers, ainsi maltraité, commente dans la case juste en dessous : « Li missié blanc très malin ! ». Se promenant ensuite dans un village, Tintin soigne un homme et sa femme se prosterne devant lui « Li Blanc est bon ! …Li grand sorcier ! …Li guéri mon mari ! ». Par la suite, Tintin déjoue les plans du sorcier puis lui sauve finalement la vie et la réaction de ce dernier est alors de conclure : « A présent, moi être ton esclave, ô Blanc généreux !... »
Au-delà de ces citations,
Hergé fait également l'éloge des missionnaires et de la chasse aux animaux sauvages pour permettre de rapporter en Europe des défenses de rhinocéros ou d'éléphants comme trophée.
Cet album, au-delà de ces éléments, ne bénéficie même pas des personnages secondaires qui apparaîtront plus tard dans la série.
Il n'y a pas non plus de récit structuré : on apprend en une seule case, quelques pages avant la fin, que celui qui a cherché à éliminer Tintin à plusieurs reprises avait pour commanditaire al Capone le Balafré, roi des bandits de Chicago, qui cherchait à contrôler la production du diamant en Afrique alors que l'existence de ces mines n'avait à aucun moment été mentionnée. Cette précision permet uniquement d'introduire l'épisode suivant : Tintin en Amérique.
Je ne regrette pas d'avoir relu cette bande-dessinée qui m'avait été offerte quand j'étais enfant. Je ne dis pas qu'il faut censurer cet album car à mon sens pour combattre des théories, il faut les connaître. Je m'aperçois uniquement que je n'ai pas eu conscience, enfant, des idées véhiculées.
Je pense finalement qu'il ne faut pas mettre ces albums entre les mains de lecteurs trop jeunes et que, même pour les enfants de 10-12 ans, il faut les accompagner afin qu'ils comprennent que cette représentation de l'époque coloniale est extrêmement datée et heureusement depuis longtemps révolue.