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Et si une prostituée accomplissait des miracles ? Stella a 19 ans, elle est « belle et farouche, pas exactement belle comme on le croit, mais comme on le sait, belle de manière définitive, vous appelant dans les entrailles du désir. » Et elle détient un pouvoir extraordinaire : lorsqu'un homme a des relations tarifées avec elle, et bien, il guérit ( d'un psoriasis, d'une paralysie, d'une cécité etc ). Mais voilà, le Vatican ne veut pas s'encombrer d'une pute thaumaturge qui pourrait devenir une sainte. Des tueurs à gage sont chargés de l'éliminer.

S'en suit un road movie déjanté, peuplé de personnages barrés en mode cour des miracles, remplis de situations à la fois burlesques et saugrenues qui semblent tout droit tirées d'un film des frères Coen ( ou Mocky ? ), avec des dialogues tarantinesques – sacré cocktail ! Mention spéciale à Santa Muerte, vieille voyante rachitique qui se nourrie au mezcal, ou au prêtre James Brown, ex des Navy Seals qui va l'aider dans sa fuite, j'avais Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur dans les rétines :
« Grand, massif, cheveux gris taillés en brosse et une gueule estampillée "j'ai vécu", le père Brown était le genre de caricature ayant connu une autre vie avant de se réfugier dans l'ascèse. Dire qu'il avait vu pas mal des saloperies dont est capable l'âme humaine serait un euphémisme. »

Avec les romans qui se revendiquent mabouls et affichent un humour malicieux, soit on rentre direct dans l'univers et on se marre comme des foufous, soit on se sent un peu sur le bord de la route à regarder les autres s'éclater. Malheureusement, je me suis sentie dans la deuxième situation.

Je me suis marrée, certes. Il est fort Incardona, il écrit fichtrement bien, sait manier les mots, on sent qu'il s'amuse avec sa comédie noire dans une Amérique de carton-pâte ( Las Vegas, la fête foraine, bagnole et camping car on the road again, rednecks et tueurs ) et ses figures imposés qu'il détourne joyeusement. Y a une énergie folle, ça castagne grave et on adore Stella, être solaire, pur, dont la naïveté lui permet de passer au travers de toutes les difficultés : elle incarne à merveille l'ode à la liberté, à la vie simple et au plaisir charnel qu'est ce roman.

J'applaudis lorsque les auteurs prennent le risque de changer d'univers. Et là, Joseph Incardona s'est vraiment renouvelé ( même si on retrouve son amour pour les petits, les invisibles, les broyés, ainsi que son attention accordé aux corps ). Je devais donc être d'humeur grincheuse lorsque j'ai lu Stella. Oui je me suis marrée, mais sans plus, pas autant que je le pensais. J'ai même commencé à m'ennuyer à mi-chemin, les péripéties s'enchaînant sans que j'imprime plus que cela. Et puis, je n'aime pas quand les auteurs prennent à témoin le lecteur et font irruption dans le récit par de nombreuses apartés ... et Incardona le fait très souvent, ça m'a fait à chaque fois sortir de ma lecture.

Bref, je me sens un peu penaude avec mes étoiles radines, de n'avoir pas partagé l'enthousiasme de l'auteur ou celui des Babélionautes. Je préfère nettement l'auteur dans la tragédie et le roman noir, notamment La Soustraction des possibles et Derrière les panneaux il y a des hommes.
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"Countin' on a miracle "

"If i'm gonna believe
I'll put my faith
Darlin'in you
I'm countin' on a miracle
Baby i'm countin' on a miracle
Darlin' i'm countin' on a miracle
To come through"

Bruce Springsteen

Stella. Personne ne sait vraiment d'où elle vient. Elle même n'est pas sûre de sa date de naissance.
Stella, au corps céleste, accomplit des miracles de son amour charnel.
L'Amérique a enfin une étoile Sainte.
Le vatican est aux anges. Cette neo Sainte va relancer leurs affaires.
Mais le dogme n'est pas commode. Les miracles de cette "vierge à l'envers" ne sont pas académiques.
La Sainte deviendra donc martyre.
Le vatican missionne les frères Bronski , des hommes de main capables d'aller vous retrouver dans les entrailles de l'enfer pour vous reconditionner en nourriture pour chacals.
Les bonnes étoiles qui veillent sur Stella ne seront pas de trop dans cette course-poursuite qui s'annonce complètement déjantée...

