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Un couple de vieux (94 et 95 ans) s'affairent pour préparer la salle qui doit accueillir le public pour assister à une conférence, les chaises sont disposées, leur nombre ne cessera de croître, jusqu'à saturer l'espace scénique. Le couple, complice au début s'échange des attentions de tendresse, des petits mots, des surnoms d'affection. Arrivent les premières personnes qui resteront invisibles mais avec lesquelles vont se construire des dialogues des relations qui vont révéler la vacuité de la relation et faire exploser le couple.
Les Chaises c'est une pièce terrible, une "farce tragique" comme le définit
Eugène Ionesco qui met en lumière le vide de ce couple qui dès le départ semble uni mais qui très vite va se révéler presque artificiel, dès l'arrivée de l'amour de jeunesse de l'homme toute la relation construite avec sa femme va exploser, celle-ci va de son côté réagir comme un petite fille coquette et capricieuse.
Au fur et à mesure que se remplit la salle de public et de chaise, le vide intérieur du couple grandit jusqu'à la souffrance ultime qui le fera disparaître.
J'ai énormément apprécié cette pièce de Eugène Ionesco, une première lecture de son théâtre (je n'avais vu qu'une pièce au théâtre : La leçon) qui m'a donné envie de poursuivre ma découverte de cet auteur surréaliste.
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Un vieil homme et une vielle femme attendent un public. Pourtant ils en ont un, devant la scène, dès le lever du rideau qui rougeoie. Mais ils ne s'en aperçoivent pas, car ils ont la vue qui baissoie. Puisque ces âmes soeurs (ou ânes-soeurs ?) ne voient rien venir, ils ont confiance en la bonne conclusion de la pièce et de leur existence proche de s'achever, car ils ont quand même plus de 90 balais. Et à peu près le même nombre de chaises. Comme une église en attente de ses fidèles.

Cependant le couple est uni par un amour, une foi, qui porte quasi-uniquement sur eux, sur les vieux et non pas sur Dieu. Un amour non seulement aveugle mais aussi sourd aux incohérences sur lesquelles il se fonde, quand le duo cherche à retracer des éléments de la biographie et de la carrière du vieux, et plus particulièrement de sa paternité qui a mal tourné, sans que l'on sache bien comment. C'est dire si elle est reniée. Dans ce discours d'aveugles et de sourds, on est proche du non-sens, mais plutôt au sens anatomique de l'expression. Car en l'absence de leurs sens, cela fait sens pour les vieux de ne percevoir que ce en quoi ils croient et d'ignorer ce en quoi ils ne croient plus, puisqu'ils se détachent des rappels et dénégations que le réel pourrait manifester.

Ils semblent croire aux fantômes, car ils se mettent à accueillir un public invisible. Et peut-être, allez savoir, que les fantômes existent bel et bien dans cet univers isolé et désolé, de nature post-apocalyptique à en croire quelques remarques sibyllines de nos deux séniles en scène.

Le public immatériel redonne aux vieux plein de force et d'énergie, entrecoupées d'abattement dès que la discussion achoppe et que le rythme des arrivées et des présentations fait mine de se ralentir. Il faut toujours plus de chaises, des invités toujours plus prestigieux. Ce public-fantôme est un public compulsif pour les vieux, qui se convulsent pour le faire exister et satisfaire leur désir d'être écoutés avant la fin. Les chaises prolifèrent comme les champignons atomiques qui pourraient s'être épanouis sur ce monde, et le mouvement s'accélère en un rythme affolé. Mais ce mouvement des chaises ne sert que lui-même. Il constitue une fin en soi, sans que les vieux daignent se l'avouer. Et il annonce la fin.

