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3,77

sur 740 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avant toute chose, il me semble important de spécifier que ce roman n'est pas autobiographique. On pourrait se poser la question car non seulement il est écrit à la première personne, mais le héros est né de père inconnu, il évolue dans un milieu universitaire, entouré de lutteurs, il adore Dickens, il étudie à Vienne, devient écrivain... Autant de points communs avec l'auteur. A ce sujet, John Irving explique que s'il a voulu partager tous ces points communs avec son héros, c'est justement pour l'aider à se sentir plus proche de lui, mais la comparaison s'arrête là.

Pour plus de détails à ce sujet, je vous invite, quand vous aurez terminé mon article, à lire la très intéressante interview que l'auteur a donné au Nouvel Observateur.

Avant de vous donner mon avis sur l'histoire, je vais vous faire une confidence: pour moi lire John Irving, c'est un peu comme se glisser dans des pantoufles moelleuses et rassurantes. Je n'ai pas lu tous ses livres, mais un grand nombre quand même et il est certain que je vais tous les avaler. Ma rencontre avec lui s'est faite avec L'oeuvre de Dieu, la part du Diable qui se trouve d'ailleurs dans la liste des livres qui m'ont le plus marquée. A chacun de ses livres, je vis à peu près la même routine: les premières pages se dévorent, ensuite vient en général un passage que je trouve un peu longuet, qui m'ennuie même parfois et enfin, sans m'en rendre compte je m'installe dans l'histoire de manière très très confortable. Je m'attache aux personnages, même s'ils sont souvent un peu, voire beaucoup, bizarres, disons, hors-normes, mais j'aime les retrouver, je me sens en sécurité entre les pages de John Irving. Quand le livre se termine, je suis triste de quitter l'ambiance, triste de quitter les personnages. Je crois qu'Irving fait partie de ces auteurs qu'on aime ou qu'on déteste. Je comprends parfaitement qu'on n'arrive pas à entrer dans ses histoires, pour cela, je le rapproche un peu de Ian McEwan version Samedi.

A moi seul bien des personnages m'a fait le même effet, je dirais même que c'est un de mes préférés ou alors je dis ça parce que je viens de le terminer.... j'avoue, je ne sais pas. Certains passages m'ont ennuyées, toutes les diatribes sur le théâtre au début du roman étaient certes instructives, mais moi qui n'y connais rien en théâtre classique, je me suis un peu perdue. le milieu du théâtre prend beaucoup de place dans l'histoire, il a son importance puisque, à l'époque, il était courant que les personnages féminins soient joués par des hommes. Et alors me direz-vous? Et bien il permet ici d'introduire le grand-père du héros, qui fait partie de la troupe de théâtre locale et qui ne joue que des rôles de femmes... Mais je ne vous en dirai plus. Si ce n'est que le grand-père de Billy est un des personnages principaux de l'histoire, personnage que j'ai trouvé éminemment sympathique: sa tolérance et le soutien discret qu'il porte à son petit-fils sont juste un régal pour les coeurs sensibles. Il n'est pas seul d'ailleurs à cristalliser cette tolérance qui devrait aller de soi, d'autres personnages aiment Billy tel qu'il est, comme Elaine, l'amie de toute une vie. A moi seul bien des personnages est en effet avant tout un livre sur la tolérance, sur l'amour au sens le plus noble du terme. Je suis sortie de cette histoire en ayant envie d'aimer le monde entier, c'est vous dire.

Mais revenons à l'histoire. L'ambiance peut sembler spéciale puisqu'il y est question de... sexe. Encore, encore et encore. On y parle d'adolescents qui s'éveillent à la sexualité, mais, comme vous l'aurez compris, sur fond d'homosexualité, de transexualité et de bissexualité puisque je rappelle que Bill, le héros, est bisexuel. En ce sens, j'ai trouvé original que l'histoire se centre sur un personnage bisexuel car la bisexualité en littérature me semble moins exploitée que l'homosexualité qu'elle soit masculine ou féminine, d'autant plus qu'ici, l'auteur évoque les difficultés spécifiques inhérentes à la bisexualité. Ainsi Bill résume tout en disant qu'il n'est accepté ni par le milieu hétéro ni par le milieu homo. Partout il est un étranger. On le suit dans son parcours, de l'adolescence à l'âge mûr. On traverse les décennies et l'évolution des moeurs avec lui. On tremble et on pleure en silence devant l'apparition et les ravages du SIDA (les descriptions sont dures, mais justes il me semble, pudiques dans le sens où on ne tombe pas dans le pathos).