Personnages truculents aux mines patibulaires, curé repenti au nom qui sonne comme le parrain de la soul, journaliste latino à la recherche du Pulitzer, bikers qu'il ne faut surtout pas appeler motards, traversent cette histoire telle une horde sauvage qui ravage tout sur son passage.
Un road-trip délirant, western des temps modernes, saupoudré de poussière, d'alcool et de sueur. C'est drôle, irrévérencieux et on se surprend même à regretter que ce soit trop court.
Jubilatoire !

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Une sainte qui touche !
Stella est une jeune prostituée américaine itinérante qui officie dans une caravane parmi des forains, sous l'aile bienveillante de Santa Muerte, une voyante un peu louche. Au-delà de ses charmes, la jeune femme possède le don de guérir ses clients de maladies incurables et autres infirmités en couchant avec eux. Comme la fille est jolie, certains utilisent aussi ses services pour un petit rhume ou pour meubler des solitudes.
Si les voies du seigneur sont impénétrables, celles de Stella sont beaucoup plus accessibles ce qui n'enchante pas le saint siège qui tombe un peu de sa chaise. On est un peu éloigné du touché royal des écrouelles ou des pèlerinages all inclusive à Lourdes pour visiter la grotte sous la pluie. Des miracles, oui, mais des miracles qui célèbrent la vertu, tombés du ciel, mais pas du septième. Les évangiles n'ont pas scénarisé la première GPA de l'histoire il y deux mille ans pour ne pas lourder une sainte Marie couche toi là. Et puis, dans la notice biblique, la place est déjà prise par Marie-Madeleine, une prostituée qui avait assisté à la résurrection du Christ, mais qui avait eu la décence de se repentir. Sur ce point, Luc, Matthieu, Marc, Jean et … Kevin ne sont pas tous d'accords (surtout Kevin, le télévangéliste !). Comment concilier un dogme un peu poussiéreux qui n'approuve la sexualité que dans un but de reproduction dans le cadre du mariage et des guérisons miraculeuses prodiguées par l'origine du monde. Dieu est parfois taquin quand il s'agit de pécho originel.
Le roman de Joseph Incardona quitte rapidement les routes sinueuses de la théologie pour rejoindre la voie rapide d'un road movie qui ressemble à un hommage très réussi à Elmore Leonard.
Direction Las Vegas, avec, au casting de cette série B de papier, deux frères tueurs à gages qui veulent faire de la sainte une martyre, un journaliste qui flaire le Pulitzer, un curé au passé militaire qui s'appelle James Brown mais qui n'a rien d'une Sex Machine et qui vole au secours de la jeune étoile lumineuse du tapin. J'oublie la file des infirmes qui font la queue et des pieds et des mains et tout le reste de leur anatomie pour obtenir la grâce de cette Bernadette Soubirous canonique en bas résille.
Joseph Incardona n'a pas une écriture en orbite autour de son nombril. On ne peut pas lui reprocher de réécrire toujours le même roman ou de manquer d'humour et d'imagination. Ses personnages sont bien typés et j'entendais presque la bande-son d'un bon Tarantino en tournant les pages.
C'est le quatrième roman de cet auteur helvète entrement bon que je lis et je ne compte (en suisse forcément) pas m'arrêter là.
Côté catech, je crois que je peux aussi oublier les indulgences.
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« What if God was one of us?
Just a slob like one of us
Just a stranger on the bus
Tryin' to make his way home? »

One of Us - Joan Osborne

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Stella Thibodeaux a 19 ans et exerce le plus vieux métier du monde. Lorsque l'un de ses clients touché par un psoriasis sévère guérit soudainement après l'acte d'amour tarifé, Stella réalise qu'elle possède un don : celui de guérir en couchant.