Faute de fils, les vieux n'ont pour progéniture que ce public et le « message universel » que le vieux leur destine. Son langage en héritage. Mais même cette paternité là, le vieux ne l'assume pas jusqu'au bout. Car il confie l'énonciation du message à un autre, l'Orateur, sans même oser rester l'écouter. Il s'avère donc bien plus lâche que le héros d'Eraserhead de David Lynch, qui, lui, avait au moins le courage d'affronter son rejeton apocalyptique. Les chaises et la promesse du langage du vieux ne servent que de paravent pour maintenir une vie artificielle dans un monde que la vie a quasiment déserté. Les vieux fuient le réel, ils fuient la vie. Ne symbolisent-ils donc pas le langage tel que le concevait Ionesco ? À moins que leur exécuteur testamentaire l'Orateur, mutation du poète maudit, ait percé le mystère du langage de ce nouveau testament pour nous révéler à quoi il rime, tel Saint Jean le Révélateur ? Sa parole oraculaire sonnera en tout cas le retour au réel et la fin du monde, ultime Apocalypse en forme de fermeture du rideau.
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On dirait « le Roi se meurt »… mais ici, ce sont deux petits vieux esseulés qui discutent et se chamaillent une dernière fois avant de se retirer. C'est moins désespéré, plus attendrissant et réconfortant. le tragique se réduit au comique puis disparaît… Les gens et les histoires s'estompent… Il ne reste plus que le dernier lien qui rattache ces deux pauvres vieux l'un à l'autre. Un lien comme un autre, qui aurait pu être n'importe quel autre après tout, car on s'habitue à tout et tout est égal.
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Relecture audio de la fantaisie délirante de Ionesco. La démesure de l'invisible qui impose un dédale de chaises est toujours aussi stupéfiant. Certes, le noeud du sujet sur l'âge a tendance à "dater" le propos (dans tous les sens du terme), néanmoins l'universalité de la situation est saisissante grâce à sa grandiloquence absurde. À la fin de sa vie, un homme veut révéler aux gens, ce qu'il sait sur le monde et qui va très certainement le sauver ! Sa femme l'assiste, le valorise, le cajole, joue la mère, l'enfant... La farce est ahurissante tant le propos théâtral (surtout en audio, je trouve) aide à se faire les images mentales. On les voit, les chaises accumulées, les conversations entre personnes absentes, les coups de sonnettes, les coups de stress et la démesure de la représentation en société (et théâtrale également). le moment où la vieille joue les séductrices est inattendu et tellement juste. Ils rejouent le fil de leur vie, le tout pour le tout, le va-tout avant le grand saut. La scénographie proposée par l'auteur est dans un sens obsolète et constitue néanmoins la clé de voûte du dispositif théâtral dans une complexité inextricable, implacable et imparable. du grand art.
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Deux petits vieux, au terme de leur existence, donnent une grande réception...les invités sont nombreux: ce sont des chaises, auxquelles les deux vieillards prêtent vie, parole et pensée...

Les chaises sont une absence-présence, elles obstruent littéralement l'espace scénique, matérialisent la solitude des deux vieillards et.stimulent ce qui en eux vit toujours, le langage et l'imagination.

Inquiétant, cauchemardesque? Non: plutôt drôle, souvent tendre, poétique et déjanté...

On aimerait le voir plus souvent porté sur la scène...
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J'ai lu « Les chaises » d'Eugène Ionesco, maître de l'absurde, il y a quelques années mais j'en garde un très bon souvenir, comme toutes les pièces de théâtre de Ionesco d'ailleurs.
Cette tragi-comédie peut sembler farfelue ou fantastique car elle met en scène une réception peuplée de fantômes organisée par deux vieux au soir de leur vie mais il me semble qu'on peut aussi la voir comme une manifestation tout simplement réaliste. Il y a un côté "c'est la vie !" dans cette pièce car le couple fait le bilan de toutes les années passées. le vieil homme et la vieille femme ressentent le besoin de prouver que leur existence n'a pas été inutile et qu'ils ont un message à transmettre, un message qui sauvera l'humanité.
Lui, terriblement affable et elle, désespérément complaisante, nous tiennent en haleine au rythme des chaises qui s'entassent, qui s'exposent, qui chutent, qui encombrent mais qui toujours entretiennent l'espoir.
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De retour chez Ionesco, auteur que j'aime toujours plus à chaque pièce que je lis de lui... Cette pièce-ci m'attirait, dans sa renommée quelque peu éclipsée par La Cantatrice chauve et Rhinocéros et je dois dire avoir été assez surpris : J'ai toujours trouvé Ionesco plus drôle, plus fou, plus coloré, moins austère et terriblement tragique que Beckett, et j'ai toujours Beckett pour point de référence, de par ma découverte du théâtre de l'absurde grâce à lui. Et bien je dois dire que j'ai d'entrée de jeu trouvé Les Chaises de Ionesco comme la plus beckettienne de ses pièces, du moins parmi celles que je connais.

Sa présentation comme "farce tragique" annonçait la couleur : Seuls deux personnages principaux sont présents quasiment tout du long, le Vieux et La Vieille, et semblent placés sur une trajectoire proche de celle de Vladimir et Estragon d'En Attendant Godot ou d'Hamm et Clov de Fin de partie : le Vieux et La Vieille paraissent se donner la réplique pour combler le silence et passer le temps, avec des répliques récurrentes et leitmotifs entraînant à la fois le comique de répétition et l'illustration de cet ameublement verbal du silence. La Vieille semble toujours reprocher au Vieux ce qu'il aurait pu être mais ne sera pas, le Vieux attend un certain Orateur qui doit leur rendre visite afin de l'aider à délivrer son message au monde, message que le Vieux ne parviendra jamais à formuler, mais que l'on perçoit tout du long comme la finalité, le seul point d'arrivée de son existence. Comme chez Beckett, il leur faut à tout prix donner un horizon au néant. On retrouve tout de même le mélange d'humour (notamment le gag récurrent sur le statut du Vieux maréchal des logis-chef/concierge, les professions imaginaires énumérées par la Vieille en homéotéleutes, et l'absence totale de limites dans l'inattendu et l'absurde propres à Ionesco) mais la pièce n'a cessé de me replonger dans mes lectures et études adolescentes de Fin de partie ! le dehors, seulement décrit comme entouré d'eau, participe de l'écho à Fin de partie sur le plan de la représentation apocalyptique d'un monde où il ne semble y avoir plus rien que ces deux malheureux personnages.

