Imaginez une plaine
verdoyante, entourée de collines boisées et traversée par une
rivière dont les bras capricieux noient une terre noire et grasse,
veinée de multiples cours d’eau. Quand l’hiver, après la fonte
des neiges, les eaux ruissellent en silence des collines alentour,
l’Avre sort de son lit et s’étend dans les combes, envahit les
fossés et noient l’humus fertile, lui apportant un complément
de limon récolté des bois et des prairies qui la bordent.
Sur cette terre d’une étonnante richesse, mon oncle avait
installé un immense potager, lui permettant de fournir en
produits maraîchers les marchés de Tillières, de Nonancourt et
même de Verneuil.
À travers les buissons, nous perçûmes alors un étrange cortège. Des enfants, portant des habits de la ville et tous marqués d’une tache jaune qui ressemblaient à une étoile, descendirent en silence des camions,. Ce qui nous surprit le plus, ce fut l’absence de cri de ces enfants. Au lieu des rires joyeux, on sentait qu’un drame pesait sur eux, et les oppressait. Dans les bras d’une
jeune fille, un bébé pleurait
La brume envahissait la vallée et le froid gelait nos mains encore fragiles. La terre était collante et lourde. Sur la colline, de l’autre côté de la route qui, venant de Tillières, bordait la forêt, nous apercevions le givre qui semblait avoir figé les branches fragiles des arbres dans un carcan argenté.