Je pense qu'il faut quand même une certaine ouverture d'esprit pour lire ce livre, Bill a des rapports sexuels avec des hommes, avec des femmes, avec des transexuels aussi. Rien de graveleux pourtant, l'auteur va droit au but, loin d'une ambiance pornographique: on est dans la description de la vie tout simplement. Par contre, il y a des relents d'inceste aussi, ce qui m'a mis mal à l'aise (était-ce utile?), sans parler de la famille de Bill qui compte un nombre incroyable de gays, lesbiennes et travestis (là c'était un rien exagéré, je trouve, niveau quantité au m2 dans la même famille, mais qui sait, c'est peut-être plausible, je n'en sais rien). Ca c'était pour les côtés que j'ai moins appréciés.

Gros point positif: outre qu'on suit le héros sur une très longue période (ce que j'apprécie beaucoup quand j'aime un personnage) j'ai adoré la somme de livres qu'on cite dans l'histoire. Oui oui, en plus des pièces de théâtre! A moi seul bien des personnages est un livre très riche en matière de références culturelles. En début d'adolescence, le beau-père du héros l'accompagne à la bibliothèque pour l'y inscrire. Par la suite, Miss Frost, la bibliothécaire, lui conseillera des livres en fonction des ses interrogations, de ce qu'il vit.... il trouve alors des réponses à ses questions et se découvre à travers les romans qu'il dévore. Cet aspect de l'histoire résonne en moi comme un écho, souvent au cours de ma vie, le bon livre a atterri dans mes mains au bon moment et je pense m'être construite et me construire encore au gré de mes nombreuses et diverses lectures.

Ce livre terminé, j'ai juste envie de me plonger à nouveau dans un des romans de John Irving! Mais non mais non, pas tout de suite, j'ai une PAL à vider!

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Ce roman raconte la vie de Bill, de son adolescence troublée par des attirances sexuelles ambiguës à sa vie d'écrivain adulte bisexuel assumé.
Bill s'interroge de plus en plus sur son attirance pour les filles autant que pour les garçons : "C'est épuisant d'avoir dix-sept ans et de ne pas savoir qui l'on est." Il va ainsi dérouler près d'un demi-siècle de sa vie de "suspect sexuel", dans un pays qui oscillera entre une libération des moeurs inévitable et le conservatisme le plus puritain. de l'apparition du terme "gay" aux ravages du sida, Bill rend un hommage fort à celles et ceux qu'il a aimés, à ceux qui ont souffert de leur différence,

"A moi seul bien des personnages" est un roman plein de tolérance dans lequel se côtoient comique et tragique. Poignant !
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John Irving est l'un des rares auteurs à pouvoir traiter un sujet en profondeur sans me lasser. Alors que la plupart des écrivains s'emmêlent les pinceaux dès qu'ils essayent de traiter plus de deux points de vue, Irving les multiplie au fil des pages sans nuire à son récit. Il m'avait déjà séduit avec « L'oeuvre de Dieu, la part du diable » sur l'avortement, il recommence dans ce livre sur le thème de la sexualité.

L'histoire doit provoquer quelques frissons d'horreur chez les âmes sensibles : un jeune garçon bisexuel, qui vit sa première expérience amoureuse avec une transsexuelle de 40 ans, ancien lutteur devenue bibliothécaire municipale. Irving évite adroitement tous les clichés, et rend ses personnages crédibles et profondément attachants. Aucun jugement de valeur, positif ou négatif, n'est posé : chaque protagoniste raconte sa vie et ses expériences, au lecteur de juger comme il le souhaite.