Le Vieux et La Vieille ne s'arrêtent pas là dans leur mécanisme, on connaît Ionesco et son théâtre fou : Ils attendent des invités, représentés par les fameuses chaises du titre, présentes sur scène. Viendront alors une succession de personnages imaginaires (ou pas ? L'ambiguïté est maintenue) qu'ils n'auront de cesse d'accueillir, dans un jeu à deux où ils auront l'air d'inventer leurs amis imaginaires en direct ensemble, leurs conversations... Tous ces invités que nous ne voyons jamais viennent assister au fameux discours du Vieux aidé par l'Orateur dans lequel il doit délivrer son fameux message ! le comique visuel et scénique est présent, avec les Vieux parlant sans cesse à ces chaises vides, et surtout, la Vieille allant sans cesse chercher des chaises supplémentaires pour rien, traversant les multiples portes de la scène avec la cohérence spatiale d'un personnage de cartoon ! Ce public et ces chaises sont évidemment un miroir scénique troublant avec la salle de théâtre... On retrouve les didascalies très détaillées et élaborées chères à l'auteur, qui seront même parfois contradictoires et désamorcées par une note de bas de page ! J'avais l'impression d'être à la fois dans Fin de partie et dans The Father avec Anthony Hopkins (et donc, dans le Père de Florian Zeller). La tension entre le comique absurde et le tragique est perpétuellement là, mais c'est sans doute une des pièces de Ionesco les plus sombres avec le roi se meurt. Je dois dire m'être particulièrement attaché au Vieux, sans cesse dans le regret de ce qu'il aurait pu être, s'égarant sempiternellement dans le verbiage de l'annonce à venir de son fameux message qu'il n'explicitera jamais, cherchant désespérément sa place dans l'humanité, croyant qu'il doit à tout prix éructer cette parole performative pour ainsi avoir été quelqu'un.

Ionesco, comme d'habitude, pousse son système jusqu'à ses limites : Les Vieux se retrouvent évidemment submergés par l'accumulation de leurs invités/spectateurs imaginaires ou pas, perdant le fil de qui est là, avec le background qu'ils se sont imposés... Ou se retrouvant bel et bien inondés par l'humanité venue assister au fameux discours capital du Vieux et de l'Orateur, c'est laissé à notre interprétation ! Ionesco pousse le curseur jusqu'au bout dans une fin qui est une sorte d'anti-En attendant Godot, mais en conservant toujours l'équilibre tragique et comique avec le loufoque des derniers arrivants. Je me rends compte en écrivant tout ceci que Les Chaises précède les pièces les plus connues de Beckett, et pourtant, les similitudes sont bel et bien là, avec évidemment les caractéristiques propres à la fantaisie verbale et scénique débridée de Ionesco.

J'ai vraiment adoré, même si Rhinocéros reste ma pièce préférée de cet auteur complètement déjanté mais si pertinent, on peut difficilement faire plus dingue que Rhinocéros. Comme d'habitude, j'ai encore du mal à quitter la pièce, ses vieux et ses chaises, et je ne sais pas du tout ce que je vais lire ensuite...
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Voici le tout premier Ionesco que je lis dans son intégralité ! Bien sûr j'avais étudié quelques pièces, mais uniquement en extrait et pas celle-ci. C'est à mon sens une excellente découverte. L'absurde y est bien présent, on y voit les thèmes chers au dramaturge comme la difficulté de communiquer et le tout avec un substrat religieux.
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Un couple de personnes âgées est assis, statique et blême, sous une seule ampoule tamisée et un enchevêtrement de chaises dépareillées suspendues à hauteur de plafond. Ils sont mariés, disent-ils, depuis 75 ans et se réunissent chaque nuit dans leur maison isolée sur une île déserte pour passer le temps en se racontant des histoires. La Vieille Femme plaide pour ces histoires "Chaque soir, j'y viens toute innocente", tandis que le Vieil Homme s'insurge contre leurs thèmes usés. "J'en ai marre de l'histoire des Tudor", se plaint-il.
Les histoires s'effondrent immédiatement dans le récit, à peine plus que des fragments de contes, avec tous les détails clés obscurcis par le temps qui passe. le classique absurde d'Eugène Ionesco de 1952 est un peu comme ça aussi, abandonnant comme il le fait les personnages conventionnels, la psychologie et l'intrigue en faveur de moments d'être sans racine et déroutants.
Il y a quelques lignes tristement drôles, mais il s'agit principalement d'une exploration sombre de grands thèmes du milieu du siècle. Il est possible, dans le contexte de notre population vieillissante, de le lire simplement comme s'agissant de la dernière étape de la vie et de la façon dont on y fait face : le couple pourrait avoir perdu la tête ou réaliser un fantasme pour passer une autre longue nuit.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Les chaises s'empilent sur la scène, gagnent peu à peu l'espace qui s'obstrue et étouffe. Servent-elles à s'élever, à penser, à communiquer? A vous de voir en lisant ou en voyant la pièce. C'est une pièce qui fait éprouver des sentiments pour les personnages, qui ne peuvent se rejoindre. Un Ionesco sentimental, ça change, mais ça reste absurde!
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