J'aime beaucoup la manière dont l'auteur parvient à donner, par la fiction, une forme d'expression aux moments de pure angoisse - voire de panique - entremêlés de périodes de torpeur que l'on doit affronter, parfois, à la fin de l'adolescence (la formule utilisée en 4e de couverture, « détresse psychique », me semble juste). En ce sens, le roman de
Shirley Jackson est pour moi peut-être aussi beau et troublant que
L'Attrape-coeurs (paru également en 1951) ou Franny & Zooey de
J.D. Salinger.
Dans ce qui me tient lieu de bibliothèque, l'errance se poursuit ainsi :
Hangsaman me renvoie également aux pages qui m'ont le plus marqué dans
le Maître des illusions, autour de l'amitié. Chez
Donna Tartt, je garde l'image du narrateur amené à sous-louer, pendant la fermeture des résidences universitaires, une sorte de grenier non chauffé où il se retrouve seul à Noël, s'abîmant dans la contemplation purement abstraite, solitaire et fiévreuse, d'amitiés qui se dérobent, alors que la neige tombe par les fentes du toit et qu'il perd pied : visions des jumeaux Camilla et Charles, apparitions spectrales de Henri (en y repensant ce soir, ici, je me dis que
le Maître des illusions est sans doute un roman sur l'amitié et ses illusions à la fin de l'adolescence, cette soif fusionnelle que Richard, le narrateur, ne sait comment orienter, au point de fantasmer ses amis en individus qu'ils ne sont pas et, lorsque l'illusion se dissipe, de se trouver forcé à affronter de nouveau la solitude qui était la sienne au départ)...
Dans
Hangsaman, l'amitié avec Tony entraîne in fine le lecteur vers une balade de l'étrange, la balade de Natalie Waite.
Le décor de cette balade m'évoque alors les sentiers lacustres et boisés où s'égare Julie Rouane, l'héroïne de
Nina Allan dans
La Fracture, elle-même en proie à ses propres visions.
J'ai adoré
Hangsaman. Moins facile d'accès que
Nous avons toujours vécu au château (que j'aime tout autant), peut-être plus âpre dans son approche de la folie et de son intrication avec la vie sociale (question de la normalité, de la standardisation, pour dire les choses un peu vite).
Pour quelqu'un qui n'a jamais lu
Shirley Jackson, je conseillerais de commencer par
Nous avons toujours vécu au château, le recueil
La loterie et autres contes noirs, ensuite
Hangsaman, La Maison hantée...