C'est peut-être le mieux stylisé des romans de
Houellebecq -le mieux écrit dans une langue aujourd'hui très dépouillée, s'entend. Car depuis son Goncourt en 2010 avec
La Carte et le Territoire, on sent un
Houellebecq plus habile, plus réfléchi et franchement plus littéraire dans sa plume.
Soumission était un éloge de la littérature fin-de-Siècle,
Sérotonine une incroyable preuve de style, et
Anéantir un roman de pure maîtrise. En somme, c'est avec brio que
Houellebecq allie richesse stylistique et modernité.
Maintenant, en sus de ces considérations élémentaires qui, au fond, ne semblent plus intéresser grand monde, nous retrouvons les thématiques chères à l'auteur : le cynisme, l'humour, le nihilisme, la mort et… l'amour. Oui, l'amour ! et l'espérance même ! ce qui peut, évidemment, surprendre. Mais ce roman est touchant, intime presque, et cette nouveauté n'est pas pour déplaire le lecteur. Au contraire.
Comme à son habitude,
Houellebecq est sérieusement documenté, et peut donc nous promener dans les coulisses du ministère, tout en nous proposant de fines analyses quant au service médical actuel, ou nous livrer des réflexions sur l'histoire, la religion, la philosophie…
Au reste, la lecture est bien rythmée, oscillant entre une intrigue «policière» et familiale (celle de Paul Raison, le personnage principal) ce qui permet d'oublier la peut-être trop longue deuxième moitié du roman, et d'oublier d'un même coup certains récits oniriques franchement ratés (n'oublions pas que c'est le principal défaut cité par François dans
Soumission quant à l'excellent roman de Huysmans qu'est En Rade !)
Enfin, bien que ce soit la dernière oeuvre (en date) de
Houellebecq, je trouve que c'est aussi la plus accessible pour une première découverte de l'auteur : l'intrigue réaliste, happante et contemporaine (
Bruno Juge est la figure de papier de
Bruno le Maire) mêlée à une écriture fine éloignée des clichés la concernant (style froid, lapidaire, fade) permet de se plonger facilement dans l'univers romanesque de
Houellebecq, qui, en somme, est un auteur à lire. Évidemment.