Ancien Navy Seal, grand costaud aux cheveux gris taillé en brosse, le père Brown a 66 ans et « une gueule estampillée « j'ai vécu » ». En recueillant la confession du premier miraculé, il découvre que Stella est une sainte et transmet la nouvelle au Vatican.

Passé la stupéfaction devant l'ampleur des miracles accomplis par la jeune femme, le pape Simon II (il fallait oser) et ses sbires décident que le modus operandi de la jeune sainte américaine n'est pas concevable, et qu'il serait plus avisé de la transformer en martyre.

La tâche est confiée aux affreux jumeaux Bronski, deux tueurs à gages tout droit sortis d'un film de Tarantino, méthodiques et sans scrupules, les meilleurs dans leur domaine. Ils ne sont pas les seuls à rechercher la jeune femme : Luis Molina, du « Savannah News » a compris que l'invraisemblable destinée de Stella pourrait lui offrir le Pulitzer.

Le destin de la sainte-putain semble scellé. Heureusement pour elle, le père Brown comprend qu'il a commis une terrible erreur, et entreprend de devenir son ange gardien. le vétéran du Vietnam et la jeune sainte ont un atout dans leur manche : c'est grand, l'Amérique.

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« Quand Stella vous regardait, vous étiez le seul homme sur terre, vous comptiez pour quelque chose. Peu importe qui vous étiez et de quelle façon : Stella jetait sur vous ses yeux d'ambre, ses yeux candides, et vous étiez vivant. ».

Le dernier opus de Joseph Incardona, auteur remarqué de « La soustraction des possibles », nous offre un road-trip déjanté, une farce jubilatoire, acide et lumineuse, dans lequel le père Brown et la magnétique Stella, vont tenter d'échapper à l'inéluctable. Car, si l'on se fie à leur tableau de chasse, nul n'échappe aux frères Bronski.

Joseph Incardona nous livre une vision de l'Amérique qui semble surgie d'un film qu'auraient co-écrit les frères Coen et Quentin Tarantino. Son écriture sèche et nerveuse, parsemée de phrases courtes et d'incises ironiques, fait mouche. Elle crée une forme d'attachement immédiat pour la destinée de Stella et nous emporte, pour notre plus grand plaisir, dans le vortex de sa fuite effrénée en compagnie d'un ancien du Delta du Mékong.

« Il faut savoir que Stella n'était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte. »

Démiurge littéraire malicieux, l'auteur nous propose un ouvrage qui comporte deux niveaux de lecture. Une course-poursuite effrénée, où le lecteur tourne fiévreusement les pages, pour découvrir l'improbable destinée de Stella Thibodeaux que le roman déroule tambour battant. Mais également une réflexion sur le surgissement aussi soudain qu'inattendu du miracle.

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Joseph Incardona maîtrise à la perfection les codes du genre « tarantinesque », et assume, avec un peu trop de gourmandise, le second degré de « Stella et l'Amérique ».

« Et puisqu'on en est au chapitre 40, et que c'est un chiffre pair et que les deux frangins aiment ça, je propose qu'on fasse une ellipse et qu'on passe directement à la partie VI de ce roman américain écrit par un Suisse. »

Entre un pape qui se prénomme « Simon », et deux tueurs à gages qui ressemblent à des stéréotypes sur pattes, le lecteur avait saisi qu'il avait affaire à une farce. La magie de la littérature surgit lorsque le lecteur oublie qu'il est en train de lire une fiction, et que cette fiction lui paraît tout à la fois plus réelle et plus passionnante que son quotidien. Inutile, Monsieur Incardona, de nous rappeler que vous êtes un prestidigitateur des lettres, au risque de briser la magie de votre prose.

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Malgré ce péché de gourmandise, que l'on pardonnera à son auteur virtuose, « Stella et l'Amérique » reste un roman étourdissant, qui dissimule au creux de son intrigue un questionnement métaphysique sur la possibilité de l'apparition d'une sainte au coeur d'une Amérique dont le seul Dieu s'appelle le billet vert. Aussi innocente que généreuse, Stella évoque Marie-Madeleine, voire une forme de nouveau messie, qui rend la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la mobilité aux paralytiques en leur prodiguant l'acte d'amour.

