Près de deux millions de jeunes gens ont été appelés ou rappelés entre 1955 et 1962
pour aller «mettre fin à l'action des agitateurs (
), au règne de la terreur (
) et rétablir pour tous la sécurité et la confiance» au sein de départements «français». Ils étaient partis, tout du moins au début, la fleur au fusil, croyant aller à la découverte... de l'Orient
d'un pays dont, globalement, ils ignoraient l'existence. La population européenne, surtout les puissants lobbies colons, étant le tamis cachant le soleil
faisant accroire en une «patrie mise en danger» par des «indigènes terroristes».
Huit années de guerre
trente mille d'entre eux y périrent
deux cent mille blessés ou gravement malades
Pourquoi ? Parce que bien d'entre eux furent confrontés rapidement à une triste et douloureuse réalité: l'exploitation des populations arabes par la population européenne, une surexploitation par les gros propriétaires et grands industriels, un apartheid déguisé, un racisme patent
et une résistance populaire des «Arabes» bien souvent insaisissable.
«En Algérie (au sein de leur armée et de la société européenne environnante qui vivaient dans un totalitarisme ambiant'), ils n'ont pas découvert le mal, ils étaient plongés dedans»
plongés «dans la violence extrême», perdant sans le savoir, et pour les plus faibles psychologiquement, «toute humanité» à l'endroit des «Arabes». «Tous des fells' qu'il fallait éliminer !» «Je n'avais jamais pensé que la méchanceté des hommes pouvait aller jusque-là: tuer pour le plaisir de tuer», écrit, dans une de ses lettres, un prêtre rappelé en Algérie.
Bien après le retour au pays natal, «l'inhibition de la honte» a conduit inexorablement, de leur vivant, «au néant» et à leur départ vers l'au-delà, «en enfer». Bon voyage du fond du coeur ! A tous ceux qui ne se sont pas repentis
en n'oubliant pas que parmi les appelés (dont un fameux collectif de trente-cinq des cinquante-cinq prêtres rappelés) beaucoup furent ébranlés dans leur foi et leur amour du prochain, s'insurgèrent et osèrent dénoncer publiquement les exactions et les pratiques honteuses de l'armée française (comme Jean Muiller, un ancien de la Route des Scouts de France, comme les cent cinquante militaires qui assistèrent à la messe de Saint-Séverin le 29 septembre 1955
). Ils furent poursuivis par la justice, emprisonnés ou affectés dans des sections difficiles. Il fallait bien s'en débarrasser et rien de tel qu'une «embuscade»
avec des balles qui ne se perdent pas (Muiller fut «tué» peu de temps après (???)... dans un accrochage).
Avis : un auteur engagé qui, déjà en 1960, avait publié un ouvrage le Gâchis, un ouvrage rapidement interdit. Appelé du contingent en Algérie en 1957-1958, il y racontait «sa» guerre, sous le pseudonyme de Jacques Tissier. Une photo terrible: un gamin (arabe, bien sûr) de douze ans à qui l'on fait porter un poste radio de dix-huit kilos, qui «ouvre la route» et «nous protège de possibles mines». A l'arrière, on aperçoit les soldats.
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«Les peuples aiment mieux se souvenir des pages glorieuses de leur histoire que des pages honteuses»
«Le traumatisme psychique se vit en silence, quelquefois jusqu'à la mort, lorsque le poids du souvenir devient insupportable (p.15
«Il est plus facile de tuer arbitrairement, de torturer, que de faire un travail humain de respect de l'individu» (p. 220