Citations sur Le Solitaire (127)
Mais oui, mais oui, le monde ensoleillé nous l’avons en nous-mêmes, la joie pourrait éclater à tout instant continuellement, si on savait, je veux dire si on savait à temps. Qu’elle est belle la laideur, qu’elle est joyeuse la tristesse, comme l’ennui n’est dû qu’à notre ignorance !
Il y a toujours eu ce sentiment que quelque chose me manquait. Qu'est-ce qui me manquait? Qu'est-ce qui m'a manqué? J'aurais voulu tout savoir. C'est cela qui me manquait. De ne pas avoir su. De ne pas savoir tout. (...) Je n'avais fait aucun effort parce que je sentais qu'on ne pouvait pas savoir. J'en étais inconsolable.
À trente- cinq ans, il est temps de se retirer de la vie.C'est du moins ce que pense le personnage du premier et de l'unique roman d' Eugène Ionesco.Un héritage soudain lui permet d'abandonner un travail médiocre et ennuyeux qu'il faisait, plutôt mal, dans un bureau anonyme. Il ne lui reste plus désormais qu'à essayer de goûter la vie, c'est-à-dire, pour lui, de faire l'apprentissage de la mort.
( ***extrait introduction)
( Folio, 1989)
On est isolé, l’isolement n’est pas la solitude absolue, qui est cosmique, l’autre solitude, la petite solitude, n’est que sociale. […] Ce sont les souvenirs, les images, les présences des autres qui vous torturent. Qui vous ennuient. Il y a une solitude ennuyeuse et insupportable, c’est celle où l’on se réfère aux autres, où on les appelle, où l’on a besoin d’eux, où on les fuit parce que l’on croit à leur existence. C’est des autres que l’on a peur, alors on se précipite vers eux comme pour les désarmer.
En somme nous regrettons tout, cela prouve bien que ce fut beau.
A trente-cinq ans il est temps de se retirer de la course. Si course il y a. J'en avais par-dessus la tête de mon emploi. Il était déjà tard, je n'avais pas loin de quarante ans. Je serais mort d'ennui et de tristesse si je n'avais pas fait cet héritage inattendu. C'est bien rare, mais il y a encore des oncles d'Amérique, à moins que le mien ne fût le dernier.
La vie est merveilleuse quand on la regarde dans son ensemble, dans son passé, dans cette sorte d'espace que devient le temps quand tout s'est éloigné.
- Moi, je suis raciste, dit la serveuse, parce que j’aime toutes les races.
- Des races, il n’y en a pas, dit le patron.
- Alors, je n’aime personne, répondit la serveuse, sauf les jaunes.
Je regardais un objet se trouvant devant moi, un mètre soixante-dix de haut, un mètre vingt de large, avec deux battants de porte que l’on pouvait ouvrir. A l’intérieur, il y avait des planches où des vêtements, les miens, étaient accrochés, et du linge, le mien, rangé sur des planches. Evidemment, si on m’avait demandé ce qu’était cet objet, j’aurais répondu que c’était une armoire. Mais cela n’était plus une armoire, je ne pouvais croire sincèrement que ce fût une armoire, ce n’était pourtant pas autre chose. A tout le monde, j’aurais pu répondre que c’était une armoire. Pourtant les mots mentaient. Non seulement les objets n’étaient plus les mêmes objets, mais les mots n’étaient plus les mêmes mots. Les mots me paraissaient faux. Les objets avaient perdu, me semblait-il, leur fonction. J’en faisais quelque chose de ces objets, mais il me semblait que ces objets n’étaient pas destinés à ce que j’en faisais, et même qu’ils étaient hors de tout emploi.
Après mon septième apéritif, je pensais qu'il n'y a ni réel, ni irréel, ni vérité, ni mensonge. Toutes les philosophies et toutes les théologies sont bonnes ou mauvaises si on veut ou si on ne veut pas.