Si Joseph Incardona fait montre d'une cruauté acide envers un pape bedonnant et ses sbires qui préfèrent une sainte-martyre à une sainte-putain, c'est pour mieux dénoncer l'hypocrisie éhontée de ces pharisiens des temps modernes prêts à faire disparaître un coeur pur pour sauver les apparences.

Le père Brown, qui a troqué son M16 contre une soutane, incarne la vraie foi qui a abandonné le Vatican. Il saisit la portée des miracles que prodigue Stella et entrevoit dans les prodiges accomplis par la jeune femme, la possibilité d'une transcendance oubliée.

Le prêtre habité et la sainte qui s'ignore forment un couple de personnages aussi improbable qu'inoubliable. Ils nous rappellent, chacun à leur manière, que l'innocence, la probité et la générosité ne sont pas seulement des mots, parfois galvaudés, mais aussi des qualités que chacun d'entre nous porte au creux de son être.

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« Comme une fille sensée le ferait. Parce que n'importe qui peut être Jésus. Descendre dans la rue, donner une couverture à quelqu'un qui a froid. Être bon, généreux, sincère et loyal, c'est donné à tout le monde. Mais on vous tuera pour ça. »

Cat Power (chanteuse américaine) lors d'une interview donnée en novembre 2023.

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Road trip dans le Sud des États-Unis

On retrouve Joseph Incardona au meilleur de sa forme dans ce roman américain qui voit une bande d'individus partir à la poursuite de Stella, la prostituée capable de guérir ses clients en faisant l'amour. Un road-trip plein de rebondissements autour d'une question qui pourrait bien remettre en cause le Dogme.