Bel hymne à la tolérance, comme on aimerait en voir plus souvent. Espérons qu'un jour, les lecteurs s'étonneront de la banalité de l'oeuvre, et se demanderont pourquoi il a fait couler tant d'encre.
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Au déclin de sa vie, un américain de la côte Est, bisexuel, écrivain, se raconte des années cinquante à aujourd'hui...
Et lire, pour la première fois, la première ligne de ce roman, c'est aborder l'espace et le temps d'un bonheur auquel je reproche seulement de se laisser dévorer trop vite.
Au gré de ses souvenirs, Billy (William, dirait l'ineffable Miss Frost, son grand amour contrarié) va de rencontres en initiations qui se font écho, s'interpellent, se télescopent, se nourrissent, s'animent les unes les autres et donnent au récit un foisonnement, un souffle, puissants, irrésistibles.
Tous les personnages évoqués ont une densité qui intrigue et attache mais le héros narrateur me semble provoquer une empathie assez exceptionnelle. Il chemine avec un mélange de fragilité, de confiance en la complexité de sa nature profonde, de singularité consciente, inaliénable, qui m'a rappelé Homer, le magnifique orphelin de "L'oeuvre de Dieu, la part du diable".
Si "L'oeuvre de Dieu, la part du diable" demeure pour moi LE roman absolu de John Irving, celui avec lequel j'ai découvert cet auteur, dispensateur de tant d'émotions précieuses, j'ai trouvé, dans "A moi seul bien des personnages", l'affirmation accrue, mieux ancrée au présent, d'une implication sociale, humaniste, à la générosité contagieuse, réconfortante.
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c'est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains : bien pensant s'abstenir.
Sinon c'est un ouvrage fabuleux et jouissif.
Mériterai beaucoup plus que 5 étoiles.
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La recherche de la sexualité du personnage principal, de son appartenance à, me porte à réflexion chaque jour..
Des désolantes manifs anti mariage pour tous .en France par exemple
Je me demande si Irving est un auteur pour les femmes, si les gays aimeront cette histoire ou pas .
Je ne la conseillerais pas à tous ,réserverais le conseil de cette belle lecture à qui pourra voudra entendre et écouter cette vie est si vraie si proche de celle de tout le monde. Les répliques de Shakespeare en plus. Je le relirai ce texte et reprendrai les livres et les pièces de thé^àtre dont J. Irving parle si bien . J'en ai dejà lu bon nombre mais il y a maintenant si longtemps et comme un conseil extrait de la lecture "A moi seul bien des personnages", j'apprendrai par coeur quelques répliques.
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Je suis une inconditionnelle de John Irving qui a l'art d'écrire sur des sujets qui peuvent parfois faire polémique avec toujours en toile de fond une pointe d'humour, une situation cocasse, une indulgence envers des personnages toujours attachants. Il nous ramène pourtant à la période sombre de la maladie qu'on ne nommait pas à l'époque, le sida. La souffrance endurée dans l'indifférence générale voire dans la raillerie : "Ils l'ont bien cherché". Et là le ton devient grave, comme un rappel à plus de retenu, d'humanité, d'hommage à ceux qui sont partis. C'est un livre qui parle de la vie en somme, pas moralisateur du tout, simplement de l'importance de s'accepter dans nos différences. On y parle aussi beaucoup de littérature, vecteur initiatique du désir et de l'identité sexuelle. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre.
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Le narrateur est bisexuel. Il aime les hommes et les femmes. Les femmes transgenres en particulier, et de longs méandres, amers et drôles, aident à comprendre pourquoi. Il reste un homme. Aimer les deux genres ne l'amènent pas particulièrement à souhaiter être femme. Il avoue rechercher une apparence féminine ET masculine parce qu'il est « mignon », parce que c'est plus facile pour draguer. Et parce qu'il est Ariel, essentiellement. J'y reviendrai.
Il est bi donc, mais pas confus, pas en quête de son identité sexuelle, du moins pas après l'adolescence. S'il y a un aspect sociologique, ou sociétal, je ne sais pas, dans le roman, ce n'est pas parce que son identité sexuelle lui pose un problème, mais parce qu'elle pose un problème aux autres. Ceux qui le rejettent, mais dont Billy ne s'embarrasse pas longtemps en fin de compte, et ceux qui ne savent tout simplement pas comment le prendre. Des membres de sa famille qui le prennent pour un déviant, les membres de la communauté gay pour qui il n'ose pas sortir complètement du placard. Irving sous-entend que son héros bi dérange parce qu'il rappelle que les frontières sont poreuses, celles du sexe, du comportement sexuel, que l'identité n'est pas une forme fixe qui surgit toute armée passée la puberté. Il n'y a rien là de bien inédit, pourtant, rien qui justifie le parfum de scandale. À plusieurs reprises dans son récit, le narrateur indique qu'il est poussé bon gré, mal gré, dans la communauté gay. Étudiant à New York, tout à sa joie d'être sexué frais émoulu de sa province, cela se comprend (si on veut draguer des mecs, a fortiori dans les années 60, il vaut mieux se trouver dans les endroits ad hoc). Homme mûr, dans les années 80, les années SIDA, il se voit sommé de choisir son camp, de rejoindre la cause et la communauté. La communauté, justement et à ce moment précis, Billy ne sait pas quoi en faire. Pour la première fois depuis son adolescence, ce garçon équilibré qui sait exactement qui il est ne sait pas quoi faire de lui. Il n'est pas un héros, il n'arrive pas à courir aux chevets des mourants, et il y en a tellement. À noter que cette partie, la seconde d'un livre au demeurant drôle, voire facétieux, est assez éprouvante. de la même façon crue qu'il décrivait le sexe, l'auteur montre la maladie, la déchéance, la mort d'une grosse partie du personnel du roman. Je ne peux pas le dire autrement : c'est dur à lire. Vous ne direz pas que je ne vous ai pas prévenus.

