Anna, enseignante, est désignée pour être jurée d'assises.
Sur le banc des accusés, Frédéric et sa compagne de l'époque, Lucille, comparaissent pour l'homicide de Gilberte, la tante de Frédéric. le corps de la septuagénaire a été retrouvé dans sa salle à manger. Si le flacon vide d'antidépresseurs peut évoquer un suicide, des traces de strangulation contredisent cette hypothèse. Gilberte « avait les moyens » ; il se trouve que le jeune couple, au chômage, s'était lourdement endetté.
À travers le prisme des états d'âme et réflexions d'Anna, le roman suit la semaine de procès : audition des témoins, des accusés, interrogatoires menés par les avocats et questions ponctuelles des membres du jury, délibérations… verdict.
De toutes ses forces Anna s'applique à rester neutre et concentrée sur la lourde tâche qui incombe aux neuf membres du jury : se forger une opinion à partir des dits et des non-dits, des aveux parcellaires, des silences et des regards qui en disent long, des mobiles apparents et des questions sans réponse. Trancher entre innocence et culpabilité. Tenir l'existence de deux personnes entre ses mains.
Une véritable épreuve pour la jeune femme, qui se livre en parallèle à un cruel débat intérieur. Lorsqu'elle était enfant Anna a vécu un drame dont le traumatisme, jamais guéri, est réactivé à l'occasion de ce procès.
Un double suspense, donc, deux histoires en une qui nous maintiennent captifs d'un récit habilement construit. Des questionnements intéressants sur les mystérieux fonctionnements de la mémoire, sur le doute et les certitudes, sur la rancune et le pardon, sur les projections inconscientes de notre propre vécu sur des situations qui nous sont extérieures.
Aucune fausse note dans ce magistral premier roman (extrêmement bien documenté sur le sujet) de
Claire Jéhanno.
(Toutes proportions gardées, le couple d'accusés m'a fait penser au couple maudit du terrible roman de
Zola,
Thérèse Raquin, et la « zone grise » entre innocence et culpabilité au roman de
Karine Tuil,
Les choses humaines)