Joseph Incardona fait partie de ses rares auteurs qui savent attraper le lecteur dès l'incipit, poser un décor, donner chair aux personnages. «Il faut savoir que Stella n'était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte.» La jeune femme de «19 ans, l'âge des martyrs» vit dans une caravane avec des forains dans le sud des États-Unis. Elle «ne pouvait que devenir ce qu'elle portait en elle: la quantification du désir. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une putain.»
Seulement voilà, comme elle le confie à Santa Muerte, son amie Mexicaine, 89 ans 48 kilos, son dernier client, atteint d'un psoriasis, avait découvert son visage et sa peau «pure et lisse comme celle d'un enfant» après avoir eu une relation sexuelle tarifée avec elle et avoir quitté sa caravane. Ce qu'elle n'ose appeler un miracle vient pourtant de se produire pour la troisième fois et commence à attirer les curieux, mais aussi le prêtre du coin qui s'empresse de prévenir les autorités ecclésiastiques.
Branle-bas de combat jusqu'à Rome où l'on voit ce phénomène comme une formidable opportunité. Après tout, les saints sur le sol américain sont une denrée très rare.
Mais plutôt que de mener une enquête en béatification, il faut tenter d'étouffer l'affaire, car la manière dont se produisent ces miracles n'est pas très catholique!
Pendant ce temps, Stella a repris la route, ne se doutant pas qu'elle était recherchée par un prêtre, mais aussi par les frères Mike et Billie Bronski, deux tueurs à gages au palmarès impressionnant, sans oublier Luis Molina, le journaliste du Savannah News qui donne crédit aux rumeurs et se met sur la piste de la guérisseuse et des éclopés qui la suivent, rêvant déjà de décrocher un Prix Pulitzer.
Dans la grande tradition du road-trip américain, Joseph Incardona nous fait voyager de la Géorgie au Nevada, en passant par la Floride, choisissant de préférence des endroits hors des sentiers battus comme Penholoway Bay ou Sopchoppy, avant de conclure avec un final dont il a le secret à Las Vegas.
Venu du polar, son sens du rythme et de l'intrigue font ici merveille. D'autant qu'il se met lui-même en scène avec un joli sens de l'humour. Comme dans ce chapitre où il n'hésite pas à avouer un léger coup de mou, avant de se reprendre: «C'est un peu le hasard qui veut ça, mais ça tombe précisément au début de ce chapitre, et dans un léger accès de dépression, où les mots sont à la fois vains et apparaissent comme l'ultime rempart à la déroute; ce moment où j'aurais envie de m'en foutre de l'histoire tout en continuant à l'écrire. Ce qui ne serait pas par manque d'imagination, mais par simple inertie, le confort de l'art pour l'art, un roman qui perdrait petit à petit son intrigue, lâche parce qu'éminemment littéraire. Mais il y a Sandmann Johnny. Il y a le jazz, la malice et le sel de la vie qui, parfois, devient sucre sur la langue. Il y a la nécessité de la musique ayant couvé sous la braise de la frustration car le souffle avait manqué.»
Rassurez-vous, ce roman ni manque ni de souffle, ni d'esprit. L'auteur de la soustraction des possibles et des Corps solides se révèle même au meilleur de sa forme. Voilà qui lance bien l'année 2024!
((Babelio – Lecteurs.com – Livraddict))
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Elle est américaine. Elle n'est peut-être “pas très futée ni exactement belle, mais désirable, ça oui”. du haut de ses 19 ans, avec sa sincérité toute ingénue et ses beaux yeux d'ambre, la jeune femme se révèle être l'incarnation de la grâce et du désir. Mais ce n'est pas tout! Il paraîtrait même que, moyennant rétribution, elle fasse des miracles!
Les Etats-Unis ont enfin trouvé leur Sainte en la personne de Stella, péripatéticienne au grand coeur qui guérit les causes perdues et ceux que l'on pensait condamnés par la maladie… Seul hic, pour être sauvé, ben faut coucher! Et oui! Certes, ces méthodes ne sont pas pour déplaire aux malades et la nouvelle a de quoi redonner espoir à tous les pauvres hères. Malheureusement pour eux, l'Eglise considère qu'elle a déjà assez donné avec Marie-Madeleine… Alors, cette fois encore, le Vatican voit d'un mauvais oeil cette Sainte prostituée qui commence à faire parler d'elle… Il vaut parfois mieux s'asseoir sur quelques miracles pour mieux conserver son autorité… Et puis, les Saints Martyrs, l'Eglise aime bien ça. Ça s'exploite sur du long terme, sans avoir à pinailler sur les termes du contrat. Alors, un petit coup de fil aux meilleurs tueurs à gage du pays et l'affaire devrait vite être étouffée… Enfin, c'est sans compter sur le prêtre James Brown, ancien Marines repenti, reconverti en ange gardien pour l'occasion et qui s'est mis en tête de veiller sur la belle…

Avec ce nouveau roman, force est de reconnaître que monsieur Incardona a du talent dès qu'il s'agit de divertir son lecteur! J'avais déjà été séduite et touchée par l'humour acéré mêlé de tendresse qui se dégageait des “Corps solides”, mais avec “Stella et l'Amérique”, on atteint carrément un nouveau sommet d'humour déjanté, voire carrément barré! Difficile de ne pas penser à Tarantino et aux frères Cohen, à la lecture de ce road-trip mené tambour battant et porté par des personnages hauts en couleur, qui nous embarque dans une véritable course poursuite à travers les Etats-Unis avec, pour destination finale, Las Vegas, la ville où tout est possible…

Entre deux tueurs sadiques et particulièrement zélés, un journaliste convaincu qu'il tient là son sujet pour le Pulitzer, un ancien combattant qui ferait de l'ombre à Jason Statham et une Sainte pas nitouche pour un sous, y'a pas à dire, on ne s'ennuie pas une seconde! C'est rocambolesque à souhait, parfois politiquement incorrect, et ça mêle sciemment tous les ingrédients d'un bon blockbuster: sexe, action, testosterone, amour et espoir. Bref, what else? comme dirait l'autre! Ah si, quid du “happy end”? Bon ben pour le savoir, vous savez ce qu'il vous reste à faire…

Pour ma part, je me suis régalée, tant grâce au sujet que grâce à la plume de Joseph Incardona, capable de faire ressortir toute la fantaisie, mâtinée d'insolence du texte. L'auteur n'hésite d'ailleurs pas, pour notre plus grand plaisir, à faire de nombreuses incursions à l'intérieur du récit, commentant, critiquant ou questionnant ce qu'il raconte. Bref, c'est drôle, décalé, impertinent, original et surtout, surtout, ça fait un bien fou!