Glissez, mortels. À me relire, j'ai l'impression de parler d'un livre grave et sérieux, de sujets importants-de-société. Or pas du tout. Ces passages sombres de thanatos pesant font oublier l'éros pétillant du roman, inévitable dans la première partie consacrée à la poignée d'années pendant lesquelles Billy entre en scène. Dans tout les sens du terme. Il est presque dommage de faire À moi seul… un roman de la bisexualité. Ce Billy est un personnage, construit de la sorte par la volonté d'un auteur, pas un porte-drapeau, pas une allégorie. La bisexualité qui le compose lui donne chair et fluidité, et c'est ce mouvement doux qui en fait une entité crédible, aussi vivante que peut l'être un personnage de roman. C'est l'entrechoquement des atomes multiples qui l'anime. Avant de se poser en être sexué, Billy Abott est une créature de livres. Rappelons que Billy se comprend bisexuel en même temps qu'il se découvre écrivain, d'un même mouvement. Il est d'ailleurs symptomatique que la personne qui formulera toutes ses amours futures soit une bibliothécaire. Avant le sexe, elle lui fait découvrir les livres, le charpente avec beaucoup d'intelligence à coup de références incontournables. Fielding, Dickens, Flaubert Flaubert qu'il ne faut pas lire avant d'être totalement désespéré, et James Baldwin, bien sûr, parce que tout jeune gay des années 60 doit avoir lu La Chambre de Giovanni. Mais avant Miss Frost, il y a le théâtre. Ibsen et Shakespeare. Tennessee Williams. Théâtre dans le théâtre. La grande distraction de la petite communauté, c'est son théâtre amateur. Et c'est aussi la nôtre, vu que c'est à mourir de rire. de la tante insupportable au grand-père qui n'aime rien tant que jouer les héroïnes shakespeariennes, en passant par le tonton alcoolique et un ténébreux bûcheron norvégien qui dirige la troupe, que voilà une fine équipe. Portée par trois harpies (la grand-mère la mère et la tant de Billy, en mode marâtre de Cendrillon), la famille de Billy est pesante, intolérante, mais sur les planches, ce petit monde ridicule de province est cocasse. Peut-être parce notre héros est un esprit libre qui se détache lentement. Toujours est-il que l'auteur s'amuse – trop, pourrait-on dire. Il fanfaronne et cabotine à mort. Mais c'est efficace, avec des scènes hilarantes. Au-delà des pitreries et des costumes, il est surtout l'idée – baroque – de l'étourdissant tourbillon du monde. Des êtres changeants. Des identités fluctuantes. Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil : lorsque la troupe monte La Tempête, est-il vraiment surprenant que Billy se voit attribuer le rôle du génie Ariel ? du personnage au « sexe indécis ». Non sans doute. C'est facile. Mais cela tombe tellement bien.

