Ce livre est fidèle à son titre; "
Pour comprendre simplement la théorie de la Relativité". Mais l'auteur ne se contente pas de faire oeuvre de vulgarisation: après tout, l'histoire de la vulgarisation de
la relativité est presque aussi vieille que l'histoire de
la Relativité elle-même. A la fin des années 1910, Einstein avait déjà souhaité "mettre à la portée du plus grand nombre" les théories qui l'ont rendu lui-même mondialement célèbre quand les observations d'Eddington confirmèrent en 1919 une importante prédiction de la théorie de
la Relativité générale.
Or un an avant la parution du présent livre (2005),
Jean Hladik avait publié un ouvrage au titre iconoclaste: "
Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré" (Ellipse, 2004). Il va sans dire que
Jean Hladik vulgarisateur va puiser méthodiquement les ressources historiques établissant la contribution fondamentale de Poincaré dans la genèse de
la Relativité restreinte pour étayer sa pédagogie.
Il en résulte un exposé clair mais peu orthodoxe par rapport au canon de la vulgarisation de
la Relativité dont Einstein constitue toujours l'icône majeure entourée de petits satellites (Lorentz, Michelson, etc.). Avec
Jean Hladik, Poincaré cesse d'être un satellite et la genèse des Relativité trouve désormais son foyer dans le système d'une étoile double; Henri Poincaré, père de
la Relativité restreinte (Première partie du livre) et
Albert Einstein, père de
la Relativité générale (seconde partie).
Que Poincaré ait conçu
la Relativité restreinte un peu avant Einstein, voire que celui-ci se la soit appropriée, les archives semblent donner aux historiens la possibilité de l'affirmer. le problème est que dans ce genre de querelles les protagonistes ne sont jamais à l'abri du soupçon de chauvinisme; cela détruit souvent l'intérêt du débat. Que l'auteur ait tenu à un moment à évoquer l'expérience réalisée en Concorde (1971) pour mesurer le décalage temporel prévu par
la Relativité restreinte ne fait que renforcer ce soupçon. Pourtant, l'exposé historique et replace très bien la genèse de première Relativité dans sa complexité; la question de l'éther n'y a pas l'importance que lui donne dans les exposés habituels (généralement repris des livres d'Einstein).
Jean Hladik expose clairement la problématique des physiciens qui voulaient donner un cadre commun à l'électromagnétisme et à la mécanique. Lorenz et Poincaré s'étaient sérieusement attaqués au problème. Einstein est arrivé; l'histoire traditionnelle lui attribue d'avoir donné leur plein sens aux transformations de Lorenz. Il semble que de bons arguments pourraient donner la primeur à Poincaré. C'est en tout cas, le point de vue de
Jean Hladik (et de quelques autres, français le plus souvent). Mais est-ce si important? Les querelles de priorité font toujours désespérer de l'histoire des sciences. Mais ce n'est pas la vocation première de ce livre (il traite ce sujet ailleurs) qui est guidé (aussi) par la volonté d'exposer simplement à des lecteurs motivés un sujet difficile (j'ai apprécié sa manière d'exposer la notion de tenseur par exemple).