Mention spéciale à l'éditeur et à son travail particulièrement soigné sur la couverture qui, en plus de publier un super texte, nous offre un bel objet!
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Le prologue donne le ton : Stella n'est ni très belle, ni très intelligente, mais quand elle regarde les hommes, ils se sentent vivants. « Ça peut suffire pour devenir putain. » En effet, Stella Thibodeau, 19 ans, se prostitue dans sa petite caravane. Elle suit un groupe de forains qui exercent en Géorgie, dans le sud des États-Unis. Ils font étape dans de petites villes où ils trouvent leur public, et Stella, des clients. Comme elle l'a confié à sa seule amie, Santa Muerte, une vieille voyante mexicaine, trois des clients avec lesquels elle a couché sont guéris : l'un était atteint de psoriasis sévère, un autre, paralysé et le suivant, aveugle. Et Stella sait bien qu'ils ne sont pas les seuls... D'ailleurs, le bruit de ses miracles commence à se répandre et une file d'attente masculine s'est formée devant la caravane. L'Église catholique commence à s'inquiéter : qu'une jeune fille fasse des miracles, soit ! Ce ne serait pas la première fois. Mais que ces miracles adviennent quand elle couche avec un homme, dans une relation tarifée qui plus est, ce n'est pas supportable. Ne vaudrait-il pas mieux en faire une martyre ? Voilà qui aurait de la gueule…
***
Le personnage de Stella, naïve, généreuse et solaire, incarne la bonté même. James Brown, ancien navy seal devenu prêtre, bien involontaire artisan des ennuis de Stella avec l'Église, n'aura de cesse qu'il la sorte de ce mauvais pas. Il choisit la fuite qui les mènera tous les deux jusqu'à Las Vegas, dans un road trip dément, pour échapper aux ignobles jumeaux Bronski. Comme dans ses autres romans, la critique sociale est féroce… Joseph Incardona nous entraine dans une farce déjantée, un récit à la fois drôle et dramatique, léger et profond. Il met en scène, avec délectation me semble-t-il, des personnages manichéens qui correspondent aux clichés habituels : « ils sont la légende, ce que je tente de décrire », dit-il à propos des jumeaux Bronski (p. 83), mais on peut étendre la remarque aux autres personnages. C'est aussi le cas pour les décors qu'il nous fait traverser, tout droit sortis des films qu'il affectionne. Bref, la parodie est moins appuyée que dans Lonely Betty, mais bien présente quand même. Les noms des personnages sont toujours chargés de sens (Stella, Santa Muerte) ou d'allusions, musicales dans ce cas-ci (Bronski, James Brown). Je crois que c'est ce que j'aime tant dans les romans de cet auteur, Stella et l'Amérique comme les quatre autres que j'ai lus. En plus de l'intrigue, en plus des personnages attachants ou détestables, parfois les deux en même temps, la complicité qu'il cherche à établir avec le lecteur me ravit. La confusion volontaire entre narrateur et auteur, les confidences de l'auteur (« j'ai trop bu, et je suis si triste, faut pas m'en vouloir de ce lyrisme… ), deux actions simultanées présentées en deux brèves colonnes, les adresses aux personnages, l'interpellation du lecteur, les jeux sur la taille de la police de caractère, le « nous » incluant l'écrivain et le lecteur, les allusions littéraires, cinématographiques et philosophiques, autant de clins d'oeil qui m'enchantent. Jusqu'à l'achever d'imprimer qui se targue de « presses miraculeuses » ! J'en redemande...
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Stella et l'Amérique, c'est un peu le pendant en livre des films de Tarentino. Avec pour guest-star une prostituée qui fait des miracles, un pape sportif, un prêtre ancien SeAL et 2 tueurs à gage que j'ai imaginé tout le long de ma lecture avec le physique des Frères Bogdanov. C'est drôle, ça canarde beaucoup, il y a peu de répit et la charité chrétienne est à son minimum. En effet, impossible pour la papauté d'imaginer une sainte (pour le processus de canonisation , vous pouvez lire En vérité Alice), guérisseuse par la fornication ! Alors, tous les moyens sont bons pour s'en débarrasser !
Un livre des plus distrayants (et ça fait du bien 😉)
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Stella Thibodeaux, américaine de dix-neuf ans, au destin improbable, a beau être un personnage totalement invraisemblable, la plume incroyablement inventive de Joseph Incardona me l'a rendue brusquement si vraie, si proche, si vivante.
Tout le récit est construit autour de ce personnage féminin qui exerce le plus vieux métier du monde à bord de son camping-car, sur les routes des États-Unis dans le sillage d'une fête foraine ambulante.
Tout se passe plutôt bien pour Stella, jusqu'au moment où elle s'aperçoit qu'elle accomplit des miracles auprès de certains de ses clients, - elle préfère parler de résorptions. En effet elle guérit ceux qui sont affligés de maladies ou de handicaps graves en leur faisant l'amour, l'acte sexuel procurant à ces hommes le plus souvent seuls et rejetés de tous un plaisir, une joie indicible en même temps qu'il transforme radicalement leur vie.