Un mot, avant que d'en finir. Je crois que ce roman des genres et des identités est en large part un roman d'amour. Il s'ouvre et se clôt sur une évocation de Miss Frost, la muse de notre écrivain. Celle qu'il cherchera à demi-mot dans les autres femmes de sa vie, qu'il n'oubliera jamais. de cette galerie de personnage, la scandaleuse bibliothécaire est celle dont on ne peut pas s'empêcher de tomber amoureux, un petit peu. Sage et fascinante, la Femme Mûre est une institution littéraire – il y a par ailleurs quelque chose d'éminemment classique dans ce roman aux dégagements farfelus. Mais ce genre de femme-là, je n'en ai pas croisé souvent. Inaccessible jusqu'au bout, debout jusqu'à la fin. Et la scène de la séparation est un bijou. Très drôle, très, très triste, complètement en allée où ?, comme dirait l'autre. Face à l'imposante Frost sur le compas des amours de Billy, sa Némésis, Kittredge, le tyran local, capitaine de l'équipe de lutte. Un sale type, un type perturbant que Billy passera sa vie à tenter de comprendre. Frost et Kittredge, la bibliothécaire et le lutteur, restent les curseurs de la vie sentimentale du narrateur. We are formed by what we desire, déclare Billy au seuil du roman. La question subsidiaire est : se déprend-on jamais de ses 18 ans ?
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Tout ce que vous avez voulu savoir sur la bisexualité sans jamais avoir osé le demander. John Irving détaille avec des descriptions réalistes, naturelles et crues les pensées et relations de personnages à la sexualité différente. Mais, si certains lecteurs pourront être choqués, ce roman est bien davantage qu'un éventail de désirs et amours inavouables.
Le narrateur, Bill ou William, est aujourd'hui un écrivain célèbre de soixante dix ans et il raconte sa jeunesse et son éveil des sens. Elevé chez ses grands-parents jusqu'à l'âge de quinze ans, Il revient vivre chez sa mère et son nouveau beau-père Richard Abbott. Si il adore ce grand-père Harry, toujours prêt à se déguiser en femme pour les pièces de théâtre, il craint davantage les femmes Winthrop, sa grand-mère Victoria, sa mère et sa tante Muriel.
Grâce à Richard qui l'inscrit à la bibliothèque, il découvre la littérature et la sculpturale bibliothécaire, Miss Frost.
" Nos désirs nous façonnent : il ne m'a pas fallu plus d'une minute de tension libidinale secrète pour désirer à la fois devenir écrivain et coucher avec Miss Frost- pas forcément dans cet ordre, d'ailleurs."
Dans la littérature, Bill cherche à comprendre les "erreurs d'aiguillage amoureux" et découvre Dickens (De grandes espérances) et Baldwin ( La chambre de Giovanni). Car si Bill est un adolescent normal qui se découvre, il s'interroge sur son attirance pour son beau-père ou pour Kittredge, étudiant et lutteur de la Favorite River Academy ou pour les femmes aux petits seins telles Miss Frost. Son expérience avec son amie Elaine ne sera pas concluante mais elle restera à jamais sa meilleure amie et confidente.
" Nous avons grandi à une époque où nous étions plein d'aversion pour notre différence sexuelle, parce qu'on nous avait fourré dans le crâne que c'était une perversion."
En Europe, Bill pourra assumer sa sexualité, notamment grâce à la rencontre de l'écrivain Lawrence Upton surnommé Larry ( il n'y a sans doute aucun lien avec le vrai poète anglais du même nom) à Vienne dans les années 60. C'est lui qui lui fera prendre conscience, dans les années 80 de sa neutralité face aux malades du sida. Car la seconde partie du livre traite davantage de l'homophobie de la société et inévitablement des affections liées au sida. Une fois encore, c'est avec une grande précision que l'auteur détaille les signes, maladies et traitements.
" En 1995, pour la seule ville de New York, le sida a tué plus d'Américains que la guerre du Vietnam."
Si Mr Hadley comptabilisait tous les anciens étudiants tués à la guerre, l'oncle Bob fera la nécrologie des amis de Bill morts du sida.
John Irving, en remarquable conteur, nous attache à cette histoire par la densité de ses personnages, le mystère de leur réelle nature et ce fil conducteur de la littérature et notamment du registre de Shakespeare. le titre du roman est bien entendu une phrase de Richard II de Shakespeare mais on découvre au fil des pièces de théâtre mises en scène par Richard Abbott, les personnages et thèmes de l'auteur anglais.
" Est-ce une fille ou un garçon, telle est la question ?"
Le jeune William apprécie ces adultes qui l'ont guidé dans sa jeunesse. Il aime profondément son grand-père pour sa tolérance, son amitié fidèle et son goût des vêtements féminins. Il reconnaît en Richard un guide notamment vers la littérature. Il est reconnaissant à la mère d'Elaine de l'avoir aidé à s'assumer et à guérir ainsi son défaut de langage. Et bien évidemment, il sera éternellement amoureux de Miss Frost, cette énigmatique bibliothécaire qui l'a préparé à affronter les éventuelles attaques des hommes.
Comme tous les livres de John Irving, c'est un roman dense, captivant parce que j'avais envie de connaître le mystère des parents de Bill, la réelle nature des personnages énigmatiques comme Miss Frost ou Kittredge. On y trouve de l'humour, de la rage et énormément d'émotions.
Alors que se célèbrent en France les premiers mariages homosexuels, le roman d'Irving va faire couler beaucoup d'encre. Je vous en recommande la lecture car c'est aussi un plaidoyer pour la tolérance, le respect des différences.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Trop court... j'en aurais bien lu 300 pages de plus. J'aurais souhaité que l'histoire ne s'achève pas là... Vivement le prochain Irving !
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