Hélas de tels événements ne passent pas longtemps inaperçus. Un certain Robert Smith, affligé d'un vilain psoriasis qui, grâce aux bons soins de Stella, a miraculeusement disparu, ne trouve rien de mieux à faire que d'aller à confesse et de tout raconter au père James Brown, un ancien des Navy Seals reconverti dans la prêtrise. Ce dernier en est tellement troublé —vous pensez, un miracle dans sa paroisse — qu'il s'en remet aussitôt à sa hiérarchie. L'affaire remonte jusqu'au Vatican, où on s'enthousiasme déjà à l'idée de sanctifier la jeune élue, sauf qu'à y regarder de plus près, le CV de la future sainte a de quoi affoler le dogme catholique. Mais comment donc ?! Une vulgaire putain ?!
Le Saint-Père indigné décide de lancer ses sbires aux trousses de la belle afin d'étouffer ce scandale sous une juste omerta religieuse...
Deux anges du ciel, ou plutôt deux démons sortis tout droits des entrailles de l'Enfer, sont dès lors missionnés pour transformer l'infâme créature en martyre et sainte dûment assermentés par l'Église. Elle n'a pourtant rien demandé, et se serait sans doute volontiers passée d'une telle grâce. Les anges désignés, ce sont les affreux frères Bronski, deux jumeaux sans pitié, Billie et Mike, infatigables tueurs à gages d'une efficacité redoutable qui comptent déjà à leur actif 1.239 âmes...
Quand le malheureux prêtre, James Brown, retiré dans sa modeste paroisse au fin fond de l'État de Géorgie, réalise qu'il a commis une grosse, une très grosse gaffe, il décide de se racheter auprès de la belle Stella. Pour lui il n'y a désormais pas d'autre choix que de l'aider à fuir. Dans le même temps, un certain Luis Molina, du magazine Savannah News, mis au courant de l'événement et qui veut faire de cette affaire le prochain prix Pulitzer pour le journal, se lance aux trousses de la belle équipée...
Tout ceci nous offre un road-trip jubilatoire digne des meilleures comédies noires américaines, avec des personnages haut en couleurs, finement et facétieusement portraiturés : des tueurs à gage tout droit sortis d'un film de Quentin Tarentino qui citent Nietzsche et Heidegger, une voyante nonagénaire répondant au nom prédestiné de Santa Muerte qui n'a pas son pareil pour sucer le serpent au fond de sa bouteille de mezcal, son vieil amoureux Tarzan avec lequel elle entretient une relation aussi intense et ardente qu'aux premiers jours, un prêtre héroïque, amoureux et bouleversant dans sa quête de rédemption... On devine clairement les références cinématographiques de Joseph Incardona, dont le récit ressemble à un savoureux pastiche totalement déjanté, mais là où l'auteur se détache des références originales et casse les codes du genre, c'est dans la manière de traiter les personnages féminins, en premier lieu celui de Stella. Joseph Incardona fait de l'héroïne de son roman, une femme libre qui habite le monde avec joie, une joie pure, simple, naturelle. C'est peut-être ici le vrai miracle qui s'accomplit et qui fait de Stella et l'Amérique un si beau récit, aussi drôle et touchant que résolument iconoclaste.
Qu'en est-il des messages, me suis-je demandé ? Et y en a-t-il d'ailleurs ? Bien sûr au premier abord on pourrait être tenté d'y lire une charge virulente contre la religion. Mais Joseph Incardona sait clairement faire la part des choses entre la religion du haut, celle des dignitaires du Vatican qui baignent dans l'opulence, le cynisme, le pouvoir et celle du bas, incarnée par le père James Brown entièrement dévoué à sa paroisse, aux laissés-pour-compte d'une Amérique profonde et meurtrie...
Sans doute, à travers le beau personnage de Stella, peut-on voir aussi une forme de rapport au monde innocent, spontané, dans la joie pure de l'instant, comme on l'observe parfois chez les enfants, chez certains fous ou chez les sages. La façon avec laquelle cette jeune femme aborde l'existence et les autres, sans le filtre de la morale et des préjugés, m'a particulièrement touché.
Stella est un personnage magnifique absolument dépourvu d'arrière-pensée, incapable de concevoir le mal et tout entier dans le don, le don de soi, l'amour de son prochain, n'éprouvant aucune répugnance face à ces corps défaits, atrophiés, malades, dont elle prend soin et auxquels elle apporte le plaisir suprême en même temps que le salut. Véritable figure christique, elle irradie tout le récit de sa présence solaire.
Critique sociale acerbe, comédie noire débridée, ce récit est une véritable ode à la joie et à l'amour, un vibrant hommage rendu à l'innocence et à tous les coeurs purs qui, loin de la malignité et de la méchanceté des hommes, réinventent le monde dans la beauté, la poésie et la grâce.
« Il faudrait qu'on se souvienne de la première fois qu'on a aimé pour de vrai, aimé cet autre qui vous a brisé le coeur. Ce moment précis où l'on s'est senti orphelin parce que cette présence nouvelle vous était désormais indispensable. »
Stella fut à mes yeux cette première fois...

Anna (@AnnaCan), qui a lu ce livre avec moi mais n'a pas le temps d'en rédiger un retour, m'a confié le soin de le faire en nos deux noms. Je tiens à la remercier tout particulièrement pour l'échange d'idées et pour sa relecture attentive.
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Stella, une prostituée de 19 ans qui accomplit des miracles sur les hommes avec lesquels elle s'accouple.
De hautes instances cléricales, légèrement mafieuses, qui aimeraient en faire une Sainte selon leur intérêt.
Des tueurs, frères jumeaux, engagés pour en faire une martyre.
Un prêtre sauveur, un journaliste opiniâtre et encore d'autres personnages tous plus hauts en couleur les uns que les autres.

Avec cette galerie d'individus loufoques, farfelus, improbables, l'auteur nous embarque dans un road-trip déjanté à travers une partie de l'Amérique. Ça ne manque pas d'action. Des péripéties en veux-tu en voilà, parsèment ce récit.

En règle générale, je n'adhère pas vraiment aux histoires trop fantasques. J'ai du mal à rentrer dedans. Mais pour celle-ci, sûrement par la qualité de la plume de l'auteur, j'ai pris un certain plaisir à la lecture.

L'écriture épouse l'histoire qu'elle raconte. C'est un accord parfait ; tantôt insolent, tantôt burlesque, l'humour noir et grinçant n'est jamais trop loin. C'est cynique, acide, corrosif. L'auteur a un réel talent pour narrer ce genre d'histoire, un brin décalé.


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